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Christophe Desramé, directeur Formation à la CCI du 58

Publié le 15 décembre 2021

Originaire du Port, il a fait plusieurs allers-retours entre la Réunion et l’Hexagone avant de se fixer en Bourgogne avec sa femme et leurs trois enfants. A la tête de plusieurs organismes de formation, élu de sa commune, Christophe garde un œil sur la Réunion et la situation sur l’île.


Pouvez-vous vous présenter ?

Christophe Desramé (se lit déramé), 37 ans. Né en métropole, je suis arrivé sur l’île à l’âge de deux ans à Saint-Leu, d’où ma mère est originaire (mon père est normand). Actuellement à la retraite, ils ont fait la quasi-totalité de leurs carrières à la Poste. A 8 ans direction Le Port, où j’ ai vécu plus de 20 années. J’y ai effectué la majorité de ma scolarité (primaire, collège et lycée) notamment à Albius.

Parlez-nous de votre enfance.

J’ai vécu à proximité de la "Cité Maloya" du Port. Une cité "chaude" qui m’a beaucoup appris et m’a donné envie de réussir dans la vie. J’ai grandi avec les poubelles brûlées, les voitures incendiées, les vols quotidiens... où regarder de travers un "canyard" pouvait mal finir... Cependant, j’ai aussi appris à respecter les gens, quelque soit leurs origines. Ma scolarité a été compliquée en primaire et au collège, notamment au collège à cause des mêmes personnes qui ont ensuite harcelé ma femme au lycée. J’ai fait le meilleur choix d’option au Lycée en intégrant la seconde TSA (Technologies des Systèmes Automatisés), car j’y ai rencontré mes meilleurs amis, qui le sont toujours aujourd’hui.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

Après mon bac, je suis allé en région parisienne pour intégrer l’école supérieure d’informatique SUPINFO Paris dans le 11ème arrondissement. J’ai eu l’occasion d’effectuer la seconde année à la Réunion, à Saint Benoît, ce qui marqua mon premier retour. J’ai ensuite "abandonné" les études en informatique, et j’ai effectué une formation de niveau Bac+2 en immobilier au CIRFIM de la CCI de la Réunion, juste à côté de chez moi, au Port. Cette formation m’a amené à retourner une seconde fois en métropole pour une durée de trois mois au CESI de Lyon, et d’effectuer un stage de fin de parcours.


Puis retour à la Réunion où j’ai ouvert un cabinet d’expertise et diagnostics en immobilier sur le Port. Malgré un démarrage prometteur, la crise mondiale de 2008 a provoqué un effondrement du chiffre d’affaires du jour au lendemain. Âgé alors de 23 ans, j’ai décidé de repartir en études supérieures à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de l’Université du Moufia. Je travaillais en même temps au Collège de Bourbon en tant qu’assistant informatique, et aussi pour la faculté des lettres et des sciences humaines en tant que tuteur TICE (technologie de l’information et de la communication dans l’enseignement).

Et ensuite ?

J’ai obtenu ma Licence en Sciences de l’Éducation, spécialité Formation des Adultes, puis ce fut la "grande grève" de la faculté des sciences humaines, notamment avec la fermeture de la filière des Sciences de l’Éducation. Sachant que j’avais pour objectif initial d’effectuer un Master en Sciences de l’Éducation à la Réunion, et que je ne voulais pas intégrer la "future" ESPE (Ecole du professorat), je dus me résoudre à repartir en métropole. Sur ce choix, j’ai été appuyé par mon responsable pédagogique, docteur en psychologie, feu M. Michel Latchoumanin, à qui je dédie ces quelques lignes. Je me rappellerai toujours ces quelques mots : "Monsieur Desramé, des profils comme vous, ce serait du gâchis de vous cantonner à notre belle île." Il a énormément participé au développement de ma carrière actuelle.

Qu’avez-vous fait ?

J’ai effectué mes deux dernières années d’études à l’université scientifique de Lille 1, où j’ai obtenu un diplôme d’Ingénieur (Bac+5) pédagogique et multimédia en 2012. Suite à ce diplôme, j’ai travaillé pour un prestataire aéronautique à Toulouse, pour de grands noms comme Airbus, EADS ou encore TurboMECA... Puis j’ai été appelé par un cabinet recrutement pour intégrer une Communauté de Communes en Normandie, pour travailler sur des projets numériques : développement d’Espaces Publics Numériques (EPN), de Zones Numériques Multiservices (ZNM), Maisons de Services aux publics (MSAP), Tiers-Lieux ou espaces de télétravail (Télécentres).


En 2017, j’ai décidé de quitter cette structure, principalement dû à un changement d’élus, et à une politique de management à l’opposé de mes valeurs. J’ai alors intégré le Conseil Départemental des Yvelines en tant que responsable du pôle formation de la DSI. En 2018, j’ai été appelé par un cabinet de recrutement pour cette fois-ci intégrer la CCI de la Nièvre, en tant que directeur adjoint en charge de l’enseignement supérieur dans un premier temps, et puis, finalement au bout de six mois, en tant que directeur Formation et Enseignement du Groupe CCI Formation. Ainsi, je fus, à 33 ans, directeur de deux écoles d’enseignement supérieur, et d’un organisme de formation.

