Après avoir longtemps dénigré ses émigrés, l’Inde
a récemment entrepris de les réhabiliter en leur
consacrant une cérémonie annuelle fastueuse
(Pravasi Bharatiya Divas), des prix prestigieux,
ainsi que des statuts inédits leur octroyant de nouveaux
droits. Au-delà des paillettes et des discours,
quelle est la véritable nature des relations
entre l’Inde et sa diaspora ? A la lumière de deux communautés d’origine
indienne, l’une établie à l’île Maurice, l’autre au
Canada, cet ouvrage d’Anouck Carsignol
diffusé par les Presses universitaires de France examine l’influence de l’Inde
et des états d’installation sur les modes d’affirmation
et de mobilisation en diaspora, nourrissant
tantôt le mythe de la « communauté modèle », tantôt
celui de la « minorité martyre ».
L’Inde et sa diaspora,
Influences et intérêts croisés à l’île Maurice et au Canada En vente en librairie
(en Suisse, France, Belgique et Canada) -
Contact : [email protected]
Après avoir longtemps dénigré ses émigrés, l’Inde
a récemment entrepris de les réhabiliter en leur
consacrant une cérémonie annuelle fastueuse
(Pravasi Bharatiya Divas), des prix prestigieux,
ainsi que des statuts inédits leur octroyant de nouveaux
droits. Au-delà des paillettes et des discours,
quelle est la véritable nature des relations
entre l’Inde et sa diaspora ? Quels sont les intérêts
en jeu dans ce nouveau partenariat ? Quelles sont
les conséquences de cette politique diasporique
sans précédent sur la production de l’indianité, en
Inde et à l’étranger ?
A la lumière de deux communautés d’origine
indienne, l’une établie à l’île Maurice, l’autre au
Canada, cet ouvrage examine l’influence de l’Inde
et des Etats d’installation sur les modes d’affirmation
et de mobilisation en diaspora, nourrissant
tantôt le mythe de la « communauté modèle », tantôt
celui de la « minorité martyre ». Il met également
en lumière la participation croissante des Indiens
de la diaspora au processus de construction nationale
de leurs pays d’origine et d’installation.
La production conjointe de l’indianité par l’Etat
d’origine, l’Etat d’installation et la diaspora répond
ainsi à des influences réciproques et des convergences
d’intérêts. Elle satisfait d’une part aux
besoins d’intégration, de valorisation ou de victimisation
des entrepreneurs diasporiques dans leur
pays de résidence ; elle contribue d’autre part à
façonner, à l’île Maurice et au Canada, l’image de
sociétés multiculturelles ; elle participe enfin, par
des moyens non conventionnels, à l’affirmation de
l’Inde comme puissance émergente sur la scène
internationale.
Anouck Carsignol a obtenu un doctorat en relations internationales de l’Institut
de hautes études internationales et du développement à Genève. Elle est
chercheuse affiliée au Centre de sciences humaines de New Delhi, où elle
travaille sur le phénomène de formation identitaire par la diaspora et par l’Etat,
ainsi que sur les politiques de la mémoire. Elle s’intéresse en particulier aux
communautés indiennes établies au Canada et dans les sociétés insulaires
indianocéaniques, et a consacré plusieurs articles à la relation ambivalente
entre l’Inde et sa diaspora.
Interview de l’auteure
En quoi votre ouvrage donne-t-il un
éclairage nouveau aux travaux déjà
existants sur la diaspora indienne ?
Outre l’approche pluridisciplinaire, qui ancre
mes recherches à la fois dans les relations
internationales, la sociologie politique et les
diaspora studies, cet ouvrage propose une
perspective inédite de la diaspora indienne.
