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Candy Otal au Mexique : « se former par le voyage »

Publié le 11 mai 2023

« Le Mexique représentait un mystère pour moi, j’ai saisi l’occasion pour découvrir ce pays ! ». Etudiante en troisième année de Sciences Po Toulouse, Candy nous raconte son expérience, depuis son bac au lycée Roland Garros jusqu’à ses projets projets professionnels pour la suite.


Pouvez-vous vous présenter ?

Candy Otal, 21ans. Née à Madagascar, j’ai grandi au Tampon, la ville natale de mon père. J’ai obtenu mon baccalauréat en 2020 au lycée Roland Garros et je termine actuellement ma troisième année d’étude en échange à la « Universidad Iberoamericana Leon » au Mexique.

Racontez-nous votre parcours.

Je considère que je vis une double mobilité : d’abord en tant qu’étudiante ultramarine en France hexagonale, ensuite en tant qu’étudiante ultramarine en échange universitaire à l’étranger. Ma première mobilité a été motivée par mon intérêt pour les sciences politiques. Puisqu’il n’existe pas d’institut d’étude politique, ni de licence dans ce domaine d’étude à la Réunion, j’ai dû partir pour Toulouse où j’ai été admise en 2020. Ma seconde mobilité s’est faite dans le cadre de mes études à Sciences Po. La troisième année comporte une période à l’étranger obligatoire, d’une durée d’un an ou d’un semestre. Les Sciences Po ont des conventions partout dans le monde, et comme le Mexique représentait un mystère pour moi, j’ai saisi l’occasion pour découvrir ce pays !

A Toulouse

Parlez-nous de ce pays.

Mes quelques mois au Mexique ont été riches d’observations et de réflexions, autant sur les modes de vie que sur les comportements des personnes. Le Mexique est un pays immense, avec une grande variété de cultures. Chaque ville a sa spécialité, comme León qui est considérée comme la capitale du cuir. Néanmoins, il faut garder en tête qu’il s’agit d’un pays avec un fort taux de pauvreté et des problématiques comme la gestion de l’eau potable, ou les difficultés de circulation issues du culte du « tout voiture » influencé par les États-Unis. Je n’ai fait aucune mauvaise rencontre ici, qu’il s’agisse des chauffeurs Uber/taxis, de mes colocataires, des étudiants de mon université. Les Mexicains sont très soucieux du bien-être de leurs touristes car 8% de leur économie repose sur le tourisme. Toutes les personnes qui m’entourent ont toujours fait leur possible pour m’aider et que je me sente comme chez-moi.


Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

La Réunion est malheureusement peu connue, que ce soit en France hexagonale ou au Mexique. Bien que cela puisse surprendre, malgré la forte présence de la diaspora réunionnaise à Toulouse, j’ai souvent rencontré des personnes ne sachant pas situer l’île, même à Sciences Po ! Généralement, les gens savent que la Réunion existe, mais elle est souvent confondue et placée géographiquement aux Antilles. Dérangée par ce manque de reconnaissance des îles d’outre-mer, je fais en sorte de parler de la Réunion dans toutes mes présentations.

Forum « Interculturalidad »

Au Mexique, aucun des étudiants, personnels éducatifs ou parents des camarades mexicains que j’ai rencontrés sont au courant l’existence de notre île. Au forum « Interculturalidad » organisé par mon université d’accueil, nous avons avec mes camarades françaises animé une conférence sur la diversité culturelle de la France où j’ai pu met la Réynon en lèr ! Je ne supporte pas que l’on me qualifie seulement de Française ou de Malgache. Mes deux nationalités sont indissociables ainsi que ma terre d’accueil, la Réunion.

Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

« Il n’y a d’homme plus complet que celui qui a beaucoup voyagé, qui a changé vingt fois la forme de sa pensée et de sa vie » disait Alphonse de Lamartine. Bien que j’aurais préféré voir le mot « humain » à la place « d’ homme », je suis totalement d’accord avec ses propos. C’était évidemment frustrant de devoir quitter son cocon pour étudier ce que l’on aime. Cependant, je ne suis pas sûre que je serais restée même si Sciences Po existait sur l’île. Les voyages sont des vecteurs d’émancipation à ne pas négliger. Découvrir des lieux inconnus encourage l’ouverture aux autres, la prise de recul sur soi-même en se confrontant à diverses situations aussi improbables les unes que les autres. Je n’aurais jamais cru que je mettrais un pied au Mexique et pourtant, le fait d’avoir sauté le pas me rend très fière, car j’ai réussi à passer au-dessus des stéréotypes sur ce pays. Beaucoup de personnes de mon entourage me saluaient pour « l’audace » tout en me demandant « tu es sûre de ton choix ? Tu sais que c’est un pays très dangereux, avec les cartels tout ça... ». Des remarques qui n’ont pas manqué de remettre en question mes choix de vie. Le danger reste présent mais j’ai passé plusieurs jours dans le Sinaloa et je suis toujours en vie !

