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Corinne Loquin, responsable de développement RH… adepte de la mobilité

Publié le 4 février 2019

Après des années d’expérience en Ressources Humaines, elle livre ses conseils aux Réunionnais de retour sur l’île après une mobilité*. Cadre au Crédit Agricole de la Réunion, Corinne a bénéficié pendant trois ans, de l’opportunité de travailler dans une des filiales internationales du groupe en Italie. Elle nous décrit son expérience.


Pouvez-vous vous présenter ?

Corinne Loquin. Je suis née à Saint Pierre et j’ai grandi au Tampon jusqu’à mon bac scientifique. J’ai ensuite effectué une prépa à Tours avant d’étudier à l’Institut Commercial de Nancy, et de terminer mon cursus par un semestre Erasmus à Madrid. Ma première mobilité a donc été, comme pour nombre de Réunionnais, celle du départ après le Bac. Cela a été une expérience enrichissante même si elle a aussi été difficile, entre le rythme soutenu de travail, la nécessaire autonomie dans la gestion du quotidien et l’éloignement de la famille. En quelque sorte cette première expérience a été déterminante dans ma volonté de donner aujourd’hui à mes enfants, l’opportunité de découvrir un ailleurs « ensemble » et non pas seuls à 18 ans.

Qu’avez-vous fait après les études ?

J’ai travaillé plus de trois ans à Paris avant de revenir une première fois à La Réunion en 2001 pour prendre la responsabilité de l’équipe Communication Interne et Externe du Crédit Agricole Mutuel de La Réunion & Mayotte. A ce moment, j’ai perçu sur le marché du travail local un réel avantage en qualité de Réunionnaise de retour au pays après des études à l’extérieur. Les années d’expérience à Paris dans une société de dimension internationale ont fait la différence à l’embauche… Par la suite, j’ai pris la responsabilité de l’équipe Marketing et enfin des Ressources Humaines de janvier 2010 à mars 2015… Date à laquelle j’ai eu l’opportunité de poursuivre l’aventure avec le Groupe à l’international !

Quelle était cette opportunité ?

En 2015 j’ai rejoint les équipes AGOS, filiale de Crédit Agricole Consumer Finance basée à Milan. Je suis tout d’abord arrivée pour une mission de 17 mois comme coordinatrice de leur programme de transformation managériale. Au final je suis restée trois ans et demi avec ma famille dans ce très beau pays. L’Italie est le deuxième marché domestique sur lequel le Groupe Crédit Agricole est implanté, avec plus de 12 000 collaborateurs dans différentes filiales. C’était donc une belle opportunité professionnelle mais aussi une formidable aventure personnelle et humaine.


Pouvez-vous décrire cette aventure ?

J’ai été consciente chaque jour de la chance que nous avions eue de saisir cette opportunité, et ce à plusieurs égards. Professionnellement j’ai pu transposer certains acquis en environnement international, apprendre une nouvelle langue, m’acculturer à un pays caractérisé par l’attachement des Italiens aux diverses régions qui le composent. J’ai pu piloter un projet international résonnant sur six pays. Mon réseau professionnel est plus étoffé qu’auparavant et j’ai mieux conscience de la dimension du Groupe Crédit Agricole, ayant eu l’occasion de visiter nos structures à Londres, à Munich, à Wroclaw (Pologne).

Parlez-nous de votre ville d’adoption.

Milan est une ville très riche culturellement. L’Italie en général regorge de trésors historiques et de par sa localisation, la capitale lombarde vous permet de rejoindre l’Europe centrale très facilement par la route. Leurs TGV sont efficaces : Rome est à 3h, Venise à 2h30 et Naples à 4h. Trois aéroports la desservent et le reste du monde est lui aussi à portée de main, avec des vols aux prix très compétitifs. Mais tout cela signifie aussi une certaine frénésie, même si elle est moindre qu’à Paris et un peu tempérée par la Dolce Vita… A La Réunion j’apprécie les choses simples : le calme au réveil et les oiseaux qui chantent, la vue sur la mer et ce ciel bleu, l’air pur. Milan est l’une des villes les plus polluées d’Europe… Depuis des années, elle dépasse allègrement les niveaux de pollution fixés par l’UE !

