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Corinne Robert : une pro des relations publiques à Maurice

Publié le 18 mai 2022

C’est une carrière riche que nous raconte cette ex-journaliste réunionnaise, passée par NRJ, le JIR et le Quotidien. Installée dans l’île sœur depuis 2008, elle y a créé une agence de relations publiques et développé un solide réseau dans la communication publique. Interview.


Pouvez-vous vous présenter ?

Corinne Robert, 48 ans. Je suis née à Saint-Denis, mais j’ai passé mon enfance dans le sud de la Réunion, à Saint-Pierre, et mon adolescence à Saint-André, où mon frère, ma sœur et ma mère habitent toujours. Dès l’adolescence, j’ai voulu être journaliste. J’ai choisi très tôt d’allier la théorie à la pratique, travaillant dans les médias tout en poursuivant mes études universitaires : d’abord des études de lettres, puis un Deug en anglais et un diplôme en espagnol. Dans ce cadre j’ai passé deux ans à Barcelone. 

Et ensuite ?

Je tourne un peu en France puis reviens à La Réunion où je présente les flashs d’actualité du matin sur la radio NRJ et suis un stage en audiovisuel chez Antenne Réunion. Puis je me lance dans un Master en information et communication. Dans le cadre de ce Master, j’effectue un séjour à l’université de Durban en Afrique du Sud.


De retour à La Réunion avec mon diplôme en poche, je commence par travailler au Journal de l’Île à la section fait-divers. C’est le meilleur apprentissage du journalisme parce que c’est là qu’on apprend à répondre aux questions essentielles : où, quand, comment ? Après le JIR, je passe quatre ans à la rédaction du Quotidien. Ce premier chapitre de ma carrière s’est construit sur ma curiosité, mon envie d’apprendre et de comprendre. J’ai eu l’occasion de découvrir le monde judiciaire avec la couverture de procès en pénal et au tribunal correctionnel. Mes fonctions m’ont amenée à effectuer des reportages sur des évènements majeurs comme l’épidémie de Chikungunya, des éruptions volcaniques ou encore l’impact de cyclones sur mon ile natale. Outre les faits divers, j’ai également écrit des articles sur les enjeux économiques et politiques dans la zone océan Indien.

« C’est au bout de dix ans de presse écrite et parlée que je reçois la proposition qui allait me permettre de changer d’orientation professionnelle. »

Nous sommes en 2008. Une copine installée à l’ile Maurice me propose de rejoindre son agence de relations publiques et je me laisse tenter par cette nouvelle opportunité. Six mois plus tard, j’ai décidé de rester et de me lancer comme une grande dans le consulting en tant que self employed. Le début n’a pas été facile : je sortais de la « kaz maman » ; j’ai dû prendre sur moi, m’organiser entre la maison, l’achat d’une voiture et trouver mes repères. Et puis, j’ai découvert le style anglais dans la façon de faire du business : approved or not approved… pas la peine d’écrire de longs emails et raconter sa vie, on va à l’essentiel. Au début, je pensais que les personnes ne m’appréciaient pas avec des messages aussi courts.


Mon expertise a été sollicitée pour le développement de divers projets innovants et je me suis fait un nom dans ce secteur en travaillant avec des entreprises d’envergure internationale. J’ai eu ainsi l’opportunité d’accompagner le lancement de la Loterie Nationale ou encore de coordonner la stratégie de communication du plus grand centre commercial de l’Océan Indien : Grand Baie La Croisette. Mes cinq années passées en tant que « Chapter Manager » de Young Presidents Organization (YPO) Mauritius représente l’un des temps forts de ma carrière : j’ai eu ainsi l’occasion d’étendre mon réseau international en travaillant au côté de leaders, membres de cette organisation qui rassemble plus de 26 000 dirigeants dans le monde.
Par la suite, j’ai rejoint l’équipe de Grit real estate income Group, un groupe d’investissement présent sur deux places boursières (Maurice – Londres) et opérant dans huit pays en Afrique en tant que directrice de communication.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Au début de la pandémie Covid-19, je me suis remise en question : qu’est ce que je souhaitais réaliser dans ma vie ? Il était temps d’écrire un nouveau chapitre et j’ai décidé de revenir au consulting en recréant ma petite entreprise, Akheza Consulting. Cela me permet d’avoir un équilibre de vie entre mon business et mes activités personnelles : Yoga, Wing Chun (une forme de Kung fu), stand up paddle et danse. Prendre du temps pour soi au lieu d’être à la recherche constante de performance permet d’être plus créatif. Je m’occupe de la stratégie.

