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Éloïse Checkouri : des pansements à base de plantes péi

Publié le 4 janvier 2024

« Nous avons identifié des plantes médicinales réunionnaises qui peuvent être incorporées dans des pansements accélérant la cicatrisation des plaies ». Avec « Skincense », une solution médicale inédite, cette jeune doctorante a fait le choix de développer sa carrière de chercheuse et d’entrepreneure à la Réunion. Eloïse Checkouri a été récompensée d’un Prix Talent de l’Outremer en décembre 2023 - Une interview « spécial retour à la Réunion ».

Eloïse Checkouri remporte le 1er Prix du Concours de création d’entreprises innovantes en 2022

Pouvez-vous vous présenter ?

Eloïse Checkouri, 28 ans. Originaire de Saint André, j’ai fait toute ma scolarité dans des établissements publics : école Félicienne Jean, collège Joseph Bédier, lycée Mahatma Gandhi, Université de La Réunion, ESIROI (école d’ingénieurs de La Réunion). Je suis actuellement entrepreneure et porteuse d’un projet de recherche biomédicale nommé "Skincense".

Racontez-nous votre parcours.

J’ai quitté l’île pendant mes études d’ingénieur, notamment pour mon premier stage de recherche en Australie, puis pour un semestre d’échange à Dijon où j’ai finalisé mon cycle ingénieur. Je tire un bilan très positif de mes expériences de mobilité. Elles m’ont donné le goût de la découverte et des voyages et elles ont changé ma vision des choses. Aujourd’hui, je souhaite intégrer dans mes projets de recherche des missions de quelques mois à l’étranger et en métropole car je pense que c’est enrichissant autant sur le plan personnel que professionnel.

Prix "Ma thèse en 180 secondes" en 2020

Dans quelles conditions êtes-vous rentrée à la Réunion ?

J’étais convaincue qu’une fois mon diplôme en poche, il fallait que je rentre à La Réunion pour y appliquer ce que j’avais appris, pour apporter mes efforts au développement de l’Ile. Pour moi retourner à La Réunion était primordial. Dès la fin de mon stage de recherche, je me suis renseignée et fixé comme objectif de réaliser une thèse de recherche sur les plantes de La Réunion. Dans ce but, j’ai notamment échangé avec l’Aplamedom et l’Université de La Réunion. J’ai pris près d’un an pour trouver les bons partenaires industriel et universitaire. Puis, une autre année pour obtenir mon financement et mon inscription à l’université.

Comment s’est passé concrètement votre retour ?

J’étais satisfaite de retrouver ma famille, mes proches, les traditions et le climat de mon île. J’étais aussi heureuse de rentrer à La Réunion pour faire un projet de recherche sur des plantes médicinales de notre région, et motivée à l’idée de réaliser ma thèse ! Malheureusement, j’ai dû attendre un an avant de pouvoir me réinscrire à l’Université de la Réunion... J’avais eu mon financement très rapidement mais mon dossier d’inscription, lui, n’avait pas été pris en compte et j’ai dû attendre la rentrée universitaire suivante. Pendant ce temps, j’ai commencé à travailler sur ma thèse par mes propres moyens, en effectuant des recherches bibliographiques dans le domaine de la biologie médicale. Mais j’étais frustrée de ne pas pouvoir voler de mes propres ailes dès mon retour sur l’île. Finalement il fallait être patiente, mais à 21 ans je ne voyais pas les choses de la même façon…


Qu’avez-vous fait ?

Durant l’année qui a précédé ma thèse, j’ai cherché des postes d’ingénieur dans le domaine de la nutrition et de la santé (ma spécialité), mais je n’ai pas trouvé d’offres qui correspondaient. Comparativement à l’Australie et à la France métropolitaine, j’ai constaté qu’il y avait moins de possibilités pour les postes d’ingénieur spécialisés dans les domaines de la nutrition, la formulation de produits et la recherche et développement. Pour moi, cela signifie également qu’il est possible de développer ces secteurs sur l’île, notamment en créant des entreprises ! En revanche, j’ai été surprise de voir le nombre de postes à pouvoir en HSE à la Réunion. J’ai décroché mon Doctorat en 2021 dans le cadre d’une convention CIFRE (convention industrielle de formation pour la recherche), sur le thème de la « valorisation des plantes médicinales de la Réunion. Depuis, je mène de front plusieurs projets…

Parlez-nous du plus avancé : Skincense.