Mazatlan, Sinaloa

Avez-vous des anecdotes à partager ?

J’en ai beaucoup, mais une en particulier une qui s’est produite deux fois. Ayant vécu 14 ans sur une île, j’ai acquis le réflexe de me repérer géographiquement grâce à la mer. J’ai toujours eu l’habitude lorsque je me perdais de chercher la mer pour retrouver le bon chemin. Lorsque je suis arrivé à Toulouse, je me déplaçais souvent seule pour découvrir la ville, mais au moment où je me perdais, je cherchais désespérément la mer derrière les grands bâtiments roses. C’est ainsi que j’ai compris ce que c’était de vivre sur un continent. J’ai fini par m’y habituer, mais cela ne m’a pas empêché de revivre la même situation trois ans plus tard en arrivant à León.

Quels sont vos projets pour la suite ?

Mon projet professionnel se construit autour du développement et de la solidarité internationale, spécifiquement dans la zone de l’océan Indien. J’aimerais apporter plus de visibilité aux états insulaires qui peuplent ce grand océan et qui peinent à être connu sur la scène internationale. Ceci dans l’objectif de remonter les problématiques de chaque territoire et de contribuer à leur développement respectif. C’est pour moi un bon compromis, me permettant à la fois de travailler en faveur du développement de Madagascar et de la Réunion, les deux îles qui font ma fierté.

Los Cabos, Baja california

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

J’adhère au concept « partir pour mieux revenir », alors je me suis promis d’aller vers des destinations de voyages les plus lointaines possibles, et de revenir à la Réunion après mes études. Grâce à ces voyages, je pourrais mieux prendre conscience des enjeux sociétaux qui doivent être gérés sur notre île. Mes études me donnent des outils pour comprendre et problématiser ces enjeux – qu’ils soient environnementaux, sociétaux, politiques – et pour trouver des solutions adéquates. L’objectif est de revenir sur l’île plus armée pour améliorer son développement territorial.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Nous restons avec un taux de chômage à hauteur de 32,9 %, avec 37 % de la population vivant sous le seuil de pauvreté (INSEE). L’insertion des jeunes réunionnais sur le marché du travail est difficile (27 % des jeunes de 15 à 29 ans avaient un emploi en 2021 selon LesEchos), sans parler des conditions inégalitaires face à l’emploi des femmes par rapport aux hommes. De plus, l’île a une exposition aux risques de catastrophes naturelles importantes. La situation est pour moi assez inquiétante, mais je crois en son amélioration par des politiques publiques de plus en plus élaborées comme celles qui sont en cours.

Pendant mon stage au pôle INTERREG Océan Indien à la Région Réunion

Comment restez-vous en contact avec la Réunion ?

Je reste en lien avec la Réunion en lisant ce qui se passe sur l’île dans les infos et grâce aux appels quotidiens avec mes proches. Ce qui me manque le plus, c’est ma famille, les plats traditionnels, les plages et l’ambiance. J’ai hâte de rentrer chez mes parents pour manger un bon cabri massalé (c’est très cliché je sais), pouvoir retrouver ma liberté de circuler sans nécessairement prendre de Uber pour aller à la plage et entendre parler créole. Mais quelque part j’ai de la chance ; Toulouse est une ville très cosmopolite, on y voit beaucoup de Réunionnais. J’y ai même retrouvé des anciens amis du lycée !

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Lorsque mon père est venu me rendre visite en première année à Toulouse, je lui ai demandé de me ramener une marmite péi et un pilon. Ne pouvant pas les emmener jusqu’au Mexique, je les ai laissé à Toulouse pour m’en servir à mon retour, mais mon père m’a offert un thermomètre avec des illustrations faisant références à la Réunion au-dessus pour que je puisse connaître la température du jour et garder une pensée pour mon île même à plus de 17 000 Km. Et bien sûr, je garde toujours dans ma valise mon drapeau que je sors à certaines occasions !


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