Quels sont vos projets ?

« I love my job », comme disent les Anglais. Dans les relations publiques, il consiste à aider mes clients à raconter l’histoire de leur entreprise, et à définir les bons outils pour la partager. Les réseaux sociaux sont devenus un média puissant et je pense aussi lancer ma propre émission sur You Tube. Je souhaiterai mettre en valeur des parcours de vie inspirants de personnes originaires de l’océan Indien et d’Afrique. Je note parfois un certain complexe à s’exprimer, à se mettre en avant de la part de personnes originaires de l’hémisphère Sud, sans doute un héritage invisible de la colonisation. Je voudrais donner la parole à toutes ces personnes qui ont réussi dans divers métiers, montrer que rien n’est acquis et que les échecs, les doutes, les remises en question font partie de ce merveilleux apprentissage qu’est la vie.


Est-ce que le fait de ne pas être mauricienne est un atout pour faire du consulting sur l’île soeur ?

Le fait de ne pas être mauricienne peut être un atout mais également un obstacle. Mais je ne suis pas tout à fait une étrangère, je suis la voisine de l’autre côté de l’océan. Je suis la cousine de l’île soeur. C’est pas pareil, c’est même un avantage. Et puis il y a le réseautage qui est très important ici, notamment avec les « happy hours ». Au détour d’une conversation, on peut décrocher un contrat et démarrer le lundi suivant ! On signera le contrat d’embauche dans les prochains jours. Ça va vite et ça me convient, pas de blabla, mais de l’action.

Quelle est la situation à Maurice en ce moment ?

L’ile Maurice a connu deux années particulièrement difficiles avec l’impact économique de la Covid-19 et une hausse du coût de la vie. Il y a eu aussi l’épisode du naufrage du Wakashio et le fait d’être blacklisté par de hautes instances financières en Europe et en Grand Bretagne. Au lieu d’être fatalistes, les Mauriciens gardent leur esprit d’entreprendre, affaiblis mais debout. Ils se concentrent sur la reconstruction. Le chemin n’est pas facile, avec une inflation galopante et une baisse significante du pouvoir d’achat.

Quelle est l’image de la Réunion dans l’île soeur ?

A mon arrivée, on me faisait des réflexions et des blagues sur le fait que la Réunion est « assistée ». Ce à quoi je répondais en utilisant l’humour et en remettant les choses dans le contexte. Aujourd’hui, le regard des Mauriciens a changé avec l’installation d’entrepreneurs réunionnais à Maurice, ce qui montre qu’il existe un vrai dynamisme entrepreneurial à la Réunion, que le secteur privé sait être audacieux et innovant. Il y aussi eu, au cours de la dernière décennie, plus d’échanges professionnels. Donc on est passé des clichés à la réalité.


Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Où que j’aille, j’amène dans mes valises cette approche multiculturelle qui nous est propre, cette capacité à m’adapter, à comprendre les autres et à faire preuve de tolérance. Je prends aussi conscience de la chance d’être née sur une ile où les mots diversité et inclusion font part de notre ADN. Sauter la mer comme on dit chez nous n’est pas évident, on doit se renouveler sans cesse et comprendre des paramètres culturels différents des siens. Mais je pense que c’est la meilleure des façons pour grandir, sortir de sa zone de confort. On commet aussi des erreurs de jugement, on apprend, on se relève et on avance.