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à la Réunion ?

Le choix de partir s’est fait de concert avec mon conjoint… tout comme celui de rentrer. La mission était prévue sur 17 mois, et nous avons ensemble décidé des prolongations. A l’issue de trois ans et demi nous avons fait le choix de rentrer, son activité à lui étant basée sur l’île. De plus la fiscalité italienne est élevée et leur système de santé est compliqué et onéreux. Partir c’est aussi l’occasion de réaliser la chance que nous avons à plusieurs égards de vivre en France !

Comment avez-vous préparé votre retour ?

Paradoxalement je me suis dit que rentrer serait probablement plus difficile que partir ne l’avait été. Quand on part on sait qu’on sera confronté à la nouveauté, à une nécessaire période d’adaptation, à une langue et une culture différentes, une intégration dans un milieu professionnel. Il y a l’excitation liée au fait de vivre autre chose et de découvrir un nouveau monde...


Pour préparer mon retour j’ai échangé avec ma direction plusieurs mois avant la date effective, et mon conjoint a fait de même auprès de ses potentiels clients et fournisseurs. Je me suis aussi répété « apprends à désapprendre » pour être capable de voir ce qui pouvait avoir changé. Enfin j’ai aussi préparé mes enfants au fait qu’ils n’auraient pas la même autonomie de déplacement qu’à Milan et que les amitiés des bancs de l’école primaire d’avant leur départ pourraient ne plus être aussi fortes au collège, afin qu’ils n’y mettent pas un espoir démesuré !

Avez-vous eu des difficultés (professionnelles ou autres) à vous réinstaller ?

Je suis rentrée avec un peu de nostalgie, pour la page que nous venions de tourner avec ce retour. Mais en réintégrant le Crédit Agricole de La Réunion où j’avais travaillé durant 15 ans, j’ai vite retrouvé mes marques au niveau professionnel. J’ai temporairement pris en charge des fonctions RH donc en environnement connu. Au niveau personnel mes enfants ont rapidement réalisé la praticité des transports dans une ville. A Milan nous étions à 500 m du stade San Siro, et avions métro et tram au pied de l’immeuble. Ici les parents passent une partie de leur temps à faire le taxi...

Quel bilan tirez-vous de cette expérience de mobilité ?

Je sais que mon réseau s’est élargi de part cette expérience à l’étranger mais aussi que j’ai développé de nouvelles compétences et confirmé mon adaptabilité. De mon point de vue, une expérience hors de La Réunion consolide un parcours. Il est par contre un peu difficile de pouvoir totalement mettre à profit ces compétences en étant basée à la Réunion, avec par exemple la limite de l’éloignement géographique pour pouvoir être intégrée à des projets nationaux voire internationaux du Groupe Crédit Agricole, et ce malgré les moyens d’échanges modernes que constituent la visioconférence ou l’audio. Etre tous réunis autour d’une table, cela a du bon pour échanger avec plus de fluidité… et étant désormais basée à 10 000 km du siège du Groupe, tout déplacement c’est aussi une empreinte carbone en plus !

Et du point de vue personnel / familial ?

Retrouver ma famille et mes amis, le climat, profiter des bons petits carrys constituent autant de plaisirs au quotidien. En Italie il y a peu de cuisine du monde et la gastronomie reste très italo-italienne. Je crois aussi que ces trois ans et demi ont contribué à doter mes enfants d’une certaine ouverture au monde de par les voyages que nous avons pu faire mais aussi les rencontres. Au Lycée français de Milan, 40% des élèves sont français, 40% franco-italiens et 20% sont issus d’autres nationalités. C’est une très belle richesse. Ils ont pu réaliser que le quotidien en Europe n’est pas non plus celui plutôt préservé d’un collégien à La Réunion et je pense que cette mobilité en famille les a préparés à un éventuel départ hors de l’île pour leurs études.


