Denis Richefeu, VIA chez Business France au Chili
Diplômé de l’EGC, ce jeune Saint-Andréen occupe un poste de Volontaire International en Administration, Chargé de développement Agrotech. « Mon travail consiste à accompagner les entreprises françaises du secteur agroalimentaire dans leur développement commercial sur le marché chilien. Pour le moment, à mon grand regret je n’ai encore accompagné aucune entreprise réunionnaise. Mais j’ai pu échanger avec un jeune qui sera bientôt V.I.E. chez Total, il s’agit du premier Réunionnais que je croise ici ! »
Pouvez-vous vous présenter ?
Denis Richefeu, 26 ans. Issu d’une famille très modeste, je suis originaire de Saint-André où j’ai grandi et vécu jusqu’à mes 22 ans. Après l’obtention de mon Bac scientifique en 2011 au lycée Sarda Garriga, je me suis orienté vers des études en expertise comptable. Mais très rapidement, je me suis rendu compte que ce n’était pas le secteur dans lequel je souhaitais évoluer. Un an plus tard, 2012, j’ai intégré l’École de Gestion et de Commerce de La Réunion. Et enfin en 2015, j’ai intégré l’INSEEC Business School de Bordeaux de laquelle je suis sorti diplômé d’un Master Grande Ecole de Commerce en 2018.
Racontez-nous votre expérience de mobilité.
J’ai quitté La Réunion à 22 ans. Après mon Bachelor de l’EGC Réunion, la suite logique pour moi a été de partir en hexagone pour y préparer un Master à l’INSEEC Business School de Bordeaux. A vrai dire, je pense que j’ai plutôt choisi la ville que l’école, ce que je ne conseille pas d’ailleurs. En effet, c’est à l’âge de 11 ans lors d’un voyage en Métropole que je suis tombé amoureux de Bordeaux. Pour moi, il était clair que si je devais partir en France pour mes études ça serait à Bordeaux ! Je suis parti quand même avec un peu d’appréhension et la peur de ne pas être au niveau par rapport aux autres élèves... Mais à ma grande surprise, ça n’a pas été le cas. C’est pour ça qu’aujourd’hui j’encourage tous les jeunes réunionnais à « saute la mer » et d’avoir confiance en eux car les établissements d’études supérieurs à La Réunion sont très bons.
De Barcelone à Santiago du Chili...
Je suis un grand amoureux de l’Espagne et notamment de Barcelone. Pourquoi ? Car il y fait bon vivre, les gens sont chaleureux et ne se prennent pas la tête. J’y ai fait la grande majorité de mes stages, au total un an et demi cumulé. Partir au Chili était pour moi l’occasion de connaître une nouvelle culture et d’appréhender un autre marché où l’espagnol est la langue officielle. Pour être sincère, 72 heures avant mon départ je n’étais plus sûr de rien ... Je partais à l’aventure à plus de 24 heures de vols de mon île natale. Mais Santiago du Chili a cassé tous les clichés que j’avais sur l’Amérique Latine...
Qu’entendez-vous par là ?
Nous Français avons tendance à généraliser et à cultiver des clichés (insécurité, drogue, prostitution, dictature, etc.) . Mais l’Amérique Latine ne se résume pas à ça et Santiago du Chili est loin d’être une ville sous développée : réseau de métro performant, gratte-ciel à perte de vue... Pour un pays où la sismicité est l’une des plus fortes du monde, je pensais arriver dans une ville où les bâtiments n’excédaient pas les 10 étages... Mais 20 étages est la norme ici. On trouve notamment Le Costanera Center qui est le gratte-ciel le plus élevé d’Amérique Latine...
Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?
