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Florent Éléléara : reconversion réussie d’un sportif pro

Publié le 12 décembre 2022

Joueur professionnel pendant 12 ans, l’ex-basketteur réunionnais n’a jamais arrêté ses études de toute sa carrière. Devenu kiné et préparateur physique, il a travaillé 2 ans au club de foot de l’AS Monaco, avant de rentrer vivre en Allemagne, à côté de la frontière française, et de créer une marque de vêtements identitaire à destination des Réunionnais : Kréopo. Florent Éléléara nous raconte sa carrière et ses projets, où son île natale n’est jamais très loin...


Pouvez-vous vous présenter ?

Florent Éléléara, 43 ans. Père de famille, je suis un homme heureux. Je suis originaire du Tampon et mes parents étaient aides-soignants. Basketteur professionnel entre 1997 et 2009, j’ai commencé ma reconversion vers la fin de ma carrière sportive. De formation, je suis titulaire d’un master en sciences du sport, et aussi diplômé en école de kiné. Actuellement, j’exerce à mon compte en tant que masseur-kinésithérapeute et consultant en préparation physique.

Comment est arrivé le sport dans votre vie ?

Foot, basket, hand... Durant mon enfance, j’ai tout essayé. J’ai grandi avec les exploits de Michael Jordan au début des années 90. A la Réunion, j’étais toujours dehors, à jouer et c’est ainsi que j’ai marqué mes premiers paniers, tout en continuant à jouer au foot. Le sport est devenu un objectif pour moi, devenir professionnel. Un moyen de réussir dans la vie.


Dans quelles conditions avez-vous quitté l’île ?

J’ai quitté la Réunion en 1995, peu avant mes 16 ans, dans d’excellentes conditions puisque j’étais jeune sportif de haut-niveau en basket-ball. Je suis parti pour vivre mon rêve, celui de devenir basketteur professionnel, avec le soutien à distance de ma famille à la Réunion et de tout le basket réunionnais. Après l’INSEP et le centre de formation de Dijon, j’ai réussi à vivre de ma passion pendant 12 ans. J’ai découvert la France à travers différents clubs : Dijon, Châlons-enChampagne, Mulhouse, Beauvais, Besançon, Périgueux…

Avez-vous quelques anecdotes de sportif « kréopolitain » ?

Avec tout ce temps, j’ai beaucoup d’anecdotes… mais j’en retiendrai une qui me fait toujours sourire. Lors des premiers temps en France, j’avais encore un bon langage créole ! Je demande alors à mon responsable de club : « pouvez-vous m’araler au gabier s’il vous plaît ? » Il me regarde tout étonné, dans l’incompréhension totale, et me demande de répéter. Et je lui dis : « rale-moi au gabier, il faut que je tire d’l’argent ! »… j’étais persuadé à 100% de bien m’exprimer en français !


Quel bilan tirez-vous de ces 12 ans de carrière professionnelle ?

En tant qu’ancien meneur de Dijon, Chalons ou Boulazac, j’ai eu la carrière dont je rêvais. J’ai été l’un des premiers Réunionnais à devenir pro dans le basket, tout en sachant que cette vie-là ne serait pas éternelle. D’où une réflexion dans les années 2000 afin de préparer une transition heureuse. J’ai toujours pensé que le passage de joueur connu à personnage lambda ne serait pas simple. Heureusement, je m’étais investi dans le Syndicat national des basketteurs. J’avais même écrit un mémoire sur la reconversion. Les anciens me disaient : il vaut mieux choisir ta fin de carrière plutôt que de la subir. Ils n’avaient pas tort.

Comment avez-vous fait ?

Ayant toujours poursuivi mes études durant ma carrière, lorsque je me suis retiré des parquets en 2010 après une dernière saison en Alsace, j’avais un plan en tête. Déjà diplômé en préparation physique, je me suis lancé dans une formation de masseur-kinésithérapeute. Pari gagnant… Après avoir officié en tant que kiné quelques temps dans un cabinet à Strasbourg, j’ai été recruté au sein de l’AS Monaco Football. Ils cherchaient un kiné qui puisse en même temps faire de la réathlétisation. Leur médecin avait déjà entendu parler de moi et m’a contacté. Le timing de cette proposition concordait très bien et j’ai choisi de rejoindre le Rocher. 70% de mon travail se passait avec l’académie, 30 % avec le groupe professionnel. J’ai adoré le monde du foot professionnel. On travaille vraiment bien. Et comme en plus, durant mon passage de deux ans au club, l’ASM a décroché le titre de champion de France (2017), c’était vraiment princier !


Et ensuite ?

De retour en Allemagne, j’ai accepté la proposition des voisins strasbourgeois de la SIG Basket. Durant la saison 2019/2020, j’ai été préparateur physique d’une grosse écurie de Pro-A, tout en gardant des liens très forts avec mon île. En 2019, j’ai dirigé la sélection masculine de La Réunion aux Jeux des Îles à Maurice. Là où je suis c’est particulier. Je vis en Allemagne dans une petite ville à la frontière franco-allemande, qui appartient à l’agglomération strasbourgeoise. C’est très enrichissant de se retrouver parmi une population qui parle à la fois français et allemand, et qui a les deux cultures. Des familles viennent de partout pour vivre ici et apprécier ce contexte si particulier. De plus, nous sommes à la fois dans une grande ville et très rapidement en pleine nature avec la Forêt Noire par exemple.

Que vous a apporté l’expérience de la mobilité ?