Qu’est ce qui vous surprend le plus par rapport à l’endroit où vous viviez en mobilité ?

A un niveau très terre à terre, le manque de civisme et de respect de soi-même que traduisent les nombreux dépôts sauvages sur les bas-côtés de nos routes. Nous avons une île formidable pour ses paysages, les randonnées qu’elle offre, sa gastronomie, son hospitalité… quel dommage de ternir notre image. Je considère qu’un tourisme raisonné pourrait constituer un réel levier de développement mais cela passe par une propreté irréprochable si on veut concurrencer d’autres destinations ! Heureusement, il y a aussi des améliorations. J’ai trouvé Saint Denis et St Pierre plus propres, le front de mer de Saint Paul a été bien aménagé, celui de Pierrefonds aussi.

Quels sont les points de déception de votre retour ?

Je regrette que notre île n’ait pas encore, à mon sens, trouvé le modèle de développement économique qui lui convienne : un modèle qui respecterait ses atouts, son identité et ses valeurs et qui soit aussi porteur de plus de perspectives pour les Réunionnais et les Réunionnaises, et moins générateur d’inégalités sociales. Enfin, la plus grande frustration pour moi est celle de l’isolement en raison du coût que représente le moindre voyage. De Milan on peut trouver des billets d’avion pour plusieurs destinations d’Europe à 50 euros l’Aller Retour. Ici, rien que pour Maurice il faut compter 280 euros.

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Aujourd’hui j’envisage de découvrir un nouveau domaine au sein du Crédit Agricole de La Réunion. Je suis persuadée que plus on change d’environnement, d’activité, d’équipe, plus on développe des capacités d’adaptation et on apprend sur soi-même. Changer régulièrement c’est donc aussi un chemin qui apporte plus de sérénité au travail. Et qui sait, peut-être saisir une nouvelle occasion de mobilité si elle se présentait dans quelques années.

* Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui souhaiteraient rentrer sur l’île après une mobilité ?

Mon premier conseil serait de ne pas vouloir rentrer tout de suite après le diplôme, mais de forger ses armes en travaillant quelques années hors de l’île afin de consolider son CV. Et d’en profiter pour visiter tout ce qu’on peut !

Le second c’est de bien réfléchir à ses motivations. Choisir c’est toujours renoncer à quelque chose. Bien des aspects de La Réunion peuvent nous manquer lorsque l’on n’y vit plus. Mais il faut faire un choix qui n’injurie pas l’avenir. Si votre souhait est de faire une carrière internationale, ne négligez pas d’autres opportunités que La Réunion. Une fois sur l’île il devient plus difficile de poursuivre ce projet à moyen terme, sauf à intégrer un grand groupe lui-même implanté à l’étranger. Alors peut-être faut-il vivre les expériences qu’on souhaite avant de revenir s’installer sur l’île. La vie professionnelle est longue, on a le temps de rentrer !

Il faut donc déterminer le bon moment pour rentrer et s’y préparer en amont. En fonction du profil et de sa spécialisation, se renseigner sur l’état du marché dans son domaine. La difficulté est vraiment de trouver le bon timing… Trop vite après le diplôme peut se révéler trop tôt. Mais après plusieurs années passées ailleurs, si le CV est de très bon niveau et que les expériences sont très riches, il faut avoir conscience que la taille du marché de l’emploi sur l’île n’offre pas énormément d’opportunités pour les postes d’encadrement supérieur. Parfois une spécialisation va répondre à un besoin d’expertise qui se présente à un temps T. Parfois un profil plus polyvalent permettra de prospecter de manière plus large. Il y a une part de bonne étoile aussi dans les opportunités qui se présentent…

Enfin, je crois que pour un recruteur, à compétences égales, le fait d’avoir un candidat qui à ses attaches sur l’île est indéniablement un plus : cela consolide l’idée d’un projet mûri et minore un peu le risque d’un nouveau collaborateur qui finalement ne s’adapte pas à la vie ici et repart rapidement.


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