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Amalia Irsapoullé, chef de cuisine végane (spécial retour)

Publié le 21 février 2023

« Quand je suis rentrée à La Réunion avec le projet Zarlor Culinaire, j’ai eu à cœur de mettre mes diplômes de côté pour valoriser le terroir et les traditions locales. J’aime réinterpréter les plats typiques de notre île en les adaptant pour les amateurs de fait-maison, de cuisine végétale et de sans gluten. » Cheffe nomade et traiteur pour particuliers et entreprises, après avoir travaillé en Chine et à Paris, Amalia a décidé de tout plaquer pour rentrer à la Réunion et assouvir sa vraie passion. Son objectif : valoriser le savoir-faire local, tout en étant attentive aux enjeux de santé et environnementaux. Une interview « Spécial Retour ».


Pouvez-vous vous présenter ?

Amalia Irsapoullé, originaire de Saint-Leu (4 Robinets), issue d’une famille modeste. Contrairement à de nombreux Réunionnais, je n’ai pas quitté l’île directement après le Bac, mais bien après. Je suis d’abord partie en Chine pendant un an, une opportunité qui s’est présentée grâce à l’obtention d’une bourse de mérite suite à mon DU à l’Institut Confucius de St Denis. Ce qui est drôle c’est que j’étais prise au lycée hôtelier de la Renaissance au même moment. J’ai dû faire un choix et j’ai décidé d’aller en Chine. À ce jour, je n’ai aucun regret suite à ce choix, la Chine c’est inexplicable, je l’ai en moi.

Et ensuite ?

Après cette année d’immersion totale et d’apprentissage approfondi de la langue, je décide de continuer mes études à Paris à Inalco (anciennement Langues 0’). Cette école qui fait partie du groupe Sorbonne est réputée comme étant la meilleure école de langues… et bien je peux vous dire que ça ne rigolait pas ! Pensée à tous mes post it recouvrant les murs de mon studio pour mémoriser les sinogrammes. Au final, mes diplômes sont : une L2 Espagnol (Université de La Réunion), un DU en Mandarin (Institut Confucius Université de La Réunion), un an de Mandarin (Qinhuangdao Chine), une Licence de Mandarin parcours Commerce International (Inalco Paris), un Master 1 de Mandarin (Inalco Paris & Shandong University, Chine un an) et un Master2 Management des Achats internationaux et Innovation (Kedge Paris).

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à La Réunion ?

Après 10 ans à l’extérieur de l’île, j’ai toujours su que je rentrerais afin de valoriser La Réunion, sa culture et ses traditions, culinaires pour ma part. Cela faisait donc un moment que j’y songeais, mais j’attendais l’opportunité avec un grand O pour rentrer. Au fil du temps, j’ai compris que cela n’arriverait pas car on nous fait croire qu’il n’y a pas de travail à La Réunion. Alors j’ai décidé de quitter mon emploi dans une grande maison de luxe à Paris et de rentrer créer mon opportunité. La vie en région parisienne ne me convenait plus. La mer, la nature, le soleil, en résumé mes racines me manquaient. 

A gauche : sauce verte aux bredes, millefeuilles bringel grillée, riz noir ek ti jak, graines de ti jak marinées, pickles zognon hibiscus, gelée rougail tomate & micro pousses de radis – A droite : bûche de Noël

Dans quelles conditions le retour s’est-il déroulé ?

Il a été rapide puisque ce sont des raisons familiales qui ont enclenché le départ. En trois mois tout a été vendu, le transporteur contacté et les papiers administratifs bouclés (j’ai toujours été prévenante et j’avais donc les économies nécessaires qui m’ont permis de couvrir tous ces frais !). A l’atterrissage à Gillot, j’étais très très heureuse, même si je ressentais un mélange d’émotions, entre soulagement et stress de ce changement de vie si soudain. Pour le logement, je remercie ma famille, mais c’est un sujet sensible. Honnêtement je suis tombée des nues lorsque j’ai vu des prix identiques à ceux pratiqués à Paris pour des mini studios !

Avez-vous eu des difficultés professionnelles à vous réinstaller ?

J’ai eu l’occasion de passer des entretiens, et malgré mon profil polyglotte avec un parcours assez riche, personne n’a donné suite à mon profil. Je n’ai pas ressenti « d’avantage concurrentiel », je n’ai pas senti que j’avais quelque chose en plus à leur apporter malgré mon parcours et c’est une vraie désillusion… On nous encourage à partir, à nous déraciner pour finalement constater que ce seront toujours les mêmes qui passent en priorité. Cela m’a encouragé à concrétiser mon propre projet professionnel, à savoir la création de mon entreprise. Je me suis donc lancée dans l’aventure de l’entreprenariat, en créant mon entreprise de cheffe cuisinier à domicile, traiteur à destination des particuliers et des professionnels*.

Pourquoi la cuisine ?

Plus jeune déjà, j’aimais préparer mes repas. J’ai parfois été confrontée à des remarques du genre « c’est quoi encore ce truc que tu manges » lorsque mes repas ne semblaient pas correspondre aux critères de la cuisine franco-française. Je n’y accordais aucune importance puisque j’étais convaincue de ce que je faisais et de mon patrimoine culturel. Aujourd’hui j’en ai fait mon métier. Je veux faire croître mon entreprise, je veux sensibiliser le public aux causes telles que l’alimentation végétale, l’endométriose et enfin la culture culinaire réunionnaise.


Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Bien sûr que je retire du positif. C’est grâce à toutes mes expériences personnelles et professionnelles que j’ai fondé ce que je fais aujourd’hui. Elle m’a apporté de voir grand, elle m’a montré que j’étais capable moi aussi. Enfin, tout ce qui touche à la société de consommation a changé à mes yeux. La réussite pour moi, ce n’est pas les biens matériels, ni pouvoir s’acheter des vêtements de luxe. La réussite c’est pouvoir être libre, avoir du temps pour accéder à ses loisirs et sa passion.

