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Spécial retour : Serge Grondin, fondateur de la marque Bourbon Palto

Publié le 26 juin 2014

Après 17 ans d’expériences dans la finance à travers le monde, Serge est rentré s’installer à la Réunion avec sa femme en 2012, où il a fondé la marque de vêtements Bourbon Palto. Portrait d’un voyageur de 38 ans.

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Sécial retour : Serge Grondin, fondateur de la marque Bourbon Palto

D’où êtes-vous à la Réunion ?

De Cambuston. Papa et momon ont élevé cinq enfants (quatre garçons, une fille). Papa était un peu l’homme à tout faire de la Chambre des Métiers, un des premiers employés de cette collectivité à la Réunion. Maman était aide puéricultrice au CHD de Bellepierre. Après des études en Finance à Paris, j’ai travaillé dans des endroits aussi diversifiés que Londres, les Etats-Unis, le Luxembourg, la Chine, l’Autriche... en tant qu’Analyste financier et Directeur administratif et financier.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à la Réunion en 2012, après une longue période de mobilité ?

Ce sont des raisons personnelles (papa est tombé malade), et je voulais franchir un palier professionnel : créer une entreprise ou diriger une entreprise existante. Du coup, je n’ai pas spécialement préparé mon retour.

Décrivez nous votre état d’esprit à l’atterrissage à Gillot.

Motivé ! J’étais très content de revenir, sentir l’odeur des flamboyants, la chaleur, l’odeur du café de maman. J’étais paré pour soulever des montagnes, je le suis toujours !


Serge Grondin, fondateur de la marque Bourbon Palto
Avez-vous eu des difficultés à vous réinstaller sur l’île ?

J’ai eu quelques difficultés pour ré intégrer le système français (Sécurité Sociale, Pôle Emploi, les impôts…) dont j’étais sorti en vivant à l’étranger. Je n’avais plus de carte vitale. Un conseil : ne pas oublier de réclamer avant de quitter son pays d’accueil un formulaire de reconnaissance des droits au chômage et de se renseigner sur les accords entre la France et ce pays d’accueil. Ce n’est pas insurmontable, mais c’est une étape à faire un peu lourde.

Dans quel état avez-vous trouvé le marché du travail en rentrant ? En tant que Réunionnais de retour sur son île, avez-vous ressenti un « avantage concurrentiel » ?

A Bac +4, tu as 17 ans d’expériences dans la finance à travers le monde et dans un environnement anglo-saxon. En plus de ton kréol et de ton français, tu parles deux langues et en baragouines une troisième. Ton dernier poste était DAF d’une usine de 2 000 personnes dans l’industrie automobile, ton service (Finance) comprenait une cinquantaine de personnes à manager en comptant les extérieurs... Tu apparais un peu comme un OVNI quand tu débarques à la Réunion, surtout à 38 ans ! On m’a même conseillé de repartir en disant « il n’y a rien pour vous ici Mr Grondin ».

Comment avez-vous réagi ?

Pour mille et une raisons (la plus usitée du moment : « c’est la crise Mr Grondin, vous comprenez ? »), on m’a fait comprendre que les postes de direction, ce n’était pas pour moi. Je me suis rendu compte qu’à l’heure actuelle, postuler à un poste de direction avec une expérience anglo-saxonne et une approche anglo-saxonne du management, parler anglais, allemand couramment (et espagnol assez bien), ce n’était absolument pas un avantage concurrentiel. C’est malheureux à dire, non ? Ton CV n’attire personne ! Cela a renforcé mon idée de monter ma propre entreprise. Parce que tu as le choix : soit tu rent’ ta kaz et tu maudis tout le monde, soit tu repars de zéro et reconstruis tout. J’ai choisi l’option 2 car c’est dans ma nature de me battre. Dans l’entreprise américaine (Delphi) où j’ai travaillé pendant toutes ces années, il y a une phrase qui m’a marqué et formaté, elle est de mon boss : "Serge, c’est bien de venir me voir avec un problème, mais c’est encore mieux de venir me voir avec une solution. Comme ça on passe plus de temps à parler de la solution, que du problème". Lorsque tu appliques cette phrase à ta vie de tous les jours, ben mounwar, out vie i change, ou râles moin le kèr. Tu rebondis, tu passes à autre chose et tu créés ta boite. Créer sa boite, c’est génial !

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Qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

Je ne « check » pas, ce n’est pas ma culture, mais je m’y suis fait. Notre kréolité est basée sur l’absorption de la différence et notre capacité à s’adapter. « Florebo Quocumque Ferar » (la devise de la Réunion : « je fleurirai là où je me poserai ») décrit très bien notre kréolité et notre capacité d’adaptation. Donc je me suis adapté, même si le « check » ne correspond pas, du tout, à ma culture. Ah oui aussi : avant, pour passer le radier de gillot, l’embouteillage commençait au rond-point Gandhi coté l’usine La Mare. Aujourd’hui, l’embouteillage commence au Carrefour de Ste Suzanne.

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

Tout ce que nous avions prévu ne s’est pas concrétisé. Du coup il a fallu gérer les situations les unes après les autres pour régulariser la situation. Mais au final ça s’est bien déroulé. J’ai été heureux de retrouver ma famille, manger un sorbet tamarin sur le front de mer, acheter mon bichique sur le bord de chemin, cette atmosphère kréol et le parler Kréol. Intérieurement c’est reposant. Comme déception, il ya l’urbanisation. Bientôt des gens habiteront au 4, impasse de la Roche Ecrite ! Mais bon, l’évolution démographique fait partie de l’évolution des sociétés. Plutôt qu’une critique, c’est un pincement au cœur de voir les montagnes et les karos cannes disparaitre.