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Ma famille bien évidemment. J’ai eu la chance d’évoluer dans une cellule familiale où on nous a encouragé à nous exprimer, à mettre des mots sur ce que l’on ressent. Depuis toute petite, j’aime poser des questions et les adultes ont toujours été bienveillants pour me répondre et m’aider à comprendre le monde. Ma mère particulièrement a été un élément essentiel en me soutenant dans mes choix. Il y a aussi ce savoir-vivre ensemble que je n’ai retrouvé nulle part ailleurs. Sans idéaliser, les Réunionnais vivent comme un authentique melting pot de cultures. Quand on ne vit pas au pays, on réalise à quel point c’est une chance. Je pourrai aussi dire l’air des hauts, les paysages magnifiques, la cuisine créole. Et puis la langue parce qu’une blague en créole prend une autre dimension et certaines choses ne peuvent pas se traduire parce qu’elles perdraient tout leur piment.

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

Je suis libre d’y revenir quand je veux. La Réunion, ce sont mes racines, les fondations de mes premières années d’existence, le lieu pour me ressourcer. Depuis 14 ans, j’ai connu une exposition internationale, d’ailleurs toute la journée je parle la langue de Shakespeare, la majorité de mes clients étant anglophones. Si je dois retourner vivre à la Réunion, j’aimerais garder cette ouverture au monde avec un emploi tourné vers l’international.


« Le soutien de ma famille a été essentiel. Je sais d’où je viens, ce qui me permet de mieux décider où je vais »


Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Deux petites roches volcaniques récupérées lors d’une balade au volcan. Elles me rappellent mes racines et mon attachement à ma terre natale, la Réunion Intense. Je les regarde de temps en temps et je souris.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

J’ai la chance d’avoir un cercle d’amis proches. Nous sommes toujours en contact et nous cultivons notre amitié depuis le collège. Chacun a une carrière différente et cela me permet de comprendre l’évolution de la société réunionnaise à travers nos échanges. L’amitié quand elle est vraie n’a pas de frontières.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

L’émancipation de la femme réunionnaise est l’un des points que je citerais en premier. Mon arrière-grand-mère du côté de ma mère vendait des fruits et légumes, ma grand-mère travaillait dans les champs, ma mère est devenue secrétaire. Toutes les trois croyaient fermement en l’éducation et moi j’ai pu faire le choix de mes études, j’ai eu l’opportunité de voyager et poursuivre mon cursus universitaire à l’étranger, en Espagne et en Afrique du Sud. Ma situation n’est pas unique.


Dans le passé, la femme réunionnaise avait déjà la charge de la maison, elle a eu l’intelligence de donner les moyens à sa ou ses filles d’avoir l’ambition d’aller plus loin. Je pense même pour ce qui est des grands parents qu’il y a une génération qui s’est sacrifiée pour permettre à la génération suivante d’améliorer ses conditions de vie. Aujourd’hui, il y a des cheffes d’entreprise, d’autres qui s’engagent dans la politique et occupent des postes à haute responsabilité. Cette histoire nous donne une certaine confiance en soi, en ses capacités, en la possibilité de réaliser ses projets. Malheureusement il y a eu à un certain moment un abandon des savoir-faire anciens pour adopter des méthodes plus modernes. Mais avec la tendance des produits bio, on voit un grand retour du patrimoine dans la façon de cultiver la terre par exemple, ou dans la construction dans un milieu tropical.

Je citerais aussi le travail formidable fait sur l’identité créole réunionnaise qui se poursuit à travers les recherches historiques, la publication de livres, l’organisation de débats, la reconnaissance de certains lieux symboliques, les créations artistiques. La Réunion est passée d’une situation coloniale à une société de consommation sans passer par la case industrielle. Ce qui a généré des avantages comme des inconvénients. L’enjeu d’avenir est comment, à l’aube de 2030 où nous aurons une population de 1 million d’habitants, allons-nous gérer les ressources et l’occupation des espaces de façon intelligente ?


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