Quels sont les points de satisfaction et de déception de votre retour ?

Le point de satisfaction, c’est que je constate que beaucoup de Réunionnais créent leur entreprise, et ce, peu importe l’âge et le milieu social. Ce qui me peine, c’est qu’on encourage toujours la matière grise à quitter l’île, c’est d’entendre ce même discours à savoir "opportunité de se former en Métropole sur tel ou tel métier", des métiers qui souvent ne peuvent exister à La Réunion.

Qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

Le paysage des anciennes petites villes, la densité de population, les fronts de mer moins authentiques et naturels désormais urbanisés de façon ostentatoire... Malgré toutes les campagnes d’informations, les recherches scientifiques qui sortent, j’ai l’impression que les personnes au pouvoir à La Réunion se préoccupent peu des enjeux climatiques et environnementaux.


Qu’est ce qui vous surprend le plus par rapport à l’endroit où vous viviez en mobilité ?

Honnêtement ce qui me surprend c’est justement que tout commence à ressembler à là-bas. Bien sûr les grandes villes de France hexagonale seront toujours ce qu’elles sont, mais je vois que Saint-Leu par exemple, tend à changer, à devenir plus urbaine. J’ai l’impression que certaines villes ont perdu leur âme.

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaitent rentrer sur l’île ?

Foncer ! On attend tous d’être prêt, mais je pense qu’on ne l’est jamais, on n’est jamais entièrement satisfait de notre situation à l’instant T. Alors venez discuter avec ceux qui sont rentrés. Moi, c’est en agissant pour un futur en phase avec mes valeurs que je me suis découverte moi même


Zarlor Culinaire, un projet porteur de sens

Avec Zarlor Culinaire je veux pousser le savoir faire local, valoriser les produits de notre terroir, soutenir les filières péi, travailler avec des produits d’origine sourcé, 100% végétaux, sans gâchis, sans plastique, sans lactose, sans caséine, sans gluten et anti inflammatoire, sans exploitation animale de quelque nature que ce soit. Une cuisine forte, faite maison, faite avec amour et en accord avec mes valeurs et celle de notre époque.

Comment définiriez-vous votre cuisine ?

Zarlor Culinaire c’est une cuisine 100% végétale, anti-inflammatoire, sans gluten, sans lactose, sans caséine, sans produit d’origine animale (pas de miel, lait, œuf, beurre, gélatine, colorant animal...), ni produit issu de l’exploitation de l’animal (pas d’huile de coco non certifiée). Et bien sûr sans produits carnés. Je ne cuisine qu’avec des fruits, légumes, oléagineux et farine sans gluten. J’ai choisi de travailler sans gluten car je suis atteinte d’endométriose. L’évolution positive de la maladie suite à la réduction de produits inflammatoires n’est plus à prouver. Je souhaite donc à la fois valoriser le savoir-faire local gourmand et être attentive aux enjeux environnementaux et sanitaires (endométriose, obésité, diabète, cholestérol).


En quoi votre cuisine est-elle réunionnaise ?

Je suis Saint-Leusienne, et j’accorde beaucoup d’importance à ma famille, à son histoire et à mon héritage familial. Lorsque je suis rentrée à La Réunion pour créer mon entreprise j’ai eu à coeur de créer des plats faisant honneur à cet héritage. La cuisine que je propose est faite à partir de produits bio ou raisonnés, issus de producteurs locaux, travaillés en accord avec les saisons. J’aime surprendre en mariant des saveurs étonnantes. Révéler les notes parfumées de chaque élément est mon fil conducteur… Enfin, j’aime réinterpréter les plats typiques de notre île en les adaptant pour les consommateurs de « fait maison », de cuisine végétale et de sans gluten.

Comment faîtes-vous au niveau des fournisseurs ?

Je me suis engagée dans un processus qui me permet de contrôler totalement l’origine de mes produits. Je n’achète aucun produit industriel. Je ne souhaite ni gagner de temps, ni marger sur des produits industriels. Par exemple si je vous propose du lait d’amandes, ce ne sera pas du lait d’amande industriel mais ce sera du lait d’amande que j’aurai confectionné moi-même à partir d’ingrédients naturels, avec mes petites mains.

Qu’est ce qui vous a poussé à opter pour le véganisme ?

Une bonne raison peut en cacher plusieurs autres. C’est souvent ce qui se passe quand on décide de devenir Vegan. A l’origine, il y a toujours une motivation spécifique, propre à chacun qui prend le dessus – pour l’un un souci de santé, pour un autre le rejet de l’industrie animale. Et puis, peu à peu, au gré des lectures ou des discussions, d’autres raisons vont venir renforcer ce choix initial. Quelle que soit la façon dont on y vient, le régime vegan est riche de sens !

Opter pour une alimentation végétale n’est pas seulement bon pour votre organisme. Lorsque l’on adopte une alimentation végétarienne/végétalienne ou un mode de vie végan, c’est la santé de la planète toute entière qui en profite. Car ce que nous mettons dans notre assiette a un impact direct sur le changement climatique. Nous devons apprendre à manger en réduisant notre empreinte carbone, tout en étant attentifs au mode de production et à la saisonnalité des produits. Faire le choix d’une alimentation Vegan, c’est réduire jusqu’à 24% son empreinte carbone. « Nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants  » a écrit St-Exupéry.


+ d’infos sur www.instagram.com/zarlor_culinaire / www.facebook.com/profile.php?id=100086112720172


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