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Babou B’Jalah (Willy Techer), artiste et journaliste à Toulouse

Publié le 2 juillet 2010

A 32 ans, Willy vient de s’installer avec sa femme à Toulouse, où il cherche un emploi dans les médias. Ex journaliste de Témoignages, il est aussi connu pour être artiste réunionnais, fonnkézèr et plasticien.

willy Techer
Journaliste, Poète, Willy Techer alias Babou B’Jalah souhaite profiter de son expérience de la mobilité pour faire découvrir la culture réunionnaise.

D’où êtes-vous à la Réunion ?

Je suis originaire d’une famille ouvrière sainte-rosienne plutôt modeste, venue s’installer au Tampon en 1976. Mon père est maçon, ma mère femme de ménage. J’ai donc grandi au Tampon, du temps où le père Noël était chinois.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

J’ai quitté l’île pour moult raisons. D’abord, le travail, plutôt dire le chômage. Après un mouvement social au sein de Témoignages, je reconnais avoir eu du mal à revenir au journalisme, même si j’effectuais quelques piges et quelques reportages par ci par là. Je voulais aussi prendre mes distances avec mon île, la famille, malgré l’affection. C’est aussi pour voir l’autre pendant de l’insularité. D’un commun accord, ma femme et moi décidions de nous installer à Toulouse, elle originaire de la Ville Rose. Je désirais connaître son univers, autant qu’elle a su deviner le mien.

Quels sont vos projets ?

Je veux exercer mon métier de Journaliste dans une rédaction toulousaine, ou sinon en créant ma propre agence de presse. Il y a énormément à dire sur les diverses diasporas en France. Il y a tellement à faire pour faire connaître notre culture réunionnaise, nos cultures invisibles et pourtant si présentes. Je pense que le regard d’un îlien peut apporter à une rédaction occidentale. L’œil du réunionnais est habitué à la diversité culturelle. Il perçoit toute la richesse des différents apports. Après avoir travaillé dans la presse écrite, je compte me tourner vers l’audiovisuel, réaliser des documentaires.

Quoi d’autre ?

En tant qu’artiste réunionnais, j’espère avoir la force de communiquer sur mon île, de faire découvrir l’originalité de ma culture. Je prépare une création autour du mot créole, du fonnkèr, du maloya de l’UNESCO, et du séga bafoué. Un spectacle que j’espère aussi faire programmer à La Réunion.

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Je pense que toucher l’hexagone m’aide à examiner au plus près ma réunionité. Je pense avoir quelque peu apporté ma pierre à l’édifice créole, mais je veux éprouver mon attache à la terre natale. En même temps, cette expérience me pousse à aller vers l’autre, rencontrer d’autres régions de France, apprécier d’autres histoires régionales, appréhender d’autres réalités quotidiennes, découvrir d’autres langues. Je retrouve diverses minorités linguistiques qui se battent pour la reconnaissance de la langue d’un pays à taille humaine. Voir leur combat m’inspire énormément. Cela me sera utile, j’en suis certain, pour les batailles à venir.

Quels sont selon vous les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion ?

Un journaliste doit voyager, sinon il ne témoigne rien. Qu’il vienne de La Réunion est certainement un atout. Il est diplômé, dispose d’une ouverture d’esprit raisonnable. Le visage de La Réunion est si divers, qu’il peut vraiment aller vers l’autre, sans se soucier des différences religieuses et culturelles. S’il a voyagé dans l’océan Indien, c’est encore un avantage. Mais on trouve à La Réunion toutes les nations. « Mon île est le monde » disait Paul Vergès. Le Réunionnais porte en lui, il est vrai, une part de chaque culture en présence sur sa terre natale. C’est en soi un avantage conséquent sur celles et ceux qui cloisonnent la société française. Reste à le faire savoir à La France, en France, ce qui n’est pas chose facile. Les inconvénients sont de toute façon plus nombreux. Le racisme que je commence à ressentir, l’impression de présenter des titres d’une école bananière, sont-ce aussi des inconvénients ?

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Ma famille me manque déjà, surtout mon père pour qui j’ai beaucoup d’affection. Il y a aussi ma langue. Pour un poète créolophone, c’est un mal de ne pouvoir parler au quotidien sa langue maternelle. Il y a bien évidemment la cuisine réunionnaise. Mais pour ce dernier volet, j’ai essayé de retrouver tous les produits nécessaires à la préparation des kari et rougay préférés. La saucisse de Toulouse passe très bien en rougay sosiss !

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

J’ai de grands espoirs pour mon île. Elle n’est pas si fébrile qu’on ose le dire. Reste à laisser parler la jeunesse réunionnaise, l’aider à se réaliser, à participer au développement de notre île. Ceux qui décident de notre destinée ont déjà un pied dans la société ventre en l’air. Je pense que nous avons le savoir, les compétences, et qu’il importe maintenant de soutenir même les plus petites initiatives. Il y a un taux de chômage exubérant, et ce ne sont sûrement pas les quelques mesures politiques qui changeront les choses. Pour créer l’emploi, il faut créer l’entreprise.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

J’ai des amis musiciens qui vivent et travaillent à Toulouse. J’ai aussi de la famille à Toulouse, que j’ai du mal à trouver. Est-ce seulement nécessaire ? J’ai aussi quelques contacts professionnels, amis d’amis. Je me constitue petit à petit un réseau, sans ségrégation aucune. Je me fais surtout des amis occitans. Et quand je rencontre un réunionnais, il ne devient pas forcément dalon. C’est juste une occasion de parler un peu Kréol, avant que chacun retourne malheureusement à ses appartements.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Je ne me savais pas Antillais. A Toulouse, peu ont su placer notre île dans l’océan Indien. Mais quand ils connaissent La Réunion, les Toulousains n’en tarissent pas d’éloge. Ils aiment la montagne et sont fascinés par la diversité des paysages réunionnais, entre plages et montagnes. Ceux qui nous connaissent apprécient aussi la qualité de notre cuisine, et la gentillesse des Réunionnais. Ils sont étonnés par la grande diversité culturelle chez les Réunionnais, et nous envient le volcan en éruption.

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Toulouse est la ville qui me correspond en tout point. Elle profite du soleil du sud, quoique ce printemps n’aura pas été le meilleur. On y mange vraiment bien. Il y a des événements culturels intéressants, et ses musées sont variés. Sa population est principalement jeune et dynamique.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Si vous décidez de venir vous installer un temps dans l’Hexagone, vous faites un sacré choix. Il est sûrement le meilleur, mais préparez votre voyage. Vous ne serez pas déçus d’être prévoyants.

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

C’est une superbe initiative. Ce site est un véritable lien entre les diasporas réunionnaises dans le monde entier. Je trouve le site bien étoffé, plutôt complet.

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