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Jean Dambreville, directeur de Delivery Unit (T-Systems, Groupe Deutsche Telekom)

Publié le 6 septembre 2011

Jean voit dans la proximité de la Réunion avec l’île Maurice (plate-forme « offshore » pour les services informatiques de plus en plus remarquée au niveau mondial) une opportunité à exploiter sous forme de partenariats. Voici ses réponses à l’interview ExperTIC .

Jean Dambreville

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

J’ai 41 ans. Ma famille paternelle est originaire de l’Etang-Salé les Hauts, et celle de ma
mère de La Petite-Île. Pour ma part, j’ai grandi à Saint-Denis avant de poursuivre mes études à Paris et à
Lyon. Ingénieur INSA de Lyon, j’ai commencé ma carrière à la direction informatique de la BNP, puis à
celle de Carrefour avant de rejoindre T-Systems (filiale informatique de Deutsche Telekom) où je suis
directeur de la Project Delivery Unit Finance regroupant la Business Unit Banque et la Business Unit
Assurance en France. Par coïncidence, mon bureau se trouve à Saint-Denis, malheureusement pas la ville de mon enfance mais celle qui est en région parisienne.

Est-ce que vous suivez l’état d’avancement de la Réunion sur le marché des TIC ?

Je suis le développement économique de La Réunion depuis mon entrée dans la vie active avec à
certaines époques, l’objectif de revenir faire profiter mon île des compétences que j’ai acquises.
J’ai assisté avec plaisir à de grandes avancées dans les infrastructures (couverture ADSL,
enrichissement progressif des offres, couverture 3G), qui donnent aujourd’hui à La Réunion des atouts
indéniables. De plus, de mon expérience personnelle, les Réunionnais ont une « culture TIC » plus
développée que la moyenne nationale. Internet permet en effet une ouverture sur le monde extérieur
(informations sur des sujets non traités par les médias locaux, commande de produit introuvables
localement, …) plus utile à La Réunion qu’en Île de France par exemple où l’on peut obtenir le même
résultat sans l’aide des TIC.

Quels sont les freins au développement de cette filière selon vous ?

Les freins de la filière TIC à La Réunion concernent l’ensemble de l’économie
locale : les coûts de production locaux (foncier, main d’oeuvre, fiscalité, monnaie), l’éloignement, le
manque de bassin économique privé (économie basée sur les investissements publics, pilotage des
grands projets par des sièges de sociétés non locaux ce qui ne permet pas le développement
d’expertise locale). En résumé, le marché intérieur et les opportunités d’exportation sont très limités.

Quelles sont les forces de la Réunion ?

Le point que je souhaite soulever est à la fois une force et une faiblesse trop rarement
évoquée : notre proximité géographique et culturelle avec l’Île Maurice. En effet, dans le contexte
mondial de recherche de plate-forme « offshore » pour les services informatiques, les atouts de l’île
soeur commencent à se faire remarquer : coûts de production (l’augmentation de ces coûts en Inde et
en Chine rendent Maurice compétitive), décalage horaire faible avec l’Europe, population parlant à la
fois l’anglais et le français (avantage concurrentiel fort par rapport à La Chine, l’Inde et le Maroc),
facilité d’échanges avec les grands centres de productions indiens. Des géants du call-center (Avaya)
ou du conseil (Accenture) se sont déjà installées à Maurice pour profiter de ces avantages et cela peut
être vu comme une concurrence aux investissements à La Réunion. Dans le même temps, La
Réunion en tant que département français est un bout de l’Europe à deux pas de ce territoire
d’expansion pour les entreprises TIC internationales. De plus les capacités réunionnaises de
formation de haut niveau dans les TIC (ESIROI, SUPINFO, …) n’ont pas d’équivalent à Maurice.
C’est le partenariat entre ces deux îles qui peut-être une véritable opportunité pour peu que l’on
parvienne à jouer la complémentarité des atouts plutôt que la compétition d’attractivité des
investissements.

Selon vous, quels seraient les facteurs de succès pour la Réunion dans ce domaine ?

Pour développer le secteur des TIC à La Réunion, la première étape est impérativement d’identifier
un marché local significatif permettant de mobiliser des investissements. En étant réaliste, on ne peut
espérer qu’une entreprise du CAC40 vienne subitement y installer son service informatique sans
raison particulière. Il faut donc miser sur des regroupements d’acteurs locaux prêts à mutualiser leurs
moyens et leurs besoins au sein de GIE pour amorcer le développement. Etant donné le poids des
investissements public sur l’économie locale, cela peut être accompagné par la Région qui réserverait
certains marchés à ces GIE. L’offre locale doit alors être réellement compétitive, il ne doit pas s’agir
d’une subvention de plus.

Les habitants de la région où vous vivez sont-ils « branchés » TIC ? De quelle façon ?

Etant installé en Île de France, je confirme que les Franciliens sont très « branchés » TIC. Les
passants dans la rue sont de plus en plus « connectés » à Internet (smartphones, tablettes, PC
portable, …), de plus en plus jeunes, et souvent avec plusieurs terminaux. L’usage du GPS souvent
connecté lui aussi est généralisé dans les voitures. Les services de VOD liés aux offres ADSL sortent
de l’usage « anecdotique » et je passe d’autres exemples.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais tentés par un parcours proche du votre ?

Mon parcours qui commence à dater un peu dans le monde des TIC n’est pas forcément le modèle à
suivre aujourd’hui. Je peux juste mettre en lumière quelques points que chacun doit adapter à son
propre contexte.
Les sociétés sont de plus en plus mondiales, avec des équipes intégrant plusieurs nationalités
différentes, sur plusieurs zones géographiques, surtout dans le monde des TIC. Cela ne va pas sans
poser quelques problèmes d’intégration et de compréhension entre les acteurs. Les Réunionnais
s’adaptent particulièrement bien à un fonctionnement multiculturel et multiethnique grâce à leur
environnement d’origine et c’est une carte qu’il ne faut pas hésiter à jouer. En parallèle, cela nécessite
une maîtrise irréprochable de l’anglais qui reste un point faible. Mon conseil : développer un anglais
parfait.

Avez-vous d’autres conseils ?

La Chine va jouer dans les prochaines années un rôle majeur sur l’économie de la planète. Les
échanges entre les universités européennes et chinoises se multiplient. Mon conseil est, là encore, de
profiter d’une bonne proximité culturelle voire géographique pour se positionner. Pour ceux qui le
peuvent, acquérir des compétences de Mandarin dès le plus jeune âge sera un atout majeur.
Être présent sur internet (réseaux sociaux, blog, …) est aussi un bon moyen de s’assurer d’être connu
et reconnu dans le monde des TICs et des recruteurs. Il ne s’agit pas de publier sur Facebook les
photos de sa dernière soirée, mais de mettre à jour son profil sur des réseaux professionnels du type
LinkedIn, et de relayer des informations pertinentes sur son blog ou sur Twitter de manière à ce que
quelqu’un qui cherche à se renseigner sur vous à la lecture d’un CV par exemple puisse avoir envie
de vous rencontrer.

Pour finir, et cela est valable pour tous les jeunes même ceux qui n’ont pas d’intérêt particulier pour
une carrière dans les TICs : être toujours prêt à saisir une opportunité. Tout le monde se retrouve un
jour où l’autre face à des opportunités. Pour être capable d’en profiter, il ne faut pas les attendre mais
avoir y déjà réfléchi et rêvé de ce que l’on ferait si jamais elle se présentait. Au moment où elle arrive,
il n’y a plus qu’à la saisir avant les autres...

Article à paraître dans le magazine Réunion Multimédia

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