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Extrait 2 : Le Merle Blanc - Itinéraire de Raphaël Chane Nam en terre réunionnaise

Publié le 17 septembre 2011

Dans ce livre, Yves Bosquet raconte la vie d’une figure de la diaspora chinoise à la Réunion. Extrait 2 : Fête commerciale à Saint-Pierre en 1967, "Lambians que ti veu Sa nou nana".

Le Merle Blanc - Itinéraire de Raphaël Chane Nam en terre réunionnaise

… « à Saint-Pierre, a l’excellente idée de fonder « L’Union des commerçants
et industriels de Saint-Pierre ». Raphaël embarque sur le bateau tout
naturellement, avec René Barrière, Hassim-Amode Locate, Henri Maître
et Aboubacar-Issop Omarjee, qui lui confient le portefeuille de trésorier.

L’idée-force est d’organiser une grande manifestation à l’occasion du
tricentenaire de La Réunion, du type « semaine commerciale ». Le projet
est extrêmement novateur, et loin des fallacieux prétextes commerciaux
ultérieurement repris à l’envi. En outre, jamais encore la Capitale du Sud
n’a réuni dans les rues l’ensemble des boutiquiers, détaillants, vendeurs
et fabricants industriels. Les premiers jours de décembre 1967, la rue des
Bons Enfants inaugure donc, sous les clairons de la fanfare municipale, la
vente en plein air, sur les trottoirs.

Les commerçants rivalisent d’ingéniosité pour rendre leurs étalages
attrayants. Le Merle Blanc siffle la politesse à tous ses voisins ; l’étincelle
est à Marcelle ce que l’éclat de l’or est au lingot : habiller cinq pin-up
recrutées à cette fin en hôtesses de charme, avec uniforme ! Rien de tel
qu’une belle voiture carrossée d’un mannequin longiligne aux formes
avenantes pour émoustiller les ardeurs consommatrices du premier
beau frimeur. Eh bien, le Merle Blanc fait commerce d’épicerie fine en
appâtant le chaland de courbes court-vêtues, onctueuses et pimpantes. La
dévoration des marchandises se transforme en régal pour la caissière qui
encaisse à tout vent. Les ménagères, sans doute un peu jalouses de beautés
aussi affriolantes, se vengent sur les friandises chocolatées et les religieuses.

Raphaël et sa soeur Marcelle ont singulièrement bien assimilé l’art de la
vente, en reniflant simplement l’air du temps, comme l’ours blanc sur la
banquise, ou comme leur père chassant dans les Hauts de Saint-Joseph.
Avec l’uniforme copié de Marianne, calot bleu, corsage un peu flou tout
de blanc, et jupette rouge, il s’agit d’estomper la personnalité propre des
jeunes filles pour les revêtir de l’apanage du Merle Blanc, tout en exploitant
leurs sourires, leurs visages et leurs formes, comme un leurre. On ne touche
pas aux appâts, mais on dévore par compensation les produits qu’une si
belle approche fait miroiter.

« Lambians que ti veu Sa nou nana » ! Les manèges envahissent
les pelouses de la Mairie, et les badauds dandinent de-ci de-là par les
Bons Enfants jusqu’à Victor Le Vigoureux. Radios-crochets et groupes
musicaux se succèdent sur le podium dressé en amont du monument aux
morts. Le vendredi soir, la société saint-pierroise est invitée à une séance
cinématographique récréative sur la place de l’école laïque... »

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Lire aussi :
La vie de Raphaël Chane Nam, immigré chinois à la Réunion, dans un livre de Yves Bosquet
Extrait 1 : La jeunesse

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