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Erika Cologon, journaliste TV en Afrique

Publié le 25 septembre 2018

Elle a vécu à Madagascar et dans plusieurs pays d’Afrique avant d’atterrir dans la ville du Cap. Engagée auprès des sociétés civiles en mouvement, elle garde un lien fort avec l’île qui l’a vue naître et un regard éclairé par l’expérience africaine.


Pouvez-vous vous présenter ?

J’ai 40 ans bientôt et je suis journaliste freelance, animatrice et conceptrice de programmes télévisés de formation. J’ai appartenu à plusieurs chaînes TV au Sénégal et au Gabon, pour les préparations et présentations des éditions JT et un magazine sur la société, ainsi que pour des ateliers de "Média Training" : formation sur plateau TV de futurs animateurs de télévision. Après avoir évolué à Madagascar et en Afrique francophone pendant plusieurs années, je réside aujourd’hui en Afrique du Sud.

Racontez-nous votre parcours.

Je suis née à Saint Denis, d’une famille très nombreuse. J’ai aujourd’hui deux enfants, qui ont encore leur arrière grand-mère, qui elle, vit à la Plaine-des-Palmistes. Le parcours professionnel de mes parents m’a amené à arriver à Madagascar et à intégrer l’école primaire française d’Antananarivo. Cela a fait de moi une fille de deux îles, de sang et d’origine réunionnaise. Mais mon coeur est séparé entre le battement du maloya et les percussions traditionnelles malgaches et leurs chants a capela.

Que reste-t-il de la Réunion en vous ?

Ma mère est restée très proche de l’île Bourbon et m’a transmis bien des traditions, les expressions et métaphores créoles, la cuisine et ses épices, le séga et le pas du maloya. Elle m’a aussi léguée la possibilité de garder un oeil curieux sur mon île. En effet, ma mère a toujours transporté avec elle cette collection de volumes rouges sur l’histoire et la culture de l’île de la Réunion, rangés à côté des ouvrages précieux de cuisine traditionnelle. A Madagascar, à la maison, elle a toujours réuni au cours d’après midi mémorables, amis et proches, la marmite en fonte sur le feu de bois, et les senteurs du boucané dans le jardin. On passait des heures depuis le matin, à préparer le ti-jaques ou les bonbons piments. Plus tard, j’ai découvert le lien qui relie Madagascar et La Réunion, à travers l’histoire qui se tait souvent.


Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Je vis en Afrique du Sud, à Cape Town. C’est une ville sûre, comparée par exemple à Johannesburg ou Pretoria. Elle bénéficie d’une situation géographique unique, avec des littoraux renversants. C’est une ville très dynamique, jeune, où il fait bon vivre. Le coût de la vie pour un européen y sera très abordable. A deux heures vous pouvez avoir accès aux "big five" en safari. Le ciel est ouvert et plusieurs compagnies aériennes low cost proposent de nombreuses destinations. Mais Cape Town est un miroir déformant de la réalité de l’Afrique du Sud.

Qu’entendez-vous par là ?

En ne voyant que ce visage vous n’imaginez pas la réalité des discriminations raciales encore violentes, les town ships sans fin où vivent des millions de sud-africains. Je suis reconnaissante d’avoir l’opportunité de vivre ici. Je salue chaque jour ce pays qui il y a à peine vingt ans était sous apartheid, mais je garde comme essentiel de ne pas omettre les réalités.

Quels sont vos projets ?

Je suis engagée dans plusieurs associations qui agissent à Madagascar. Je suis Rotarienne et aussi membre d’une association qui oeuvre pour la diversité et la francophonie, basée à Paris. Au delà de ces passions, mon objectif reste de partager mon savoir, de déclencher des réflexions, et de montrer dans les médias des sociétés civiles et des jeunesses qui pensent, se remettent en question, et proposent.