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Oui totalement, il faut voyager et partir pour s’enrichir. Voyager m’a confirmé une certitude : « notre kréolité est une arme de tolérance massive » et permet d’affronter la différence qu’on trouve sur son passage en voyageant. Elle nous prépare, mais ne protège pas parce qu’à plusieurs reprises, j’ai fait face au rejet, notamment pour l’accès au logement. Exemple : l’agent immobilier t’explique que même si tu remplis tous les critères pour pouvoir prétendre à un logement, le propriétaire refuse ton dossier parce qu’il ne veut pas « de gens des iles dans son appartement ». Ce genre de situation n’est décrit nulle part dans les brochures, mais c’est quelque chose qu’il faut vivre pour grandir. C’est génial de voyager, mais ce n’est pas tous les jours le monde des bisounours.

Parlez-nous de votre marque, Bourbon Palto.

« Bourbon Palto » qui est une marque de vêtement avec une très forte identité kréole. La créativité accumulée pendant toutes mes années de voyage est en train de ressortir. Ça avance bien, cela fait un an qu’on est sur la place et nous sommes plutôt satisfaits, nous sommes déjà plus de 700 fans sur la page FB. C’est une petite prouesse car tout au début je n’avais rien à vendre. Je communiquais sur une certaine forme de kréolité, mais toujours avec humour et dérision. Les fans ont adhéré et c’est eux qui me poussent à sortir les modèles le plus rapidement possible. C’est ça mon énergie ! Ils m’ont d’ailleurs donné un petit nom gaté, « Mr Palto » avec son capeline et son palto mavéli (Drapeau régional de la Réunion). Aujourd’hui je vends mes créations sur les bazars principalement. C’est génial, j’adore ce que je fais. Rencontrer les gens et leur expliquer la démarche Bourbon Palto est quelque chose qui m’épanouis pleinement. Mais cela nécessite énormément de disponibilité et de sacrifices. Et puis je dois être le seul bazardier à tenir la conversation avec des Autrichiens, des Allemands, des Américains, des Anglais et des Espagnols et leur vendre un tee shirt "Baboukman". Tout simplement parce qu’ils sont contents de parler leur langue à la Réunion. C’est un feeling. J’ai même vendu un tee shirt "ladilafé" de Bourbon Palto à une Japonaise de passage dans l’île !

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Avez-vous d’autres projets ?

J’ai un projet un peu plus personnel. Je suis en train d’écrire les « Tribulations de Mr Palto autour du monde » : le monde vu par un enfant du CNARM et de la mobilité Région, vu par un kréol. Ce seront toutes les formes d’anecdotes dans lesquelles on peut se retrouver, où je vais manier l’humour, le décalage et aussi l’humour noir pour dénoncer, tout en décrivant et encourageant le voyage. J’ai un deuxième projet dans l’agroalimentaire et l’industrie cette fois ci, que je suis en train de monter avec le CYROI et CBTECH (Anne Laure Hoareau et Veny Tirvassen). Bref, les nuits sont courtes en ce moment mais j’aime ça !

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaiteraient rentrer sur l’île ?

Prévoir un plan B, même C, au cas où la crise se prolonge à la Réunion.



- La page Facebook Bourbon Palto

Bourbon Palto : présentation

Le mot "Palto" en créole désigne une veste ou un pull en laine. Il provient du français "paletot" qui se réfère à une cape ou un haut de corps.

Dans de nombreuses familles créoles, il n’était pas rare d’entendre cette phrase dans la bouche de nos gran’mounes ou gramounes : "Trappe mon palto pou moin, mi sava la messe".

Le mot palto est venu comme un évidence lorsque nous avions voulu créer une marque de vêtement, mais il fallait lui donner un coté national ou international, et l’ancien nom de la Réunion, Bourbon, s’y est ajouté naturellement. Bourbon Palto était né.

Quand au logo, il était sous notre nez, là à nous regarder tous les matins au travers de ma fenêtre, c’est la coupe de l’ile de la Réunion avec les vagues de chaque coté, le piton des neiges et le volcan. Simple, sobre et reconnaissable par toutes les personnes qui aiment ou qui ont connu la Réunion.

CV Express – Serge Grondin

Paris 1995 – Etudes en Finance / Maitrise Monnaie Banque Finance Paris X Nanterre, promo 1997
Londres 1999 – Superviseur Compta Client
Paris 2001 – Junior Financial analyste
Saginaw (US) 2003 en mission - Junior Financial analyste
Strasbourg 2004 – senior financial analyste
Luxembourg 2006 - Senior Financial analyste
Shanghai 2007 en mission - Senior Financial analyste
Vienne (Autriche) 2008 – Directeur Administratif et Financier
Blois 2010 – Directeur Administratif et Financier
Hong Kong – Visite
Réunion 2012 – Fondateur de la marque Bourbon Palto

Quelques photos de voyages


Serge Grondin, fondateur de la marque Bourbon Palto


Serge Grondin, fondateur de la marque Bourbon Palto


Serge Grondin, fondateur de la marque Bourbon Palto

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