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Crise Ebola en Afrique de l’Ouest : un Réunionnais témoigne

Publié le 1er septembre 2014

Employé dans une compagnie pétrolière au Nigeria, Alexandre de Cotte vit dans l’un des quatre pays touchés par l’épidémie Ebola. Il décrit la situation de l’intérieur, dans une région du monde de plus en plus isolée du reste de la planète.

1er septembre 2014


Pouvez-vous vous présenter s’il-vous-plaît ?

J’ai 33 ans et je suis originaire de Saint Denis. Diplômé Ingénieur à l’ENI de Tarbes, je travaille depuis deux ans à Port-Harcourt au Nigeria pour une compagnie pétrolière. Mon poste, basé en ville, consiste au support des activités sur nos différents sites de production.

Quelle est la situation actuelle au Nigeria face à l’épidémie d’Ebola ?

De manière générale les gens sont préoccupés, même si le Nigeria est moins impacté que les autres pays voisins (17 cas contre plus de ​3000 pour l’ensemble des autres pays : Guinée, Liberia et Sierra Leone). Les Nigérians étaient particulièrement inquiets au début de la crise, persuadés que si ce malheur devait toucher le pays, compte-tenu du nombre d’habitants et des us et coutumes, la maladie se propagerait de manière dramatique. Plusieurs personnes sont en quarantaine et sous surveillance, mais il s’agit de cas bien spécifiques et non pas de quarantaine de quartiers et villes entières comme dans les autres pays touchés. La situation a l’air pour le moment sous contrôle.

Quelles sont les mesures prises par les autorités ?

Tous les passagers des vols internationaux sont testés (température corporelle), et les vols régionaux de et vers les pays touchés sont annulés. Certaines frontières terrestres sont coupées, comme celle du Cameroun. Le gouvernement fédéral a aussi annoncé le report de la rentrée scolaire à la mi octobre pour l’ensemble des écoles. La prévention est réellement prise au sérieux pour éduquer et tenter de limiter les comportements à risque. Par exemple, il y a déjà eu plusieurs morts au Nigeria à cause d’un traitement « miracle » au sel (à boire et à se mettre dans les yeux) qui pouvait soit-disant sauver d’Ebola. Il y a plusieurs cas de charlatanisme comme ça.

Quelle est la situation dans la ville où vous vivez ?

J’habite dans l’état de Rivers (l’ancien Biafra). Le 26, on a appris qu’un décès a été déclaré à Port-Harcourt​, la ville où je vis. Dans les entreprises internationales, on propage des campagnes d’information sur Ebola et les moyens de lutter contre ce fléau. On prépare des plans d’urgence au cas où la crise s’aggrave : évacuation du personnel et des familles, mise en place du télé-travail, etc. Pour l’anecdote, il y a une pénurie de gel hydroalcoolique​ pour se laver les mains, et plus personne ne se serre la main au bureau...

Êtes-vous personnellement affecté par cette crise ?

Je n’ai aucun problème à travailler dans un environnement difficile, tant que ma santé et celle de ma famille n’est pas en danger. Ma famille à la Réunion s’inquiète pour moi en regardant les journaux télévisés, et je les comprends. Cependant la réalité me parait souvent moins alarmante que ce qui passe au JT. Je suis très attentivement l’évolution de la maladie via la télévision et internet (journaux locaux et européens, site de l’OMS). L’ambassade​ informe aussi régulièrement les Français inscrits au registre consulaire par mail. Je me tiens au courant pour savoir quand partir, si cela devient nécessaire.

La Réunion a connu la crise du chikungunya, est ce que cela vous paraît comparable avec ce qui se passe actuellement en Afrique ?

Je n’étais pas à la Réunion lors de la crise du chik’ mais plus globalement, il y a un énorme fossé entre la Réunion et le Nigeria ; on ne peut vraiment pas comparer. Je vois ici des situations ubuesques au quotidien qui sont grandement liées au manque cruel d’éducation et à la nécessité de "faire du business" pour subvenir aux besoins de sa famille. Ceci à tous les niveaux de la société...

Avez-vous des exemples ?

Un exemple assez comique est une expérience vécue par un ami qui a un contrat avec la police pour ​assurer sa sécurité. Il a une escorte armée pour ses déplacements en voiture, c’est une pratique courante ici. Lorsque le commissariat situé en face de sa société s’est aperçu qu’il faisait travailler des policiers d’un autre quartier, la police a arrêté les policiers qui servaient d’escorte afin de forcer mon ami à les faire travailler pour lui. S’ajoutent à cela des énormes problèmes liés aux communautés, aux groupes ethniques​ et à la religion. Tant que ces problèmes ne seront pas réglés, le développement du pays me semble difficile, même avec toutes les richesses disponibles.

Article de Mélissa Cadarsi paru dans Le Quotidien du 31 août 2014


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