Publicité

Bruno Legros, 28 ans, consultant en Système d’Information à Paris

Publié le 30 septembre 2009

Diplômé de l’école d’ingénieur EPITA, Bruno a exercé son métier de conseil en informatique pendant cinq ans auprès des plus grands comptes français. Fort de cette expérience, il a décidé de se réinstaller à La Réunion en tant qu’indépendant en décembre 2009. Bruno participera au 1er village de la diaspora réunionnaise du 14 au 16 octobre 2009 à Saint-Denis.

Bruno Legros

Pouvez-vous vous présenter svp ?

Je suis un malbar-yab du sud de l’île ! J’ai eu une enfance très heureuse à l’Entre-Deux, Les Makes et Saint-Louis. Issus de milieux modestes, mes parents ont chacun réussi dans leur domaine et à leur façon. Ils sont mes modèles.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

Étant de la génération Amstrad 6128, Master System, Méga Drive, Super NES, PC 386, etc., j’ai baigné dans les nouvelles technologies très jeune. Au lycée je m’amusais à programmer des jeux sur ma calculatrice et je suis rapidement passé sur PC en langage Turbo Pascal. Aussi, en terminale, je savais exactement ce que je voulais faire après le bac. Malheureusement, l’île de La Réunion n’offrait aucune ouverture dans le domaine de l’informatique. Ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui, mais à l’époque j’ai été obligé de partir pour Paris pour progresser dans ce domaine. Ceci dit, je n’étais pas mécontent : j’avais besoin de m’éloigner du cocon familial pour me construire.

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

De réunionnais dans mes valises, il y avait surtout à manger (saucisses, bouchons, samoussas, piments) et à boire ! Il n’y a que ça pour se remettre dans l’ambians péï !

Racontez-nous vos premières impressions de Paris.

Quitter la chaleur tropicale et humaine pour la grisaille parisienne dans un studio minuscule est évidemment très dur. J’ai passé mes premiers mois suspendu au téléphone. La famille manque, la proximité des amis manque, le soleil manque. Petit à petit on s’adapte, on se déplace en métro, on connaît les coins sympa, on profite du "direct" métropolitain (à l’époque tout était en différé à la Réunion), on voyage et on se surprend même à comprendre les blagues des comiques français voire à aimer certains films français !

Et ensuite ?

J’ai souvent déménagé mais je suis toujours resté en région parisienne, parce que c’est là que se situait mon école et là où j’ai eu les opportunités d’emploi les plus intéressantes. Paris et sa région sont tellement riches qu’on y découvre toujours de nouveaux coins sympas, restos, parcs, patrimoine, etc. C’est aussi le haut-lieu de la culture et des événements en tous genres.
Un gros point noir cependant : l’hiver à Paris est et restera toujours un moment très déprimant sur les derniers mois. Rester enfermé en permanence n’est vraiment pas dans la nature réunionnaise. J’envie mes amis du Sud qui peuvent aller skier tous les week-ends d’hiver !

Aujourd’hui où en êtes-vous ?

Je suis consultant en Système d’Information en région parisienne. Paris m’a donné l’occasion ces cinq dernières années d’exercer mon métier chez les plus grands comptes français : La Poste, Société Générale, Crédit-Agricole, AGF, SMABTP... Mon expérience va du management d’équipe à la gestion de projets en passant par l’architecture fonctionnelle et technique, MOA/MOE, schéma directeur, informatique de gestion, supervision d’infrastructure, direction technique à temps partagé…

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Dans l’informatique tout va très vite et si on n’est pas à 100% sur l’actualité, on est rapidement dépassé. De ce fait, les jeunes sont souvent arrogants envers les anciens. Plusieurs fois, ces "anciens" m’ont remercié pour la relation de respect et d’écoute que j’avais avec eux. Je pense sincèrement que c’est une qualité qui me vient de La Réunion : respect et tolérance i fo nou lé fier !

Bruno Legros

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

La mobilité est enrichissante à tous les points de vue. J’en citerai trois :
- Il est souvent indispensable de s’éloigner pour acquérir de l’expérience dans certains domaines et avoir l’opportunité de fréquenter les meilleurs du secteur. Il sera toujours temps de retourner sur l’île et y apporter son savoir-faire.
- La mobilité nous enrichit d’autres cultures, d’autres façons de penser, d’autres histoires et donne envie de voyager.
- Et enfin : il est malheureusement nécessaire de s’éloigner des choses que l’on aime pour se rendre compte de leur véritable valeur. Réunionnais, il faut avoir conscience que nous avons une île et un mode de vie très enviés partout dans le monde ! Sachons-le et profitons-en (et san fèr lo ver !).

Quels sont vos projets ?

J’ai pris la décision de retrouver la chaleur tropicale réunionnaise. Je me réinstalle sur l’île début décembre 2009 en tant que consultant indépendant en système d’information pour grandes entreprises, PME et collectivités locales. La Réunion possède un fort potentiel de croissance en matière de TIC et je pense pouvoir y apporter ma pierre. Chefs d’entreprises et Directeurs Techniques/DSI réunionnais, n’hésitez donc pas à me contacter !