Avez-vous quelques anecdotes de vos études ?

Je me rappelle que lorsque j’étais à Lille, j’ai rencontré des personnes formidables ! L’un d’eux voulait absolument me faire visiter tous les bars, alors que je ne bois pas d’alcool, mais il répétait "t’inquiètes, je boirai pour toi !". A l’arrivée dans l’un des bars, celui-ci était rempli de "skinheads". Le bar s’est arrêté de vivre à notre entrée. J’ai senti tous les regards braqués sur moi. Mon ami s’est retourné et m’a ordonné de sortir. "Qu’est ce qui se passe ?" lui dis-je ? Il m’a finalement répondu dans la voiture : "tu as failli mourir, tu ne colles pas au mur pour eux." On a explosé de rire tous les deux, et on a fini par manger un bon kebab dans le cœur lillois...

Avec ma femme, Cassandre Desramé-Robert

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Je suis directeur du Groupe CCI Formation de la Chambre de Commerce et d’Industrie de la Nièvre. Ce groupe comprend trois entités dont j’assure aussi les directions : l’école Supérieure de Marketing DIGISUP, l’école Supérieure d’Informatique cs2i Bourgogne et l’organisme de formation CCi Formation Nièvre. Ma femme et moi avons fait énormément de régions de France. D’ailleurs, nos fils sont nés dans trois départements différents (Sarthe, Orne et Nièvre). Mais la Bourgogne est une région que nous affectionnons beaucoup. Elle offre tout ce que nous recherchions. La Nièvre est un département inconnu et pourtant magnifique. Le Morvan est d’une beauté à couper le souffle... Les Nivernais et les Bourguignons sont des gens pragmatiques, gentils et plutôt accueillants. Par contre, ils ont un défaut : ils sont les premiers à critiquer leur région ! C’est fou. La territoire est bien positionné au centre de la France, et l’immobilier est très accessible. L’un de ses défauts est son désert médical et le manque de choix au niveau des praticiens.

Quels sont vos projets ?

Je travaille 20h sur 24. Entre ma vie de famille, ma femme, elle aussi cadre supérieur et réunionnaise, mes trois enfants, j’ai aussi d’autres activités. En effet, je me suis impliqué dans la politique locale de mon village en tant qu’adjoint au maire, élu au sein de mon intercommunalité, et membre du bureau de deux syndicats mixtes. J’ai pour projet de mettre ces compétences au service des Réunionnais dans un contexte politique nouveau et inédit. Je sais que j’ai beaucoup à apporter mais je sais aussi que ce projet sera semé d’embûches, les politiques locaux n’aimant que peu la nouveauté...

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Ma famille et mes amis bien sûr, je reviens souvent sur l’île et mes parents viennent nous voir assez souvent. Parmi mon groupe d’amis proches que je connais depuis plus de 20 ans, beaucoup sont dans le fonctionnariat en métropole. Ils ont pour projet de rentrer à la Réunion par le biais d’une mutation. Souvent nous nous voyons. Entre les mariages, les fêtes entre amis, la Réunion est toujours présente… Ceux de mes amis qui sont restés à la Réunion par choix ou par obligation sont toujours dans des situations compliquées, malgré leurs compétences. Même avec un doctorat, on galère.


A chaque voyage sur l’île, je me ressource, je vais sur les marchés forains, je profite de la plage et de la montagne comme je n’en ai jamais profité quand j’étais sur l’île. Je fais le plein de poissons entre la légine, le zourit, le perroquet... Je profite pour m’asseoir sur la terrasse de mes parents à Bois-de-Nèfles et je contemple la vue magnifique sur la mer avec un bon café bourbon...

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

J’ai un regard plutôt pessimiste sur notre île. Nous avons des compétences et un potentiel extraordinaires que nous n’exploitons pas du tout. Je sais que si j’étais resté sur mon île, jamais j’aurai eu la carrière que j’ai aujourd’hui. Nombreux sont les Réunionnais qui réussissent hors de l’île et qui ne reviennent pas. Ou quand ils reviennent sur l’île avec études et bagages professionnels conséquents, ils comprennent comment fonctionne l’île et se repartent finalement en métropole.
On n’arrive pas à garder ces réelles compétences, qui sont souvent dégoutés du fonctionnement des structures au sein de l’île, et des politiques de recrutement.


Dans votre cas, quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

On "est" réunionnais par notre culture et notre vision des choses. L’avantage c’est déjà d’avoir cette culture très ouverte, et une approche presque empathique des personnes. Je suis très fier de dire que j’ai grandi dans une ville où le temple malbar, la mosquée ou encore l’église se jouxtent depuis toujours, et que nous sommes réunionnais avant d’être autre chose. En métropole je ne corresponds à aucune case. Aussi bien sur mon physique (les gens me prennent au premier abord pour un maghrébin), mes affinités religieuses hindouistes totalement inconnues en France métropolitaine, mon nom de famille qui ne fait pas réunionnais, je ne corresponds à aucune case. C’est normal, je suis réunionnais... Être différent forge le caractère et la détermination, et je suis fier de dire que je suis là où je suis aujourd’hui uniquement par mes compétences et mes capacités. Aujourd’hui, je reçois une à deux fois par mois des offres de postes, ou des appels de chasseurs de têtes. 


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