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Koudkèr : « Colas, le dictionnaire » et « Fèt Kaf »

Publié le 2 mars 2009

Le Festival International du Film d’Afrique et des Iles (FIFAI) se déroule tous les ans début octobre au Port. Cette manifestation nous donne à voir koman i lé déor mais aussi koman i lé nout fonnkèr, autrement dit : c’est un espace d’expression pour les artistes réunionnais en même temps qu’une fenêtre ouverte sur le monde. Lors de la dernière édition, j’ai eu deux coups de coeur : "Colas, le dictionnaire" du Mauricien David Constantin, et "Fèt kaf" du Réunionnais Francky Lauret.

Festival du Film d’Afrique et des Iles

Fuite dans les rues d’une ville (île Maurice), un dictionnaire planqué sous la chemise, un vigile aux trousses.

Traque dans les rues de Saint-Denis (Réunion), caméra à l’épaule, pour capturer les « tèt kaf » placardées sur les culs de bus.

D’un côté, une fiction avec « Colas, le dictionnaire » du réalisateur mauricien David Constantin, inspiré par un fait divers insolite. Sa caméra nous enlève : on écope avec un pêcheur, on plonge avec le dictionnaire. On est Colas.

De l’autre, un documentaire façon « road movie », une vision fugitive qui colle à la rétine avec « Fèt kaf » du Réunionnais Francky Lauret inspiré par les portaits de noirs, ou « tèt kaf », œuvre éphémère du plasticien Wilhiam Zitte. La caméra nous bringuebale : images fugaces, désordre urbain, visages perdus et retrouvés.

Deux courts métrages, deux styles mais une même course éperdue : s’extraire du quotidien.

« Colas, le dictionnaire » et « Fèt kaf » nous livrent la quête de deux hommes qui courent derrière un idéal et cherchent des réponses à l’éternelle question identitaire.

Colas, pêcheur qui n’aime pas le large, se plonge dans le récit sans fin d’un vieux dictionnaire déchiré. Y trouvera-t-il matière à élargir son horizon ? David Constantin manie avec finesse l’humour, l’ironie, la tendresse et nous projette dès les premières images dans l’intimité d’une fable amère qui ramène l’homme à sa condition : un être solitaire, bridé par les conventions, la misère, qui cherche à s’évader.

L’artiste Wilhiam Zitte introduit, dans la cacophonie du paysage urbain, des visages étrangement familiers qui nous dévisagent. La caméra de Francky Lauret les débusque et les ramène à la surface de notre conscience. Que voyons-nous ? Des esclaves ? Des regards en mouvement ? La résurgence d’un ancêtre ? Le profil d’un dalon la kour ? Notre propre image ? Nous y percevons notre condition de citadins, anonymes, perdus dans l’océan de béton, arpentant la ville, solitaires, tournant et retournant dans le dédale urbain comme pour s’en échapper.

Deux films. Deux récits. Deux talents découverts au Festival International du Film d’Afrique et des Iles 2008 (Le Port).

Nathalie Valentine legros

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