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Caroline Amogom Poule : Horizon Réunion pour un retour

Publié le 29 juin 2020

Après 12 ans d’absence elle est rentrée sur l’île pour lancer son entreprise : Horizon Réunion, agence de voyage exclusivement dédiée à la Réunion. Comment a-t-elle fait ? Réponse dans cette interview « Spécial Retour ».


Pouvez-vous vous présenter ?

Caroline Amogom Poule, 37 ans, je viens de Saint-Pierre. Je suis directrice de l’agence de voyage réceptive "Horizon Réunion" depuis huit ans. J’ai quitté la Réunion en 2001, après un an d’errance à la Faculté de lettres de Saint Denis. Après le bac, je voulais devenir journaliste sans frontières, et je me suis rendue compte que ce qui me plaisait dans le métier de journaliste "sans frontières"… c’était finalement cette notion de voyage ! J’ai donc décidé de quitter l’île. Direction Paris pour un BTS en alternance en vente et production touristique.

Comment cela s’est-il passé ?

J’ai eu un vrai coup de cœur pour la ville et les cours de BTS... J’ai adoré travailler sur les différentes destinations de la planète et vivre dans l’une des plus belles villes au monde ! Une fois le BTS en poche, je me suis demandée si je continuais les études ou si je cherchais du boulot. Plusieurs professionnels de ma formation nous conseillaient de travailler tout de suite, pour ensuite gravir les échelons au fur et à mesure de notre carrière. Je me suis donc mise à la recherche d’un travail et j’ai trouvé une boîte qui m’a fait confiance en tant que responsable transport pour des groupes de loisirs, CE et associations. Pour la petite histoire, c’est dans cette boîte que j’ai rencontré mon mari, directeur associé d’Horizon Réunion aujourd’hui !

Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de créer Horizon Réunion ?

Cette idée d’avoir une entreprise à mon compte me taraudait depuis la deuxième année de BTS. J’ai décidé à partir de là de changer d’entreprise à peu près tous les deux ans et d’évoluer sur différents postes en tourisme, pour acquérir un maximum d’expériences. J’ai donc travaillé dans des agences de voyages dites distributrices comme Afat ou Selectour, chez un groupiste en tant que chef de produit Chine et Syrie / Jordanie, et enfin dans une agence de voyage d’affaires à la Défense.


Et ensuite ?

En 2011, le projet d’Horizon Réunion naît vraiment et me pousse à me lancer dans des études de marché, un business plan, et surtout dans une grosse réflexion sur ce que je pouvais créer comme entreprise autour du voyage à la Réunion, de manière juste et responsable. En 2012, Horizon Réunion est officiellement enregistrée comme agence de voyage et en 2013, mon mari décide de travailler également pour le compte de cette belle entreprise. Nous décidons à ce moment là de rentrer sur l’île accompagnés de notre première fille âgée de deux mois.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à la Réunion ?

Dans un premier temps, après 10 ans à vendre les destinations du monde entier, je me suis rappelée que je venais d’une île qui est un pur bijou dans l’Océan Indien et qui mérite aussi d’être connue et valorisée. Dans un second temps, cela a été un projet de vie, car je venais d’avoir ma première fille. Je me suis dit que ce serait plus facile pour nous de l’élever sur notre belle île.

Avez-vous préparé votre retour d’une façon spécifique ?

J’ai d’abord effectué plusieurs aller-retours entre Paris et la Réunion en 2012, afin d’être certaine que le projet d’Horizon Réunion était viable et que nous n’allions pas nous lancer dans 100% d’incertitude. Je pense qu’un retour sur l’île se prépare vraiment et qu’il faut associer son envie d’y vivre à un projet professionnel sérieux et viable.

L’équipe d’Horizon Réunion

Décrivez nous votre retour à Gillot.

C’était très particulier car nous ramenions également notre fille de deux mois avec nous. Mon père et ma sœur qui étaient à l’aéroport ne l’avaient encore jamais vue ! Nous avons donc vécu un grand moment d’émotion par cette rencontre qui finalement a pris le dessus sur mon retour sur l’île, ainsi que la venue de mon mari zoreil avec moi dans cette aventure. Pour moi, les émotions étaient partagées entre le sentiment de revenir à mes racines, la peur de ne pas réussir ce challenge d’entreprise à deux, l’incertitude d’être confrontée aux changements sur l’île après 12 ans d’absence, et la joie immense de démarrer une nouvelle vie de famille sur ce si beau territoire. 

