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Trump président : réactions de Réunionnais des Etats-Unis (2/2)

Publié le 10 novembre 2016

Le rêve américain peut-il tourner au cauchemar ? C’est ce que craignent les Réunionnais installés aux Etats-Unis au lendemain de l’élection de Donald Trump.

Avec Nadia Payet - Guillaume Hoareau - Alice Tilin - Anne-Laure Dufour - Emmanuelle Ichaye
Lire aussi : Réunionnais d’Amérique à 24h des présidentielles : craintes, espoirs et pronostics / Six mois après l’élection de Donald Trump


Identité – Parcours


Nadia Payet, 34 ans, Seattle, ingénieure chez Google. Originaire de Saint-André, je suis titulaire d’un doctorat en informatique à Oregon State University.

Guillaume Hoareau, 31 ans, vétérinaire et chercheur à l’Université de Californie-Davis. Originaire de Saint Denis, je vis aux Etats-Unis depuis une dizaine d’années.

Alice Tilin, 26 ans, Boston, contrôleur de gestion chez Sanofi-Genzyme, filiale biotechnologique du groupe Sanofi. Originaire de Sainte-Clotilde – Chaudron, j’ai fait une école de commerce à Nancy après une classe prépa au lycée de Bellepierre.

Anne-Laure Dufour, 25 ans, Los Angeles, coach nutritionnel. Originaire de Bras-Panon, j’ai suivi une formation d’ingénieur agroalimentaire à l’ESIROI (Ecole Supérieure d’Ingénieurs Région Océan Indien). Après un poste d’ingénieur agroalimentaire R&D dans une entreprise de barres énergétiques, j’ai lancé mon entreprise.

Quelle est l’ambiance autour de vous depuis l’annonce des résultats ?


Nadia Payet

Nadia Payet : A Seattle, ville très libérale, tout le monde est choqué, déçu, et aussi inquiet. Mes amis, collègues de travail, et mon compagnon, tous américains, sont abasourdis que Trump ait pu gagner cette élection.

Guillaume Hoareau : J’évolue dans un milieu plutôt démocrate. Les gens sont surpris car quasiment tous les sondages étaient en faveur d’ Hillary Clinton.

Alice Tilin : Tout le monde est abasourdi. J’ai suivi les élections dans un bar et je voyais les visages se décomposer au fur et à mesure que les résultats tombaient. J’ai beaucoup d’amis qui ont exprimé leur surprise et leur colère sur les réseaux sociaux. Ils craignent pour leur famille et pour eux-mêmes, notamment ceux qui sont issus de l’immigration. Ils ont peur d’une montée de la xénophobie. Pour l’anecdote, ce matin au travail, un de mes collègue américain s’est présenté spontanément à tous les expatriés du service en s’excusant pour leur nouveau président, et en précisant qu’ils n’ont pas tous voté pour lui. Des manifestations sont aussi prévues dans la journée pour contester les résultats. Je crains que nous n’en ayons pas encore fini avec cette élection !

Anne-Laure Dufour : Les rues d’Alhambra sont restées paisibles. Chacun vaque à ses occupations. Mais les gens que je côtoie sont profondément tristes et déçus par les résultats de cette élection. Sur les réseaux sociaux certains déclarent même vouloir quitter le pays. Personnellement la victoire de Donald Trump m’a beaucoup étonné ; je ne pensais pas que la majorité des Américains allait choisir un tel personnage mégalomane, raciste et intolérant.

Comment est-ce que vous l’expliquez ?


Nadia Payet : On pense que les Démocrates ont voulu trop en faire en essayant de gagner en Floride et dans l’Ohio, états historiquement républicains. Ils n’ont pas assuré leurs arrières dans les états profondément démocrates qui auraient dû voter Hillary, comme le Michigan ou la Pennsylvanie. Du coup ils ont perdu dans tous ces états, ce qui a donné à Trump sa grande victoire...

Guillaume Hoareau

Guillaume Hoareau : L’Amérique est divisée et frustrée. Les gens veulent du changement et renverser les milieux politiques traditionnels. Ils ont été charmés par la rhétorique de Mr. Trump.

Alice Tilin : Le Massachussetts, état dans lequel je vis, est profondément démocrate et jusque hier soir il était inimaginable que Trump remporte ces élections.

Anne-Laure Dufour  : Le pays est très divisé. La Californie où je vis rassemble des immigrants du monde entier : Mexique, Amérique du Sud, Asie, Europe… Les gens ici sont révoltés par les propos racistes et discriminatoires de Trump, notamment le fameux mur qu’il souhaite construire entre le Mexique et les Etats-Unis.

Que dit ce scrutin sur l’état actuel des Etats-Unis ?


Nadia Payet  : On se rend compte de la division du pays et que les Américains voulaient du changement. Dans les villes très libérales des Etats-Unis, on ne peux pas comprendre les problèmes auxquels les supporteurs de Trump font face. Du coup, on est complètement déconnectés quand on regarde ces résultats.

Guillaume Hoareau : C’est un pays qui se pose beaucoup de questions et qui s’en pose maintenant encore plus : Va-t-on construire un mur entre les Etats-Unis et le Mexique ? Qui va payer ? Quelles sont les conséquences écologiques (en ce moment même se tient à Marrakech une conférence pour mettre en oeuvre les accords de Paris et Donald Trump a promis de retirer les Etats Unis de ce traité) ? Quelles mesures seront prises pour lutter contre Daesh ? Quelles seront les relations futures avec la Russie ? Que va-t-il se passer pour les droits de la femme et des minorités ?...