Le Chili est un pays modèle en Amérique Latine malgré son histoire et les importants mouvements sociaux qui ont eu lieu récemment. C’est une démocratie jeune, le pays est en effet sorti de la dictature il y a 30 ans. En arrivant là-bas, j’ai été surpris par la vitesse à laquelle le pays s’est développé et est devenu l’une des économies les plus attractives d’Amérique Latine. Le modèle de développement du pays est très américain et il existe de nombreuses inégalités. Il n’y a pas de sécurité sociale et encore moins de « CMU ». De mon point de vue, j’ai l’impression que l’ascenseur social est en panne... Celui qui est riche sera riche toute sa vie et celui est pauvre sera pauvre toute sa vie ou du moins aura peu de chance d’évoluer... Je ne dis pas que c’est impossible mais c’est difficile. Aujourd’hui, les Chiliens veulent plus d’égalité et c’est pour cela qu’on a depuis environ trois mois, l’équivalent des gilets jaunes au Chili…
Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?
Sur le plan personnel, étant fils unique la mobilité m’a permis de grandir et d’apprendre à me débrouiller. Que ce soit à Bordeaux, Barcelone ou Santiago du Chili, il a fallu que j’apprenne à gérer des situations difficiles seul, prendre des décisions. On va dire que j’ai beaucoup gagné en autonomie. De plus, j’ai été amené à travailler et à côtoyer des personnes avec des mentalités et des cultures différentes. Ces expériences m’ont permis de moduler un sens rapide de l’adaptation... et de m’ouvrir d’avantage aux autres. A de 12 000 km de sa famille et de ses amis, deux choix s’offrent à nous : soit on décide de s’ouvrir aux autres et de connaitre du monde, soit on reste dans son coin et on déprime. J’ai fait le premier choix, car j’étais conscient que les opportunités qui se présentaient à moi n’allaient pas se reproduire d’ici tôt et il fallait que j’en profite au maximum…
Vivre dans d’autres pays m’a aussi fait prendre conscience de la chance d’être français. On se plaint de beaucoup de choses, mais en tant que français nous avons beaucoup d’avantages. Sur le plan professionnel, la mobilité a été une source d’opportunités professionnelles. J’ai tendance à croire que pour les recruteurs le fait d’avoir quitté le cocon familial pour s’établir à plus de 12 000 km de sa terre natale montre que l’on a une certaine facilité d’adaptation.
Quels sont vos projets ?
Je termine ma mission officiellement en juin 2020, mais le bureau m’a proposé récemment de poursuivre ma mission au Chili en embauche locale. C’est une opportunité très intéressante qui mérite réflexion, il y a fort à parier que je reste encore quelques années au Chili ! Pour le moment je souhaite grandir encore un peu avant de reposer mes bagages à La Réunion... Je suis Réunionnais et je reviendrai de façon certaine à un moment ou un autre.
Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?
La Gastronomie ! Un bon rougail saucisses ne s’improvise pas avec des produits étrangers malheureusement. On se rend très vite compte que le rendu n’est pas pareil. Ma famille me manque beaucoup. Le fait de se retrouver autour d’un bon repas, discuter et rigoler, c’est ce qui m’a le plus manqué ces dernières années.
Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?
La fameuse « marmite à riz » me suit partout. Le riz c’est sacré, il se cuisine dans une « marmite à riz » et pas à la casserole. En tant que malbar de Saint André, j’ai aussi ramené une statuette de Ganesh et une photo d’un de mes ancêtres qui m’accompagne partout.
Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?
La Réunion est un territoire en pleine mutation qui affiche beaucoup de potentiels. J’ai tendance à dire qu’il s’agit du hub majeur français dans l’océan Indien. En effet, sa proximité avec l’Afrique et l’Asie fait de notre île un atout pour La France, tant sur le plan attractivité du territoire que pour le développement des entreprises.
Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?
La Réunion au Chili n’est pas très connue. J’en parle le plus possible lorsqu’on me demande d’où je viens. Ici avec mon métissage, on pense souvent que je suis vénézuélien ou costaricain. « Tu es français mais de quelles origines ? », c’est la question qui revient souvent. Lorsque je parle de La Réunion, les personnes ont tendance à vouloir situer l’île sur Google Map... Et lorsqu’ils cherchent des images de l’île, ils sont fascinées et comprennent difficilement pourquoi j’ai quitté ce paradis pour Santiago.
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