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David Legros : une ambassade de la Réunion en Pologne

Publié le 20 août 2020

Ce Tamponnais a créé une chambre d’hôte écologique avec se femme polonaise. « Je rêve que ce lieu soit un peu l’ambassade des Réunionnais en Pologne... un centre ressources et d’accompagnement pour ceux qui s’installent ici (études, travail, autres). »

Avec mon fils dans notre chambre d’hôte

Pouvez-vous vous présenter SVP ?

David Legros, 33 ans, originaire des Trois-Mares au Tampon. Je vis en Pologne avec mon épouse et mon fils. J’ai une formation d’école de commerce validée et éprouvée dans l’univers de l’industrie pharmaceutique en tant que chargé d’études marketing. Aujourd’hui, je suis propriétaire d’une chambre d’hôtes et me dédie à la promotion d’un tourisme responsable et durable.

Quel a été votre parcours ?

J’ai quitté la Réunion en 2004 après le baccalauréat. Agé de 17 ans à ce moment-là, j’ambitionnais déjà de voir un peu plus que La Réunion… J’ai passé deux ans à Toulouse dans un cadre exceptionnel, avant de poursuivre mes études dans la région lyonnaise et de débuter ma carrière professionnelle à Lyon au sein de la branche vétérinaire de Sanofi-Aventis. En 2014, pas pleinement satisfait de l’environnement dans lequel je travaillais, je me suis lancé dans un voyage initiatique entre Amérique du Sud et en Asie.

Désert d’Atamaca au Chili

Suite à cette exceptionnelle expérience, je me suis installé à Varsovie, en Pologne, au côté de ma future épouse. J’y ai notamment travaillé pour le Lycée Français de Varsovie ; dans l’attente d’une maîtrise complète de la langue polonaise. Aujourd’hui, nous sommes installés dans la région nord-est du Pays (à côté d’Olsztyn, région de Varmie – Mazurie) et avons démarré un projet de chambre d’hôtes éco-responsable.

Quels sont vos projets ?

Nos projets se concentrent aujourd’hui sur le développement de notre hébergement écologique. Depuis nos divers voyages, nous sommes extrêmement sensibles à l’impact du tourisme. Nous souhaitons donc exercer une activité qui réduise son impact négatif sur l’environnement. Nous cherchons même et travaillons sur diverses idées afin de maximiser notre impact positif sur le territoire. La dynamique est un condensé de #Local, #EnergiesVertes, #SolutionsAlternatives, #Respect, #Partage. Nous nous inspirons notamment des principes de la permaculture.

Chambre d’hôte éco responsable en Pologne

En parallèle, j’aimerais que notre chambre d’hôtes devienne un « consulat marron » de la Réunion en Pologne. D’un point de vue économique, ce pays est très dynamique. De nombreuses entreprises internationales investissent à Varsovie, Gdańsk, Cracovie, Wrocław ou Katowice. Il y a également d’excellentes universités dans le pays. Je pense que d’autres Réunionnais seront amenés à s’installer temporairement en Pologne et j’aimerais que mon expérience puisse servir à d’autres. Entre conseils, démarches administratives, lieux à visiter, personnes à contacter, réseaux francophones, l’idée est de faciliter ce passage en terre polonaise.

Parlez-nous de la Pologne, votre pays d’adoption.

Je dois avouer que je connaissais très peu la culture polonaise avant mon installation. Hormis une localisation à l’Est et un climat prétendu froid, je ne savais quasiment rien. Aujourd’hui, je découvre avec plaisir un pays à la culture slave et au passé dense. La Pologne a très (trop) longtemps souffert. Au 19ème siècle, le pays a disparu des cartes ; partagé entre ses voisins Russe, Prusse et Austro-Hongrois. Une fois le pays retrouvé en 1918, la seconde Guerre Mondiale a jeté un nouvel effroi. La sortie de guerre sous les couleurs du communisme soviétique en 1945 n’ont pas sonné les heures les plus glorieuses du pays ; loin de là.

Varsovie

Cette histoire récente (le communisme ne s’est éteint qu’il y a 30 ans) est le socle de nombreuses générations encore vivantes. Ces événements font donc que la Pologne est fière de ses racines, fière de son indépendance… La culture est de prime abord plutôt froide mais les gens sont très chaleureux. La vie quotidienne se situe très souvent autour des repas, entre une tasse de thé ou un café. En Pologne, les gens sont aussi très proches de la campagne. Le développement des métropoles est relativement récent. C’est une région en tout cas qui vaut vraiment la peine d’être découverte, où il existe un sentiment de sécurité comme rarement ailleurs.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Quand je vivais en France, j’ai toujours eu un ressenti positif vis-à-vis de la Réunion. Parfois l’image est erronée, souvent teintée de clichés coloniaux, mais l’image de la Réunion est bonne. Notre île, de par sa localisation et ses beautés naturelles, attire les regards. En Pologne, malheureusement, la Réunion est inconnue. Rare sont ceux qui ont entendu parler de notre île. Les Polonais situent pourtant bien Madagascar (passif d’une colonisation avortée il y a plus d’un siècle) donc visualisent rapidement où nous nous trouvons. Autour de moi, les gens ont commencé à cocher la Réunion comme possible future destination. J’adore endosser mon costume d’ambassadeur !