Quels ont été les avantages / inconvénients de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Je suis expatriée depuis mon plus jeune âge. Etre à l’étranger ou l’étranger est une habitude pour moi. Etre française l’Océan Indien m’a apporté une force : celle de révéler le vivre ensemble, devant ce que la politique française pose comme conditions à la société. Les questions de tolérance, de religions diverses et de leur code dans l’espace public par exemple, ne se posent pas à la Réunion, qui a beaucoup à apprendre à la France métropolitaine. Encore trop peu de travail se fait sur la spécificité des îles restées françaises, avec une identité multiple et des besoins propres. Cette histoire n’est pas suffisamment enseignée, cette singularité insulaire est ignorée ou "vendue" plus en atout publicitaire qu’en pensée. L’inconvénient est peut-être d’être ni blanche ni noire, et selon les terres et les codes, de ne pas vraiment être identifiée. Mais cela reste superficiel.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Souvent en Afrique les gens ne connaissent pas ou peu l’île de la Réunion. On doit se référer géographiquement à l’île Maurice, mieux connue. Au Cap, ils ne connaissent pas grand chose de notre petite île pourtant si proche ! La seule chose qu’ils savent, c’est que eux ont développé une politique de protection des requins et des surfeurs qui fonctionne, contrairement à la Réunion, qui selon eux, ne va pas jusqu’au bout pour parvenir à de meilleurs résultats.

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Ce qui manque le plus de l’île de la Réunion, c’est son intensité. Celle de la hauteur de ses cascades, de la profondeur des regards, des hauts de l’île, de ses paysages renversants, de son rouge lave qui entre dans l’océan, de l’encens et des lieux pieux priés de tous. La Dodo et les sandwichs aux bouchons aussi !


Que ramenez-vous de vos vacances sur l’île ?

Je ramène du piment, des T Shirts ou des sacs de la marque Pardon que souvent les étrangers adorent. J’ai aussi le drapeau de l’île, qui est arboré fièrement dans mon salon. Ecouter Freedom ou d’autres stations de musiques locales sur ma tablette reste un must ! Les réseaux sociaux me permettent de rester reliée à la Réunion, les forums, l’humour, restent de beaux lieux de rendez-vous quand on est loin.

Quel est votre regard sur la situation sur l’île ?

Je souffre de voir les monopoles dans les seules industries ou secteurs économiques forts de l’île, l’échec scolaire qui met nos enfants dans la rue, une difficulté à être à la fois créole et français, sûrement due à un manque de considération de l’histoire et des traditions. Le coût de la vie ne permet pas de rattraper le gap entre les classes, et les fossés qui se creusent sans que les politiques ne parviennent à atteindre les objectifs attendus de la société.

Que pensez-vous du site reunionnaisdumonde.com ?

J’ai connu le site car je me renseignais sur Google au sujet d’autres personnes issues de la Réunion portant mon nom de famille, et je suis arrivée sur le profil de Marie-Pierre Cologon, que j’ai été ravie de découvrir via votre article ! Je trouve le site Réunionnais du monde très attractif, dynamique, intéressant, interactif. J’apprécie la ligne éditoriale, les choix de sujets et leur pertinence. Joindre l’information et l’emploi est aussi appréciable.

Voir le profil de Erika Cologon Hajaji / Plus d’infos & portraits Media


L’amour de Madagascar.

Après plus de vingt années à Madagasikara, il est aisé d’exprimer un attachement sans faille envers l’île Continent. Bercée par les accordéons du Palais d’Ambohimanga, la montagne bleue, éveillée aux sens par les senteurs d’Ylang Ylang à Nosy be, enfant du Manjakamiadana, d’années en années les traditions telles que le Famadihana ou toutes les occasions familiales partagées et nombreuses au pays, il est impossible de ne pas penser "argile" quand le vert intense des rizière est témoin des plus jeunes années et des suivantes...

Madagasikara est une merveilleuse obsession, elle mérite infiniment tout l’amour que l’on peut lui porter, elle porte en elle un peuple fier et courageux, une culture diversifiée, des chants du Hira gasy, vers les kabary, de l’afindrafindrao envoutant jusqu’au moraingy, un voyage qui ne se fait jamais en un seul. A Madagasikara il faut toujours revenir, toujours venir, toujours redécouvrir, et aimer toujours plus.

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