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

La proximité de la famille et des amis. Être heureux simplement, sans avoir besoin de remplir ses week-ends. *Voir le billet ci-dessous : Lenteur de vivre ou la vie tranquille de La Réunion

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

L’île se développe économiquement, c’est indéniable. Les professionnels attendent beaucoup du GERRI 2030 très médiatisé et prometteur.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

La Réunion a bien sûr une image exotique et tout le monde voudrait y passer ses vacances. Malheureusement, la plupart des métropolitains nous considèrent encore comme des "Français sous-développés" sur un caillou en plein océan. Mon petit frère vient de louer un appartement en métropole et j’ai été obligé de me porter caution (en tant que Parisien) en même temps que ma mère pour faire passer le dossier. Une réunionnaise sur un dossier de location, ça fait encore peur... Néanmoins, j’ai eu l’occasion d’amener quatre zoreils à la Réunion. Outre le fait que l’un d’eux y est déjà retourné et que les trois autres comptent le faire (vu le prix du billet c’est quand même pas rien !), les quatre ont changé leur regard sur l’île et les réunionnais.

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Paris est un micro-pays dans la France. C’est très spécial et très froid aux premiers abords. Néanmoins, c’est une région qui offre des opportunités énormes avec des coins et des gens magnifiques et intéressants. Vous pouvez vous lancer dans n’importe quelle activité, vous êtes sûr de trouver un endroit et des gens pour la faire avec vous (même nautique !). Les Parisiens sont rarement parisiens d’origine. Ils ont tous une histoire, un passé, un terroir à faire découvrir. Prenez le temps de leur demander !

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Jeunes réunionnais : bouz zot fess, allé en france, en angleterre, en australie, en sine, rencont do moune, mélanz zot kiltir, trape l’expériens et arviens ter la po fé profit a nou !

Voir le profil de Bruno Legros

Lenteur de vivre ou la vie tranquille de La Réunion

* Un billet de Bruno extrait de son blog brunolegros.net

Me voici en vacances à La Réunion après 2 ans et demi d’absence. Première impression : Rien, ou presque, n’a bougé. Certes, il y a un peu plus de voitures, quelques routes ont été modifiées mais les gens sont restés les mêmes. J’ai l’impression que l’île est figée dans le temps.

La vie à La Réunion n’a effectivement rien à voir avec la vie parisienne. A Paris et en métropole de manière générale, nous avons ce besoin de “remplir les week-ends”, d’avoir une vie passionnante en dehors du boulot. Cet état d’esprit n’existe pas à La Réunion. Les Réunionnais peuvent rester toute leur vie à ne rien faire et être parfaitement heureux (n’est-ce pas le but de l’existence que d’être heureux ?). Ceci se traduit par un fort taux de chômage à La Réunion (40%), une faible évolution des carrières et un fort abus des prestations sociales (RMI, Assedic, etc.). De plus, les Réunionnais ne profitent pas vraiment des attraits touristiques de leur île. La plupart des activités sont pratiquées uniquement par les touristes (zoreils).

Comment celà peut-il s’expliquer ? Sans aller jusqu’à dire que les parisiens ne sont pas heureux, ils n’ont peut être pas l’impression de s’épanouir dans leur milieu et ont donc ce besoin de faire un maximum de choses pour “vivre”. Au contraire, les Réunionnais sont toujours au soleil, entourés de copains et de leur famille, ils sont naturellement heureux. Pourquoi bouger alors qu’on est heureux ?

Etant né à La Réunion et ayant vécu mes 19 premières années sur l’île, je me sens Réunionnais “véritable”. Mais en 6 ans et demi de vie parisienne, j’ai été témoin d’une progressive transformation chez moi :
- Ma marche est plus rapide et mon regarde ne flâne plus (on fixe la porte du métro et on y va droit dessus !).
- Mon comportement est plus agressif de manière générale.
- Je suis passé d’une naïveté presqu’enfantine à une certaine méfiance des gens.
- Je déteste ne rien faire, je suis toujours en recherche d’efficacité et pire, j’impose cet état d’esprit autour de moi. Etc.

Paris m’a fait développer une carapace qui me permet de vivre dans cette mégalopole et d’évoluer dans ce milieu concurrentiel fort. La question à se poser est : Suis-je heureux ? Ce petit pélerinage aux sources me fait le plus grand bien en me rappelant toute cette réalité. Il me fait aussi réfléchir sur ce que j’ai réellement envie de faire dans un avenir proche.

Amis parisiens, ne me jettez pas la pierre ! Avec le temps j’ai appris à comprendre Paris et je pense que j’aime cette ville malgré tout. Mais La Réunion a une place plus large dans mon coeur et je ne me vois pas à 50 ans dans la grisaille.

Publicité