Le projet de recherche biomédicale Skincense a pour objectif d’aider les personnes souffrant de plaies chroniques (ulcères, escarres, plaies du diabétique) à retrouver une vie normale en leur apportant une solution médicale innovante. Nous avons identifié dans certaines plantes médicinales réunionnaises des principes actifs qui peuvent être incorporés dans des pansements accélérant la cicatrisation des plaies chroniques. Avec le soutien de l’incubateur régional, le projet consiste donc en la conception de pansements innovants. Nous travaillons à l’élaboration de formules qui aboutiront au dépôt de brevets et à la conception de kits de fabrication pour hôpitaux proposés à l’industrie pharmaceutique. Ce projet je l’espère, changera la vie de nombreuses personnes souffrant de plaies chroniques.


Mon second projet s’appelle « Secrets de plantes » et il vise à vulgariser les connaissances sur les plantes médicinales auprès du grand public. Enfin mon troisième projet concerne mon entreprise Woundi qui lancera ses premiers produits vers la fin 2024. Je ne vous en dis pas plus, nous lancerons une communication à ce sujet en 2024 !

D’où vous vient votre vocation ?

J’ai toujours été passionnée par la Recherche. L’enseignement que j’ai reçu en amont y a été pour beaucoup. Pour moi, c’est un élément moteur et créateur de vocation car c’est grâce à mes professeurs (notamment ceux de Biologie) que j’ai choisi de continuer sur cette lancée. A l’Université, j’ai découvert une autre facette du monde de la recherche : le métier de Maître de Conférence Universitaire (enseignant-chercheur). Un métier inspirant, qui permet au chercheur d’échanger avec les étudiants sur des thématiques concrètes et de leur enseigner des bases pour leurs futurs métiers (technicien, ingénieur, chercheur).

Eloïse Checkouri, Prix Talent de l’Outremer 2023 et Yola Minatchy, présidente du Réseau des Talents

Quel conseil donneriez-vous aux Réunionnais qui souhaitent rentrer sur l’île ?

N’hésitez pas ! On ne trouve pas toujours d’offres d’emplois dans notre domaine de compétences, mais cela ne veut pas dire qu’on n’a pas besoin de ces compétences à La Réunion. Au contraire, cela peut être l’opportunité de créer une filière, un nouveau pôle de compétences ou de nouveaux types d’activités sur le territoire. D’ailleurs, cela pourrait être intéressant pour La Réunion d’ouvrir de nouvelles perspectives de retour pour les scientifiques réunionnais expatriés, tout en développant des partenariats de recherche avec d’autres régions du monde.

Pouvez-vous compléter la phrase : « je ne serais pas arrivée là si... »

Comme un arbre, j’ai eu besoin de mes racines (famille), de tuteurs "pour pousser droit" (éducation, enseignements), de lumière (amour, amitié, espoir et moments de bonheur), mais aussi de contraintes et de tempêtes me forçant à donner le meilleur de moi même (stress, échecs). Cet ensemble de paramètres m’a amené à être celle que je suis à présent. J’ai eu cette chance de pouvoir faire la majeure partie de mon parcours d’études à La Réunion. Je ne serais pas arrivée là si je n’avais pas gardé mon objectif de vie en tête et cru en mes rêves. On a tous une vocation et dans tout ce que l’on fait, il faut être en accord avec cette vocation. C’est ce qui va nous aider dans les moments difficiles et ce qui va décupler nos moyens quand il faudra travailler dur.


Pour aller plus loin :
+ de portraits « Spécial Retour »
- Les opportunités d’emplois à la Réunion


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