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Réfugiés de guerre : Fred Perraut à la frontière syrienne

Publié le 9 juin 2013

Vidéaste pour l’ONG internationale Oxfam, basé en Angleterre, Frédéric Perraut s’est rendu plusieurs fois à la frontière syrienne depuis le début de la guerre. Visibles en ligne, ses films donnent une idée de ce que vivent les Syriens qui ont dû fuir leur pays dans l’urgence et le dénuement.

Dans cet article : une vidéo de Fred Perraut au Liban.

Fred Perraut

Tout d’abord, racontez-nous le parcours qui vous a conduit de Saint-Denis à la frontière d’un pays en guerre.

J’ai grandi entre le boulevard la Providence et la piste de BMX de Champ Fleuri. Après un bac de justesse et une licence d’Anglais à l’université de la Réunion, j’obtiens une maitrise mention très bien à l’université de Sussex, lors d’une année Erasmus. Je deviens professeur en collège à Sheffield, mais après avoir esquivé une chaise lancée par un élève de mauvaise humeur, je démissionne à la fin de cinq années de bons et loyaux services. Je réalise par la suite des émissions pour Antenne Réunion puis France O avec ma sœur Caroline qui est désormais chez Aids Alliances, chargée de programme pour l’Afrique de L’ouest. Depuis deux ans, je travaille pour une ONG britannique, Oxfam. Mon job consiste essentiellement à filmer et recueillir les témoignages de gens qui se retrouvent au cœur de catastrophes naturelles ou politiques.

A quel type de situations êtes-vous confronté ?

Les gens que je rencontre généralement sont au bord du gouffre. Ils ont faim, ils ont soif, ils ont vu leurs proches partir, ils sont désespérés, ils ont besoin d’aide. Avec ces témoignages, certains de mes collègues vont taper aux portes de gens que l’on espère généreux. On propose aussi ces témoignages aux médias, on réalise des spots TV d’appel aux dons et des films qui montrent comment l’argent reçu est dépensé : de l’installation de canalisations dans les camps de réfugiés au Kenya à la vaccination de chèvres au Tchad…

De quoi avez-vous été témoin à la frontière syrienne ?

Cette année je suis allé au Liban deux fois, en janvier puis en mai. J’ai d’abord rencontré des réfugiés syriens qui avaient construit des abris de fortune dans la vallée du Bekka. Je me souviens de Samira qui vivait dans cinq mètres carré sous bâche avec onze autres membres de sa famille. Ils dormaient sur un tapis humide à même le sol glacé. Samira m’avait confié qu’elle voulait en finir tant elle ne pouvait plus supporter de voir ses enfants vivre dans de telles conditions. Le lendemain nous faisions un face caméra à quelques mètres de la frontière syrienne, il n’y avait alors rien à craindre.

Et en mai ?

En mai, je me suis rendu à Qalamoun à côté de Tripoli, dans le nord du Liban. J’y ai rencontré des familles syriennes soulagées d’être en vie, mais épuisées de vivre dans des conditions désespérantes, traumatisées par ce qu’elles ont vu et vécu en Syrie. Reem, une veuve mère de sept enfants m’a dit : « En Syrie, je compatissais pour les gens que je voyais dans de terribles situations à la TV mais je n’ai jamais pensé qu’un jour je serais à leur place ». Il n’y a pas de camps de réfugiés au Liban. Les Syriens habitent là où ils peuvent : maisons en construction, garages, caves, supermarchés abandonnés... Même dans ces endroits là, ils doivent payer un loyer et c’est là qu’Oxfam les aide. 18 000 familles auront reçu 300 dollars d’ici fin juin, essentiellement pour payer leur loyer. J’ai vu une maman qui venait de recevoir 150 dollars, elle a couru acheter un chocolat pour son marmaille. Elle m’a dit « ça fait tellement longtemps que je ne l’ai pas vu sourire ». Je n’avais jamais rencontré autant de gens aussi traumatisés en si peu de temps. Ils ont tout perdu et ont peu d’espoir de revoir leur maison.

Fred Perraut
Crédit photo : Luca Sola

Selon vous, quel rôle pourraient jouer les pays occidentaux comme la France dans cette situation ?

Approvisionner la Syrie avec plus d’armes semble être une mauvaise idée. Les Syriens ont au mieux besoin d’un cessez-le-feu, mais au moins que l’on comprenne ceci : pour le moment, peu importe les causes de cette tragédie, il faut mettre la main à la poche pour aider le million de Syriens éparpillés au Liban, en Jordanie, en Turquie… Ils ont besoin d’un peu d’argent pour payer leur loyer et ne pas se faire expulser, pour acheter une carte téléphonique et prendre des nouvelles de leur famille restée en Syrie, pour acheter à manger, des couches, pour lutter contre l’insalubrité, pour se permettre un peu de dignité… La liste est longue.

Selon vous, que va-t-il se passer maintenant ?

Je devais repartir au Liban il y a six jours pour rencontrer les Syriens qui vivent dans des tentes aux alentours de Tripoli. Mais deux missiles sont tombés sur Beyrouth, des combats mortels ont eu lieu à Tripoli et dans la vallée du Bekaa. Ce voyage a donc été annulé. La tragédie syrienne va peut être se propager dans les pays voisins. Je suis assez pessimiste mais j’ai bon espoir de voir un élan de solidarité gigantesque. Ça serait la moindre des choses.

Article paru dans Le Quotidien du 9 juin 2013


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Fred Perraut
Lors d’une précédente mission au Tchad. Crédit photo : Abbie Trayler Smith
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