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Billy Amourgom : « La cuisine m’a sauvé »

Publié le 11 janvier 2021

Son enfance dans un milieu difficile à St André, son départ à 18 ans sans expérience, son ascension jusqu’aux postes de chef de cuisine qu’il enchaîne avec succès – le dernier au Campanile de Paris La Villette... Billy raconte tout, et surtout comment il s’est accroché pour atteindre ses rêves.


Pouvez-vous vous présenter ?

Billy Amourgom, 37 ans. Benjamin d’une fratrie de quatre frères et sœurs, je suis né à Marseille, mais ma mère, ma soeur et mes deux frères sommes rentrés à la Réunion en 1989. Je n’ai jamais connu mon père et ma mère est décédée en 1992 des suites d’une maladie lorsque ; j’avais à peine 8 ans et elle 35. Nous avons été recueillis ma tante, soeur ainée de ma mère, à Saint-André ; c’est là que j’ai grandi…

Et ensuite ?

Au bout de quelques mois, je me suis retrouvé seul à vivre chez ma tante, mes frères et soeur ayant quitté son domicile pour aller chez d’autres membres de la famille où la vie était plus facile… Comprenez par là que j’ai été élevé à l’ancienne, à la dure, je peux même dire à la très très dure : assumant toutes les tâches ménagères à l’âge de 10 ans, j’ai travaillé dans les champs, fait de la maçonnerie, peinture, élevé et nourri le bétail… Je dormais 4 à 5 heures par nuit et j’ai très vite décroché de ma scolarité à cause de la fatigue accumulée. Sans modèle paternel, j’ai dû me construire seul au fil des années. Puis vers 14 ans, j’ai commencé à cuisiner vu que ma tante était souvent malade. Ma vocation est née…

Pièce réalisée uniquement à partir de sucre, hommage à la Réunion

Qu’avez-vous fait ?

Ayant décroché du système scolaire, j’ai compris que je possédais quelque chose entre les mains et que je devais absolument le cultiver pour réussir et construire ma vie. A 18 ans, j’ai quitté la maison de ma tante, mon baluchon à l’épaule, pour un aller simple vers un monde inconnu : la vie active, la vie d’adulte. Ma seule arme, c’était un savoir faire culinaire et une soif d’apprendre, de découvrir. J’ai vite décroché un poste de pizzaiolo à Saint-Denis, où j’ai beaucoup appris en rapidité, efficacité, gestion du stress.

Dans quelles conditions avez-vous quitté la Réunion ?

C’est au bout d’un an que je décide de quitter la Réunion, comme un défi, et de revenir en France, 14 ans après mon départ. Le 3 décembre 2003, jour de mon 19e anniversaire, sur le chemin du travail, je m’arrête dans une agence de voyage et j’achète un billet aller simple vers la métropole. Direction Brest en Bretagne où je suis accueilli chez mon frère aîné. Je veux changer de vie, oublier les dures années chez ma tante…


Racontez-nous vos débuts dans l’hexagone.

Je me prends un mois, histoire de m’acclimater et de repérer mon nouvel environnement puis je postule en candidatures spontanées, armé de deux petites lignes sur mon CV. Je n’ai pas le choix, je sais que je dois convaincre si je veux réussir… Au bout du troisième CV, bingo ! je décroche un CDI dans une pizzeria. Puis tout s’enchaîne : premier appartement, permis de conduire… Pour évoluer, je change plusieurs fois de restaurant et je fais de nouvelles rencontres, j’apprends de nouvelles façons de travailler avec de nouveaux chefs.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Venir de la Réunion a souvent été un avantage pour moi, car j’apportais toujours quelque chose de nouveau, de nouvelles saveurs dans une région comme la Bretagne. Après six années de travail non stop, j’ai décroché mon premier poste de second de cuisine, puis chef dans un semi-gastronomique à Brest… à l’âge de 26 ans. Mon travail est reconnu et me voilà depuis ce jour chef de cuisine aujourd’hui à Paris. Membre de l’association des Toques Françaises, cet art ne me quitte plus. Mon dicton : "La cuisine m’a tout donné, je donnerai tout à la cuisine"

Un dîner avec Jean Lasalle

Quels sont vos projets ?

Mon projet, c’est d’ouvrir une pizzeria avec un côté grill et un grand four à bois donnant sur toute la salle. Je veux un intérieur avec des tables en bois comme celles qu’on trouve sur les aires de pique nique, là ouù plusieurs familles pourraient se retrouver sur une même table sans qu’elles se connaissent forcément. Je voudrais créer une ambiance chaleureuse, un lieu de rendez-vous pour se retrouver, se détendre sans se prendre la tête entre collègues, amis, familles… Rentrer à la Réunion ? Peut-être un jour pour profiter de ma retraite...

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Les marchés de fruits et légumes de toutes sortes ; toutes ces couleurs, ces odeurs, ces saveurs, cette animation… Et puis la nature, ces montagnes où il règne un calme absolu, et bien évidemment mes amis ! J’ai gardé beaucoup d’amis sur l’île, anciens collègues, camarades d’écoles… Mon ami de 30 ans, nous étions en maternelle ensemble. Malgré les années, je suis resté le même, tel que les gens me connaissent depuis l’enfance.


Quel est votre regard sur la situation sur l’île ?

Ce qu’on me rapporte, c’est un mal-être qui ne cesse de gagner du terrain : pouvoir d’achat, logements insalubres, délinquance… L’alcool continue à faire des ravages, la consommation de zamal touche de plus en plus de jeunes sortis trop tôt du circuit scolaire...


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