Alice Tilin

Alice Tilin : Il y a un ras-le-bol général des "classes moyennes et défavorisées blanches" qui se sentent oubliés politiquement. Trump a su surfer sur cette vague, en leur disant ce qu’ils voulaient entendre. Il a réussi à se faire passer pour le candidat qui se bat seul contre tous et ces catégories de population se sont reconnues en lui. Ces élections ont été pour eux un moyen de se venger. C’est un vote de contestation et de mécontentement.

Anne-Laure Dufour : Ce scrutin témoigne de l’inquiétude d’une partie de la population pour l’avenir économique du pays. Je pense notamment à la « classe ouvrière blanche » dans le centre et le sud du pays qui craint pour la stabilité du travail. Donald Trump est un businessman multimillionnaire qui leur promet une révolution du système économique. D’autre part, ce scrutin montre qu’il y a une peur profonde concernant l’arrivée d’immigrants, liée aux attaques terroristes, au chômage, ou encore la diminution de la population « blanche » dans le pays.

Quelle principale conséquence aura-t-il pour vous ?


Nadia Payet : Pour moi c’est un bouleversement social qui va avoir lieu si Trump exécute ses promesses. Obama-care va disparaître et laisser des millions d’Américains sans sécurité sociale ; certains droits des femmes vont être remis en cause, avec un juge à la cour suprême très conservateur ; l’avortement va peut-être devenir illégal dans plusieurs états.

Guillaume Hoareau : L’avenir est incertain. J’espère juste que la vie au quotidien ne sera pas affectée par des problèmes de discrimination raciale et que les systèmes de santé et d’éducation resteront intacts. Mais Trump a promis de supprimer Obamacare, ce qui enlèvera à beaucoup d’Américains l’accès aux soins médicaux...

Alice Tilin : Pour l’instant aucune. Je ne pense pas que les règles concernant l’immigration vont changer du jour au lendemain. Cependant, j’ai peur du message que cette victoire véhicule : comment un homme d’affaires qui n’a aucune expérience politique a pu se faire élire Président alors qu’il a tenu tant de propos haineux ?

Anne-Laure Dufour

Anne-Laure Dufour : J’ai peur que la protection sociale soit remise en cause. Je crains aussi que le racisme et la discrimination se développe dans le pays.

Quelles leçons en tirez-vous pour les échéances à venir en France ?


Nadia Payet : D’abord les médias ont joué un grand rôle dans cette élection. Visiblement la plupart des chaînes de télévision avaient de mauvaises informations ; les sondages n’ont jamais été aussi loin de la réalité. Cela remet vraiment en question la validité de toutes les données qui donnaient Hillary grande gagnante ce soir. On voit aussi l’impact du vote contestataire. J’encourage les Français à penser aux conséquences avant de voter pour contester le candidat principal.

Guillaume Hoareau : La politique aux Etats-Unis est trop différente de ce que nous connaissons en France pour faire des comparaisons. Ici le système est purement binaire : deux partis, deux visions de la société… De plus le système de vote américain est très spécial. Trump a été élu avec moins de voix (mais plus de grands électeurs) que Clinton.

Alice Tilin : Cette victoire fait écho à la montée de l’extrême-droite en France et montre qu’un candidat non-favori selon les sondages peut gagner. Il ne faut sous-estimer personne, surtout pas les candidats populistes (même si ils sont creux !).

Anne-Laure Dufour : Je constate que Trump et Le Pen partagent de nombreuses visions. Il a d’ailleurs été vivement félicité par le parti d’extrême droite en France pour son élection.

D’autres réactions recueillies pour Réunionnais du monde :

Emmanuelle Ichaye Arnum

Emmanuelle Ichaye-Anum, 40 ans, architecte à San Francisco (originaire de Sainte-Anne) : « Mon opinion est que Trump ne sait pas ce qu’il fait. Il veut conduire le pays comme si c’était un business, mais il manque de tact et d’expérience. Il est vicieux dans ses propos et ne s’excuse jamais. Son ego est trop grand pour ce rôle... »

Christine Ah-Kang, 24 ans, ingénieure à New-York (originaire de La Possession) : « La candidature de Donald Trump a fait de ces élections un show consternant. Les débats étaient davantage un moyen de lancer et se défendre des attaques personnelles que de développer des programmes politiques. Les médias, dont certains ne se prononcent pas d’habitude, et un grand nombre de stars ont pris parti, amplifiant les discussions enflammées sur les réseaux sociaux.

Christine Ah-Kang

Pour ma part, je trouve que cette campagne a terni encore davantage le monde politique, même si Bernie Sanders a apporté un regain d’intérêt auprès des jeunes avec ses ambitions d’une campagne financée uniquement par des particuliers et d’une éducation supérieure gratuite. Dans une certaine mesure, cela a renforcé l’aversion pour les pratiques et idées politiques habituelles...

Aujourd’hui Donald Trump peut difficilement être perçu comme quelqu’un pouvant présider et représenter les Etats-Unis : du fait de ses dires et actes, mais aussi parce que son expérience politique est inexistante et son programme est très instable et flou ».


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