Avez-vous eu des difficultés à vous réinstaller ?

Pas de difficultés majeures, mais une adaptation à un rythme différent (on vit au rythme du soleil), un contact plus simple professionnellement et moins conventionnel qu’à Paris. Je dirais que c’est assez simple de se réinstaller si on accepte les modes de fonctionnement locaux, les avantages et les inconvénients liés à l’insularité !

Qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

La consommation… c’est vraiment ce qui m’a le plus « choquée ». Le jour où nous avons fait nos premières courses à Carrefour, j’ai été stupéfaite des énormes rayons montant jusqu’au plafond ! Les Réunionnais consomment beaucoup plus dans les hypermarchés que ce que j’ai connu petite, où le troc et les petits commerces étaient plus présents dans nos vies quotidiennes.

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

J’ai retrouvé… La lumière ! A la Réunion, nous bénéficions tous les jours d’une très belle luminosité même quand le ciel est gris. J’ai aussi été agréablement surprise de la mise en tourisme du territoire : sentiers ONF bien balisés, petits restos et bars de plage, initiatives originales dans les hébergements et les visites guidées… Mais il y a aussi un gros manque de poubelles et de tri. Lorsque vous marchez dans l’enclos du volcan, il y a du papier toilettes sur le sentier, lorsque vous êtes au pas de Bellecombe, vous trouvez des déchets par terre… Idem sur le promontoire de la cascade du Trou de Fer où les rats sont arrivés.

Il y d’un côté de très belles initiatives locales et de l’autre des personnes qui n’ont rien compris à la préservation de notre territoire.

J’ai aussi une certaine nostalgie du "tan lontan". Pourtant, je ne suis pas vieille, mais la Réunion a, à mon sens, grandi trop vite en oubliant une partie de ses racines. Je pensais que le confinement aurait été un bon moyen de retour à l’essentiel, mais on se rend compte que les humains oublient vite et retournent à leurs habitudes sans réfléchir à l’impact de leurs actions dans la vie de tous les jours...

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Oui très positif. Quand on quitte la Réunion et qu’on vit ailleurs, on prend du recul sur le fonctionnement de l’île et on apprend d’autres choses. On s’inspire d’autres modes de vie et d’autres manières de travailler. J’ai donc envie de dire qu’on acquiert obligatoirement des atouts, mais c’est valable pour n’importe qui partout dans le monde : aller voir ailleurs est toujours enrichissant avant un retour sur sa terre d’origine.

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaiteraient rentrer sur l’île ?  

Je pousse tous les Réunionnais à quitter leur île à un moment dans leur vie, à la condition de pouvoir y revenir pour la faire grandir de manière juste et humaine. La mobilité apporte l’ouverture d’esprit et éveille notre sens critique car il est plus facile de faire des comparaisons constructives lorsqu’on a vu comment cela se passe ailleurs. Elle m’a également menée sur une ouverture internationale car j’ai pu faire beaucoup de voyages au départ de Paris et j’ai rencontré des personnes de différents horizons.


Je dirais ensuite de réfléchir à un vrai projet de retour sur l’île et ne pas revenir sur un coup de tête. Je leur dirais enfin que nous avons besoin d’eux, de leurs compétences acquises ailleurs afin qu’ils nous amènent le meilleur sur l’île parce "qu’elle le vaut bien" !

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Le secteur du tourisme est durement touché par la crise mondiale post-Covid, et nous ne savons pas si nous pourrons accueillir nos voyageurs de l’extérieur en juillet-août. Nous avons décidé de lancer une brochure sur des offres de vacances pour les Réunionnais pendant les vacances d’hiver 2020, afin qu’ils puissent profiter de leur temps sur leur belle île et booster une économie locale et responsable fragile actuellement.

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- Le lien de la brochure Calameo 
- Voir aussi : https://horizon-reunion.com / www.facebook.com/HorizonReunion


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