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Anne-Laure Dijoux : l’histoire de la Réunion n’a pas livré tous ses secrets

Publié le 28 février 2018

Elle a réalisé son rêve de devenir la première archéologue réunionnaise. Passionnée par l’histoire de son île, elle y a consacré toutes ses études jusqu’au Doctorat à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, avant de rentrer à la Réunion où elle a décroché un poste temporaire « d’archéologue départemental ». Docteure en archéologie, Anne-Laure Dijoux a été récompensée par un prix « Talent de l’Outre-Mer » début 2018.

Une interview de la rubrique "Spécial Retour" publiée dans Objectif Emploi, supplément du Quotidien, le 6 septembre 2018 (cliquer pour lire)



Pouvez-vous vous présenter ?

Anne-Laure Dijoux, 32 ans. J’ai grandi dans les Hauts de l’île, à La Plaine des Palmistes. J’y ai fait toute ma scolarité jusqu’au collège puis - inexistence de lycée oblige - j’ai suivi l’enseignement secondaire au lycée Amiral Bouvet de Saint-Benoît. Passionnée d’archéologie (l’histoire du peuplement et des habitants qui nous ont précédé), j’ai su ce que je voulais faire à un âge très jeune. Il était donc inévitable pour moi de poursuivre des études supérieures en Métropole.

Quel a été votre parcours de mobilité ?

J’ai quitté La Réunion à 17 ans après le baccalauréat, avec la ferme intention de me former ailleurs pour pouvoir rentrer travailler au pays. Je me suis installée à Paris afin d’entamer un très long cursus universitaire à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne : du Deug jusqu’au Doctorat. Durant plusieurs étés, j’ai effectué divers stages de terrain en Métropole, en Guadeloupe et en Martinique. En Master 1 et Master 2, mes mémoires ont porté sur des sujets en rapport avec l’archéologie de mon île.

Et ensuite ?

Pour mon doctorat, je suis retournée vivre chez mes parents pour être au plus près de mon sujet d’étude. Au bout de trois ans, je suis revenue à Paris pour effectuer un master professionnel durant une année, à la fin duquel j’ai décroché un CDD de trois ans « d’archéologue départemental » au sein du Conseil départemental de La Réunion. Je me suis ensuite consacrée entièrement à ma thèse de doctorat que j’ai soutenue fin 2016 à Paris. Ma thèse a porté sur « la recherche et l’étude de sites archéologiques de marronnage ». Ce premier travail archéologique mené de manière scientifique à la Réunion a permis de mettre en évidence et d’explorer le seul site archéologique avéré de marronnage dans « la Vallée secrète » de Cilaos.


D’où vous vient cette passion pour l’archéologie ?

Enfant, je passais du temps à fouiller dans mon jardin. J’ai toujours su que je voulais faire ce métier particulièrement m’intéresser aux habitats de marronnage. Je souhaite faire parler les esclaves parce qu’ils n’ont pas la parole dans les archives. En archéologie les informations qu’on récolte viennent du concret. On essaye de comprendre les choses grâce à divers moyens. La mise au jour de ce qui est enfoui nous permet d’enrichir l’histoire. Aujourd’hui j’ai plusieurs projets professionnels dans l’optique de développer les connaissances sur le patrimoine matériel de La Réunion.

Avez-vous préparé votre retour d’une façon spécifique ?

Pendant les vacances universitaires, je rentrais régulièrement sur l’île pour retrouver ma famille et profiter du cadre de vie (merci LADOM !). Dès le début de ma mobilité, j’ai toujours su que j’allais rentrer à La Réunion afin d’y mettre en pratique les compétences et expériences acquises durant mes études. Comme tout retour définitif, il a fallu organiser le déménagement, vendre les meubles, rendre l’appartement, etc., le tout dans un temps record ! Mais tout s’est bien passé et j’ai pu profiter de derniers moments avec quelques membres de la famille installés en région parisienne.

Décrivez nous votre état d’esprit à l’atterrissage à Gillot.

L’arrivée à Gillot a été très forte en émotions au moment de retrouver mes proches. De surcroît, c’était particulièrement intense de réaliser que j’avais enfin terminé mes études, que j’avais atteint les objectifs que je m’étais fixés depuis toute petite.

Avez-vous eu des difficultés à vous réinstaller ?

Quand je suis rentrée pour mes recherches de doctorat, j’ai dû faire face à l’absence de service régional de l’archéologie sur l’île. Ce manque, qui était jusque fin 2010 une exception française, a beaucoup retardé l’aboutissement de mon travail. À mon retour définitif et pour être au plus près de mon poste, la seule difficulté a été de déménager dans l’ouest de l’île, dans un monde très différent de celui des Hauts !


Dans quel état avez-vous trouvé le marché du travail en rentrant ?

Le marché du travail dans mon secteur est très limité, il faut souvent se plier au jeu du secteur public. Être originaire de son lieu d’étude est naturellement un avantage, cela permet de faciliter le contact tant au niveau institutionnel que relationnel.

Plus généralement, qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

Vu que je rentrais régulièrement je n’ai pas constaté de changement majeur. Simplement une fois qu’on a quitté l’île, il est plus facile de remarquer les avantages culturels, sociétaux et environnementaux que nous avons ici : vivre-ensemble, tolérance, place de la famille et surtout paysages de rêves où il fait bon vivre !

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

Retrouver la famille, les endroits de mon enfance et mes lieux d’évasion préférés a été une grande chance. Du côté des points décevants, je dirais qu’en Métropole on peut se déplacer très facilement en transports en commun. Il est dommage que l’on ait dû arrêter le train de La Réunion. De surcroît, on se rend vite compte que la vie est chère sur l’île.

Qu’est-ce qui vous surprend le plus par rapport à l’endroit où vous viviez en mobilité ?

Comparer Paris et mon petit village des Hauts est difficile puisque tout est différent. Il est vrai qu’à l’instar d’autres ultramarins ayant connu la capitale, ça me fait toujours bizarre de voir tout le village endormi et désert dès 17h !

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Très positif oui. Mes années d’étude en Métropole m’ont beaucoup apporté, autant intellectuellement qu’humainement. Nul doute que cette expérience de mobilité m’a ouvert l’esprit et grandement enrichie. J’encourage tous les Réunionnais à poursuivre leurs rêves et aller se former ailleurs, acquérir des bases solides pour mieux revenir !

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaiteraient rentrer sur l’île ?

Je pense que la mobilité est plus que bénéfique pour se constituer un bagage solide et différent qui intéresserait de potentiels employeurs sur l’île. J’incite les Réunionnais qui ont « sauté la mer » à revenir mettre leurs compétences au service de notre population. Et si le poste convoité n’existe pas, la voie de l’entrepreneuriat peut être une bonne solution.


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