Publicité

Classe politique locale et responsabilité - Analyse

Publié le 11 décembre 2020

Alors que les voyants restent au rouge depuis des décennies - taux de chômage, pourcentage d’illettrés, pauvreté, manque de logements - la classe politique locale a perdu la confiance du peuple... Extrait du Journal de Paul Hoarau (septembre 2020). Homme de média et de politique, ancien conseiller régional et fondateur du Comité du Progrès, Paul Hoarau est fortement impliqué dans la vie civile et la société réunionnaise depuis de longues années. Il est l’un des porteurs des « Fondamentaux pour La Réunion et de la Conférence des mille ».


Paul Hoarau : « Alors que quatre voyants importants restent au rouge depuis des décennies - le taux de chômage, le pourcentage d’illettrés, la pauvreté et le manque de logements - la classe politique locale a laissé des plus puissants que nous déposséder le pays de son industrie sucrière (Emile Hugot et Maxime Rivière doivent se retourner dans leur tombe), de sa banque, de son port (les anciens patrons se sont expatriés en Nouvelle-Zélande ou en Australie, d’autres ont disparu purement et simplement, parfois ruinés) ; elle a laissé l’administration responsable gérer l’application de la loi-montagne sur les terres insuffisamment cultivées ou en déshérence, sans en respecter l’esprit et au détriment de nombreux Réunionnais qui attendent d’avoir un peu de terre à cultiver ; elle a laissé tomber les actions réunionnaises pour la formation des hommes par l’école, en formation continue, en formation populaire (les voyants du chômage, de l’illettrisme, de la pauvreté restent toujours au rouge).

On pourrait parler de l’Université, de l’Indianocéanie, allonger sur plusieurs pages la liste des absences de la classe politique. Or, les élus locaux du système ne veulent pas de la responsabilité. Les responsables, dans le système, sont les hommes politiques et les hauts fonctionnaires du pouvoir central de Paris et leurs représentants locaux : les ministres, les directeurs et les inspecteurs ministériels, les préfets. Toutes les fois qu’un élu local est interpelé, la réponse est immédiate : c’est Paris qu’il faut appeler, c’est Paris qui décide, c’est toujours la faute à Paris.

C’est la position confortable de l’irresponsabilité. A ce confort de l’irresponsabilité, s’ajoute le confort de la situation matérielle. Pour les élus les plus élevés, cela dépasse la dizaine de milliers d’euros par mois, sans compter les avantages en nature, sans contrepartie de compétence ou de mérite. La Cour des comptes a beau pointer parfois, ses avis ne changent rien. Le double confort de l’irresponsabilité politique et de la situation matérielle est la cause principale du désintérêt des électeurs indépendants pour la classe politique et de l’abstention. Cette abstention assure au sortant ou au favori du système, un volant d’électeurs obligés, compte tenu de la situation sociale du pays et du rôle de l’élu, du maire notamment. Cela explique l’importance des maires comme faiseurs de rois.

Plus exactement, depuis peu, avec les lois sur le cumul des mandats, il existe entre les dirigeants régionaux ou départementaux et les maires un échange de soutiens qui fausse le rôle traditionnel des partis. Les marchandages du système efface les notions de droite et de gauche, les valeurs qu’elles sont censées représenter, défendre et promouvoir. La vie politique se réduit à un monde singulier hors sol, de personnalités d’une espèce particulière, le microcosme disait Raymond Barre. »

Reprendre confiance

« La fonction politique est de redonner au peuple confiance en lui-même. C’est ainsi que les formations et les hommes politiques retrouveront la confiance perdue du corps électoral. Le peuple retrouvera le chemin de la confiance en soi, s’il se retrouve lui-même, s’il a le sentiment qu’il est reconnu, qu’il existe et qu’il est responsable. La présence du peuple, indépendamment des partis, est le préalable au retour de la confiance. Si le mouvement de sa résurrection est puissant, les formations et les hommes politiques qui le reconnaîtront pourront faire leur entrée ; on en aura fini avec la folie des égos ; le pays tout entier reviendra à la réalité de la situation et au réalisme des remèdes.

C’est au peuple lui-même de reprendre sa place et de rappeler non seulement à la classe politique locale, mais aussi au Gouvernement, à l’Europe, à l’Indianocéanie, à l’Afrique et à l’Asie, qui il est, qu’il existe et qu’il est le responsable de son île ; c’est à lui que revient le soin de fixer son cadre (la gouvernance de l’île, son développement, la formation des Réunionnais, la politique financière et la politique de recherche) et ses objectifs (l’extinction des feux rouges du chômage, de l’illettrisme, de la pauvreté et du logement).

La présence vigilante du peuple, si elle est puissante, poussera les partis, les associations, les corps intermédiaires, mais aussi les administrations, a agir autrement, sur les bases et dans le cadre fixés. La classe politique, pour sa part, retrouvera la confiance des électeurs, quand elle se tiendra à sa place sur ces bases et dans ce cadre.

Recherchons l’unité. C’est l’unité qui nous donnera les moyens de régler nos problèmes par nous-mêmes. Sinon, il faudra faire appel à un arbitre extérieur qui nous mettra d’accord en nous croquant. C’est l’évidence. Habituons-nous à nous donner des endroits où nous rencontrer sans que personne n’ait à redire. N’ayons pas peur, n’ayons pas honte, de nous mettre parfois ensemble pour dire d’une seule voix kisa noulé ! nou léla ! nou mem i fé ! »


Lire aussi : Les Fondamentaux pour La Réunion et la Conférence des mille / d’autres analyses de Paul Hoarau / le blog http://reelr974.eklablog.com / www.facebook.com/lejournaldepaulhoarau / Contact : [email protected]

Publicité