Elle m’a permis de découvrir beaucoup de choses : des rencontres, des voyages, des opportunités, des amitiés, ma femme, d’autres cultures et histoires, des réussites et aussi des échecs… c’est une expérience indescriptible qu’il faut vivre ! Chacun le vit à sa manière dans son parcours de vie, mais pour cela, il faut « bouger » ! D’ailleurs, c’est à la suite de cette mobilité et de mon parcours de vie qu’a germé l’idée de ma marque de vêtements lifestyle et streetwear, KRÉOPO, à destination des Kréopolitains. Mon identité, elle est commune à beaucoup d’autres comme moi : c’est celle d’un Réunionnais qui quitte La Réunion pour essayer de réussir sa vie privée et/ou professionnelle hors de son île. Chaque collection de Kréopo est empreinte d’explorations et d’aptitudes riches et propres aux Réunionnais. C’est une force identitaire qui nous colle à la peau et que j’ai à cœur de communiquer lorsque je conçois un design.


Aujourd’hui quels sont vos projets ?

J’en ai quelques uns , mais mon projet principal reste ma vie de famille. Mon second projet est le lancement d’une marque identitaire et éthique afin de commercialiser des vêtements lifestyle et streetwear plus adaptés à notre mode de vie hors de La Réunion. KREOPO’ est à son commencement et a pour rêve d’offrir à des néo-kréopolitains (sportifs ou non) d’avoir des vêtements d’hiver pour affronter le froid. L’idée est aussi de proposer une marque éthique avec des vêtements en coton bio et/ou recyclés produits en circuit court. Car l’éthique est une valeur que l’on retrouve au cœur des Réunionnais. Ainsi, je suis persuadé que beaucoup de mes compatriotes se reconnaîtront et se retrouveront dans les différentes collections et afficheront fièrement nos couleurs. Donc, toute aide, conseil, proposition ou partenariat sont les bienvenus.

Quels ont été les avantages et inconvénients de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Le fait de venir de la Réunion a eu des avantages et des inconvénients dans ma vie. Les principaux avantages étaient l’acceptation et la tolérance vis-à-vis des autres. Nous sommes à La Réunion un mélange de cultures, de coutumes, de religion et d’ethnies. Grandir avec cette particularité m’a permis de m’adapter à différents milieux (ethniques, religieux, communautaires et sociaux…) et de m’intégrer dans plusieurs environnements, tout en ayant pas ou peu de préjugés, ceci en gardant ma convivialité de réunionnais !


Les inconvénients, ce sont le négativisme et le manque d’ambition du « p’tit créole ». Nous avons, beaucoup de réunionnais, cette fameuse tendance à nous sous-estimer et du coup à manquer d’ambition. Du fait de l’histoire de notre île et de la colonisation, cette façon de penser est restée ancrée dans nos esprits. Cette mentalité, certains la transmettre aux autres (râle lo kèr su do’moun). Nous accordons le succès aux autres mais pensons que nous ne sommes pas capables de réussir. J’ai eu cette mentalité en moi, mais j’ai su la transformer en motivation et j’essaie encore aujourd’hui d’aider au mieux d’autres réunionnais à avoir des rêves et des grandes ambitions.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Le contexte n’est pas facile, mais il est important de préciser qu’il y a eu un bon dynamisme et un bon développement ces dernières décennies. Mais ce n’est pas assez suffisant par rapport à ce qui se passe en métropole. Il reste beaucoup de choses à réaliser, nous devons être meilleur selon moi sur l’éducation et la formation. Grâce aux nouveaux moyens de communication, nous pouvons mieux nous former et éduquer autrement nos jeunes. Par la suite, les opportunités découleront dans les domaines de l’entreprenariat et de l’innovation. Ce serait magnifique de constater un jour que les Réunionnais sont plus des créateurs et innovateurs que des consommateurs d’internet par exemple !


Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Lorsque que j’ai su que je quittais La Réunion définitivement, j’avais dans ma valise beaucoup d’objets locaux et de valeur. Finalement, beaucoup ont été consommés et perdus et il n’en reste aujourd’hui qu’un seul qui ne me quitte pas : ma roche volcanique. « Ce galet volcan-là » i représente beaucoup po moin ! La Réunion me manque, la convivialité, l’accueil et la gentillesse des gens. Ici la Réunion a l’image d’une île montagneuse où on peut faire beaucoup de randonnées (les Allemands adorent la nature et les randonnées !), où il y a un volcan en activité et où on mange bien !

Un dernier message ?

Lorsque j’avais 13 ans, on me disait qu’aucun Réunionnais n’avait réussi à faire une carrière professionnelle en basket, « tu ne réussiras pas à vivre dans le froid », et encore pleins d’autres phrases qui essaient de tirer vers le bas. Aujourd’hui, 30 ans plus tard, je suis toujours en Europe, j’ai réussi certaines choses et je réussirai d’autres rêves ou projets. Mais je ne serais pas arrivé là si je n’avais pas eu le soutien de ma famille, de ma femme et de mes amis qui m’ont aidé à réaliser mes rêves, ainsi que les encouragements du basket réunionnais. Je remercie aussi toutes les personnes qui me soutiennent au quotidien dans l’aventure KRÉOPO, qui partagent la vision que j’ai eu et qui participent à sa renommée. Merci pour vos retours et vos encouragements sur les réseaux sociaux. Cette marque n’est pas la mienne, elle est à vous, les Kréopolitains.


+ d’infos sur : www.kreopo.com / www.facebook.com/VieDeKreopo / www.instagram.com/kreopo

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