Publicité

Emmanuelle Latchoumanin, pâtissière militante

Publié le 13 septembre 2022

Son rêve ? Une pâtisserie péi qui utiliserait le pouvoir sucrant des plantes locales. Pour développer son projet « La caze à Manoue », elle a pris la direction du Pas-de-Calais, avec l’objectif d’acquérir et ramener à la Réunion un food-truck. Portrait d’une cheffe pâtissière qui croit dans les produits de son île.


Pouvez-vous vous présenter ?

Emmanuelle Latchoumanin, 27 ans, je viens du Tampon. J’ai grandi dans une famille modeste et dans les vieilles valeurs créoles avec ma grand-mère qui vivait au Plate. Titulaire d’un CAP pâtisserie et un d’un CAP chocolatier – glacier - confiseur ainsi qu’une certification pour travailler dans les hôtels 5*****, je suis cheffe pâtissière depuis 10 ans.

Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

J’ai quitté la Réunion une première fois à 17 ans pour faire mes études de pâtisserie. Toute seule, « à l’aventure », je me suis battue pour trouver un employeur, une école et un logement. J’ai commencé en Haute-Normandie pendant un an, puis à Versailles et à Levallois-Perret. Pendant ces sept ans de mobilité, j’ai travaillé à Londres et au Club Med dans le Sud de la France, en Italie et en Haut-de-Savoie. J’ai eu la chance de faire l’ouverture de plusieurs concepts store et de participer à l’exposition du « salon du salon ». Ca a été une magnifique expérience !

Mes collègues et moi au Club Med à Cervinia en Italie

Et ensuite ?

En 2020 pendant le premier confinement, j’ai ouvert mon entreprise de pâtisserie : "La Caze à Manoue by Résiste". Sur les marchés forains de la Réunion, ma première action a été de faire du pain bio solidaire à 1€ pour tous les habitants de mon quartier. Ensuite j’ai partagé ma passion de façon pédagogique en faisant déguster une pâtisserie confectionnée à partir du pouvoir sucrant des plantes médicinales de chez nous.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

J’ai quitté la Réunion suite à ma grossesse et dans le but de peaufiner mon projet. J’ai choisi le Pas-de-Calais car c’est proche de Lille, de la Belgique, d’Amsterdam et c’est la possibilité de voyager. Je vis à Houdain, à 30 minutes d’Arras et 45 de Lille. Il y a beaucoup d’espaces verts et les gens sont gentils. Ici, La Réunion est une île de soleil exotique et personne ne comprend pourquoi j’ai quitté le paradis pour le froid du Nord !


Quel est votre projet ?

Mon but final est d’ouvrir un food-truck de pâtisserie en utilisant que des produits locaux créoles. Je souhaite faire grossir mon projet ici, en faisant les marchés et les événements comme à La Réunion pendant un an, rentrer sur l’île avec un food-truck et reprendre mon aventure qui s’est interrompue chez nous. Dans l’idéal, j’aimerais économiser assez de fonds pour tout mettre dans un conteneur. L’objectif est de revenir à la Réunion meilleure et plus forte.

Sur un marché forain à la Réunion

Je veux être une pâtissière qui travaille le pouvoir sucrant des plantes médicinales locales, qui les utilise dans ses gâteaux pour réapprendre à déguster une pâtisserie qui a du goût, bonne pour la santé car sans sucre raffiné. Mon slogan (qui est assez pédagogique ! ) : "Bon mangé bien mangé, alé di partou" ! Pour réaliser ce rêve d’ici les fêtes de Noël, j’ai mis en place une cagnotte Leetchi.

Quels objets de la Réunion avez-vous ramené dans vos valises ?

Un vide-poche tressé "île de La Réunion", une marmite riz, mon pilon, des épices et de l’huile essentielle de géranium pour faire mes brioches, une barquette de papayes confites faite par la maman d’une de mes amies pour faire mon pâté créole…

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Tout me manque, sauf le fait que les restaurants ferment trop tôt et qu’il n’y a rien d’ouvert le week-end. A part ça, mon ti caillou c’est mon trésor. J’aime le fait de pouvoir avoir la tête dans les nuages le matin et les pieds dans l’eau le soir.

Tarte ganache chocolat praliné fleur de sel, chantilly mascarpone vanille, ananas frais, coulis de caramel lacté, noisette caramélisée

Que vous a apporté l’expérience de la mobilité ?

Elle représente un apprentissage et un enrichissement constants, la rencontre de nouveaux horizons, de nouvelles langues, cultures, cuisines différentes… On va toujours plus loin au niveau de soi-même et de ses objectifs. Pour moi, il n’y a pas d’inconvénient à venir de La Réunion bien au contraire. C’est une île très riche de goûts, d’histoires, de traditions, de partages.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

Pour travailler dans le domaine du développement agricole, je peux dire que La Réunion a tout pour atteindre l’indépendance alimentaire. Nous produisons déjà beaucoup nous même, jusqu’à la relance de la culture du riz il y a peu. Le « fait-main » local est une immense richesse et c’est à ça que nous devons revenir, mais cela demande plus d’efforts écologiques. C’est dommage que notre petite île soit aujourd’hui plombée par la pollution, les amas de voitures ainsi que la sur-construction massive.


+ d’infos et soutenir Emmanuelle : www.leetchi.com/c/la-caze-a-manoue / www.facebook.com/patisseriehomemade/


Publicité