Contrairement à la majorité des travaux, qui
s’intéressent à une communauté en particulier,
dans sa relation soit avec l’Inde, soit avec
le pays de résidence, j’ai opté pour une
approche holiste. Cette démarche me permet
de rendre compte des liens ambivalents
entre l’Inde et ses différentes communautés
diasporiques, notamment les Non Resident
Indians et les People of Indian Origin, ou encore
les Punjabis du Canada et les Biharis de l’île
Maurice. Par ailleurs, l’analyse du processus
de formation des identités diasporiques et
nationales révèle non pas des trajectoires
disjointes, mais l’existence d’un phénomène
de coproduction, caractérisé par les liens de
concurrence, d’instrumentalisation réciproque
et de coopération entre le gouvernement et les
communautés.
Quel est l’impact de la politique récente
de rapprochement de l’Inde à l’égard de sa
diaspora ?
Les conséquences de la nouvelle politique
diasporique de l’Inde sont multiples. Elles
varient selon les communautés et leur rapport
à l’Etat et à la société dans lesquels elles
vivent. Dans certains pays tels que le Canada,
les personnes d’origine indienne, désormais
reconnues et valorisées par New Delhi, font
l’objet d’une reconnaissance croissante dans
le cadre d’une politique de prise en compte
de la diversité ethnoculturelle, religieuse
et linguistique. Dans d’autres pays comme
l’Afrique du Sud, il ne fait pas bon revendiquer
une identité autre que l’allégeance nationale,
citoyenne. Tandis que le statut de « diaspora »
constitue une source de prestige pour les uns,
il représente une menace pour les autres.
En Inde, la réintégration de la diaspora dans le
champ politique se traduit au niveau national
par une redéfinition de l’identité nationale,
jusqu’alors basée sur le territoire, et désormais
étendue au réseau transnational. Par
ailleurs, la diaspora joue un rôle majeur dans
l’économie indienne, notamment à travers
les envois de fonds privés, et constitue un
potentiel inouï – certes encore sous-exploité
– pour le développement du pays. Enfin, les
liens nouveaux entre l’Inde et la diaspora
contribuent à transformer les modes de vie et
les mentalités.
Comment expliquez-vous le lien entre
diaspora et multiculturalisme ?
Bien plus qu’une minorité ethnoculturelle,
la diaspora constitue un véritable groupe
de pression, qui véhicule des idées et des
modèles politiques d’un pays à l’autre
à travers son réseau transnational. La
reconnaissance des particularismes étant
au coeur de la mobilisation diasporique, les
leaders diasporiques se font généralement les
chantres du pluralisme, en particulier dans
le pays de résidence, au risque de sombrer
parfois dans le communalisme.
Sommaire
Introduction
Chapitre I : Le caractère diasporique de la population indienne d’outre-mer
I. La population indienne dans le monde
II. La population indienne d’outremer, une diaspora à géométrie variable
III. Historiographie du concept de « diaspora indienne »
Chapitre II : La diaspora indienne et la construction de l’Etat indien -
Perspective historique d’une relation tourmentée, de 1830 à nos jours
I. Convergence d’intérêts et co-production du nationalisme, en Inde et en diaspora (1830-1947)
II. 1947 : Indépendance et divergence d’intérêts
III. New Delhi – NRI, un rapprochement inédit
IV. La diaspora et la construction nationale en Inde
Chapitre III :
La diaspora indienne au Canada, mobilisation contestataire et multiculturalisme
I. « Hindoos unwanted » : les Punjabis en Colombie Britannique
II. « Canada khul gaya ! » La construction d’une nouvelle identité indo-canadienne
III. Le multiculturalisme et la diaspora indienne au Canada
Chapitre IV :
Indianité et construction nationale à l’île Maurice
I. L’Etat colonial et l’ethnogénèse indienne à Maurice
II. Influences de l’Inde dans la construction identitaire indo-mauricienne
III. Communautarisme et construction nationale à Maurice
Conclusion générale
Lire aussi :
- La diaspora indienne, instrument du rayonnement de l’Inde dans le monde
- Les origines tamoules de l’identité réunionnaise « malbar »