Ela et David

Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

Avec le recul, ma mobilité a toujours été positive puisqu’elle m’a permis d’ouvrir les yeux sur le monde qui m’entoure. Mes expériences successives m’ont permis de partager d’autres cultures. En partant découvrir d’autres continents tels que l’Asie et les Amériques, j’ai eu la chance d’observer d’autre modes de vie, de confronter ma culture mais aussi de découvrir mes racines.

« Finalement, mes origines réunionnaises n’ont jamais été aussi présentes qu’en voyage »

Non pas que le voyage ne m’ait recentré sur moi-même, mais il m’a certainement permis de mettre en lumière les contours de ma personnalité. Aujourd’hui, passé le cap de la trentaine, je me sens fier d’être réunionnais mais j’ai surtout le sentiment de savoir pourquoi.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

J’ai toujours fait de mes origines un atout et non un frein. En tout cas, j’ai toujours eu la chance de pouvoir le faire. Que ce soit à l’université ou dans le monde du travail, cela m’a permis de « briser la glace ». De manière générale, les gens sont curieux et de plus en plus de personnes ont des Réunionnais dans leur entourage. Nous sommes souvent vus comme de bons vivants, sympathiques et ensoleillés. Profil recherché ! Personnellement, ça m’a toujours permis d’être bien entouré.

Appartement étudiant

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Dans mon parcours de mobilité, j’ai très souvent croisé la routes d’autres Réunionnais, notamment à Toulouse. A l’époque, nous étions tous fraîchement arrivés… Cette période de nos vies a été très intense et 15 ans après, ces personnes sont des amis et bien qu’éloignés, les moments passé ensemble à cette période de nos vies resteront à jamais gravé dans nos mémoires. Il n’y a pas une semaine où je n’écris pas à des amis encore à Toulouse, à Lyon ou à la Réunion bien évidemment. Ici en Pologne, je ne connais pas encore de Réunionnais. Bien qu’il y ait de nombreux visiteurs en pèlerinage sur les pas du pape Jean-Paul II, le pays est encore trop souvent méconnu.

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

En partant de la Réunion en 2004, j’étais particulièrement jeune et je ne mesurais pas ce que cela impliquait. Malgré tout, j’avais pris dans mes valises une marmite à riz et quelques objets décoratifs pour ma chambre. A chaque retour à La Réunion, je ramenais quelques souvenirs supplémentaires... petits grains de sable dans un éloignement certes voulu mais parfois difficile. Aujourd’hui, ces (nombreux) objets sont dans un carton. Ils ne décorent plus vraiment la maison mais ne me quittent pas pour autant. Leur valeur sentimentale est inestimable.

Stage au Québec en 2006

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

La nourriture. La cuisine créole est pour moi la meilleure et ce n’est pas faute d’en avoir essayé d’autres. Les montagnes me manquent aussi. La proximité de la montagne à la Réunion est quelque chose d’unique. Je rêve de pouvoir me balader à Mafate et y respirer l’air frais. Bien sûr, le cadre de vie entre montagne et mer, l’ambiance créole sont autant de choses qui me plaisent et restent dans un coin de mon cœur.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Avant de nous installer en Pologne en 2019, nous avons essayé d’ouvrir cette chambre d’hôtes à la Réunion… Malheureusement, nous avons été confronté à la réalité économique de l’île. Le foncier est une denrée rare et ouvrir une activité à son propre compte relève d’un parcours du combattant en plus d’un coût prohibitif à l’installation. J’ai également eu le sentiment d’être peu soutenu par les administrations et élus locaux. Soit nous allions dans le sens des directives européennes (FAEDER) pour un projet qui ne nous aurait plus ressemblé ; soit nous devions nous débrouiller seul. Dommage !

Randonnée dans les montagnes polonaises Tatras

Mais au-delà de notre propre expérience, je suis inquiet quand je vois le développement continu du marché automobile et des infrastructures routières sur une île qui jusqu’à preuve du contraire ne s’étendra jamais… La toujours trop faible proportion des transports en commun… Les atermoiements sur la gestion des déchets (incinérateurs ? extension des centrales d’enfouissement ? ) sans jamais remettre en question le modèle de consommation du foyer réunionnais… Quand je pense à la Réunion aujourd’hui, entre écologie et inégalités face aux marchés de l’emploi, je ne suis guère optimiste mais j’espère me tromper.


Découvrir : http://letniakuchnia.com/fr / www.facebook.com/siedliskoletniakuchnia

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Voyage en Asie
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