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Cyclone aux Philippines : Une Réunionnaise témoigne

Publié le 2 janvier 2012

Le 18 décembre 2011, le cyclone Washi a ravagé les côtes des Philippines, causant la mort de 1 200 personnes. Ingénieure dans le domaine spatial pour la gestion des ressources naturelles, Lauriane venait de quitter ce pays où elle avait vécu un an. Cette Dionysienne de 33 ans tente de répondre aux questions suivantes : La catastrophe était-elle prévisible ? Comment a-t-elle été gérée dans ce pays proche en de nombreux points de la Réunion ?

Manille et sa pollution

Pouvez-vous vous présenter SVP ?

Je m’appelle Lauriane. J’ai 33 ans et je suis originaire de Saint Denis. J’ai suivi des d’études en Sciences de la vie et de la Terre à l’Université de la Réunion. J’ai pu faire mon année de Maîtrise en Biologie Générale au Québec grâce à une bourse du Conseil Régional. J’ai ensuite poursuivi mes études avec un DESS en Systèmes d’Information Géographique, appliqués à l’environnement, à l’Institut National Polytechnique de Toulouse, ainsi qu’un « PostGraduate Diploma » à University College London en télédétection. Après avoir travaillé dans des ONGs américaines, comme le WWF-US et le World Resources Institute, je travaille depuis quelques années pour une Organisation Internationale, basée à Washington, D.C., comme ingénieure de projet, dans le domaine de l’information spatialisée pour la gestion des ressources naturelles.

Racontez-nous votre passage aux Philippines.

J’ai vécu un an à « metro Manila » (Manille), la capitale des Philippines située sur l’île de Luzon. La ville est souvent traversée par des typhons et animée de tremblements de terre et d’explosions volcaniques. Je n’étais pas là pour Washi. Cependant, j’ai vécu en un an deux typhons, un mini-tsunami, la crise du nuage radioactif japonais, une arrivée mouvementée une heure et demie avant qu’un typhon ne frappe Manille…

Comment avez-vous vécu le passage de la tempête Washi ?

Washi a fait des dégâts énormes sur l’île de Mindanao, la deuxième île la plus peuplée et l’une des plus pauvres des Philippines. La tempête a ensuite traversé Palawan, après avoir repris des forces en mer, mais y a fait heureusement beaucoup moins de dégâts. Un bilan humain si lourd fait toujours très mal au cœur. On retrouve de gens du Mindanao à Manille, dont beaucoup de femmes venues pour le travail. Elles sont payées des salaires de misères qu’elles économisent pour les envoyer à leurs familles restées sur l’île. Je connaissais quelques personnes de milieux extrêmement modestes et originaires du Mindanao, je n’ai pu en joindre que certaines.

Cette tempête était-elle annoncée ?

La tempête avait été suffisamment annoncée selon moi. La Pagasa (service météo philippin) suivait le phénomène de très près par imagerie satellitaire et l’avait baptisé « Sedong », alors que nous le connaissons sous le mon « Washi », donné par la météo japonaise. Je suis certaine que tous les médias ont relayé l’information, qui tourne en boucle dans ce genre de circonstances là-bas aussi.

Que s’est-il passé alors ?

Face aux pluies diluviennes qui ont engendré les crues éclairs des ravines et cours d’eau, face aux inondations littorales, les quartiers et villages côtiers n’ont rien pu faire… Les causes de ce lourd bilan sont certainement la pauvreté et l’absence de planification face à ce genre de risque. Aujourd’hui, le gouvernement Philippin, avec l’aide d’ONG locales, d’agences humanitaires et des Nations Unies, organise l’acheminent de l’aide humanitaire nécessaire vers les districts touchés.

Que faudrait-il faire ?

Les seuls moyens efficaces susceptibles de réduire l’impact humain et les dégâts matériels dans ce cas sont : 1- l’application d’une réglementation nationale portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction ; 2- des plans de prévention des risques d’inondation ; 3- des infrastructures ou mesures comme la reforestation pour canaliser et lutter contre le ruissellement.

Globalement, à quoi ressemble la vie aux Philippines ?

Il s’agit d’un pays magnifique pour les touristes avertis et les aventuriers : plus de 7 000 îles - dont les plages de « Koh Lanta » - dont Maurice pourrait être jalouse, des paysages sous-marins incroyables au sein de la région qu’on surnomme le triangle du corail - que les plongeurs réunionnais habitués au récif frangeant de la Réunion n’ont jamais observé -, des volcans actifs avec des lacs intérieurs aux eaux vert émeraude... En revanche, je considère Manille comme « l’enfer au paradis ». Surpopulation (20 millions d’habitants), prostitution, pollution de l’air et de l’eau, extrême pauvreté et fossé social énorme caractérisent cette ville. En tant qu’étranger, on est souvent mis sur un piédestal, si bien que tantôt les Philippins prennent une attitude de soumission dérangeante, tantôt vous vous faîtes arnaquer... On peut ajouter que la liberté de parole et d’opinion sont bafouées aux Philippines. Pour ma part, j’espère que la société civile aura de plus en plus d’impact sur les politiques et l’opinion publique, et que la diaspora philippine, ainsi que les familles richissimes basées à Manille, sauront investir dans le développement durable de leurs îles.

Quels sont pour vous les ressemblances entre la Réunion et les Philippines ?

Des paysages photogéniques ; les fruits, les légumes et les brèdes d’antan ; la diversité des paysages (volcans, mer, montagne) ; les valeurs de la famille et de la religion ; la simplicité des gens ; des milieux reculés (les hauts) ; la beauté des gens ; la surpopulation ; les questions environnementales ; les conditions climatiques. Pour vous faire une idée, je recommande ce site de photos réalisées par un photographe professionnel réunionnais et talentueux, rencontré à Manille : www.lustuphotography.com

Article publié dans Le Quotidien du 31 décembre 2011

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