François Mélade : interview spéciale retour à la Réunion
Après 25 ans d’expérience dans la restauration, il rentre à la Réunion et lance une boutique en ligne de produits artisanaux : coffrets, traiteur, épices, rhums et produits du terroir déclinables en plusieurs formats. François nous raconte un parcours semé d’embûches où il n’a jamais perdu de vue son île.
Pouvez-vous vous présenter ?
Autodidacte et entrepreneur dans l’âme, je m’appelle François Mélade, 47 ans. Je suis né à Saint André mais j’ai passé une grande partie de mon enfance à Aix en Provence. Suite au décès de mon père, j’ai quitté la Réunion à l’âge de 3 ans avec ma maman et mes frères et sœurs. Nous nous sommes installés à Marseille, puis à Aix en Provence. J’ai très peu de souvenirs de cette période mais je sais que je me suis vite adapté à mon nouveau style de vie. Par la suite, j ’ai pu parcourir l’Europe et pas mal voyagé aussi bien à titre professionnel que personnel. Après plusieurs aller-retours de vie entre la Réunion et la Métropole, je réside à la Réunion et fais régulièrement mon retour en métropole pour y développer ma nouvelle activité professionnelle.
Quel a été votre parcours professionnel ?
J’ai plus de 25 ans d’expérience dans la restauration. J’ai dirigé plusieurs établissements, traiteurs, brasserie et restaurants semi-gastronomiques. La Réunion a toujours eu une influence dans mes plats. Le dernier établissement que j’ai dirigé en métropole a été le "rêve de ma vie" : une pure création, deux ans de travaux et plus de 800 000€ investis, un établissement de 18 salariés, chic et élégant avec une cuisine variée et raffinée, une vue d’exception sur la Méditerranée… Au dire de mes clients, j’avais un des plus beaux établissements sur la côte Bleue. Grâce à cet établissement j’ai pu faire briller la Réunion dans les assiettes.
- La famille à Aix
Je gagnais très bien ma vie et me disais que dans quelque temps, cet outil de travail, cet établissement créé avec amour et passion serait mon investissement pour mon demain à la Réunion ! C’est comme ça que je voyais mon retour à la Réunion, une vie posée à profiter des belles choses. Malheureusement la vie en a voulu autrement. Du jour au lendemain : emballement administratif, mené par des personnes de pouvoirs en local. J’ai tout perdu du jour au lendemain… Une descente aux enfers à suivi pendant trois ans. J’ai beaucoup perdu à ce moment-là dans ma vie : décès de ma maman, divorce, surendettement, huissiers...
Qu’avez-vous fait ?
Ainsi étant tombé au plus bas, j’ai décidé de me reconstruire et de prendre un nouveau départ en 2017 là où j’ai vu le jour, à la Réunion. Je revenais déjà très régulièrement sur l’île avec ma fille afin de qu’elle connaisse une partie de ses origines. J’ai toujours pensé au plus profond de moi "qu’un jour " je reviendrais vivre sur mon île. J’ai toujours été ancré par mes racines, la culture et l’histoire de la Réunion.
Décrivez-nous votre état d’esprit à l’atterrissage à Gillot.
J’avais un objectif mais aussi beaucoup de stress et de doutes. Tout laisser derrière soi n’est pas simple, surtout pour les amis et la famille. Toute ma famille se trouve encore en métropole. Mais malgré la crainte, je ressentais une forme de soulagement et me disais qu’une nouvelle page allait se dessiner ici.
Avez-vous eu des difficultés à vous réinstaller ?
Dès mon arrivée, j’ai repris un établissement du côté de St Denis. Avec du recul, j’ai voulu un peu trop faire un « copié/collé » de ce que j’avais entrepris en métropole. Cela n’a pas fonctionné, et administrativement des relents du passé m’ont poursuivi ; j’ai donc jeté l’éponge. Je n’avais plus un sou. Je remercie la vie car j’ai rencontré ma compagne Sandrine avec qui je vis actuellement et sans qui je pense, je serais à nouveau rentré en Métropole. Elle m’a beaucoup soutenu et aidé aussi bien moralement que financièrement afin que je puisse à nouveau "respirer" . Aujourd’hui nous formons une famille recomposée de ses deux enfants et de ma fille.
Dans quel état avez-vous trouvé le marché du travail en rentrant ?
Je pensais que ma carrière et mon expérience professionnelle seraient un "plus" mais cela n’a pas été le cas. Beaucoup d’entreprises où j’ai postulé ne m’ont pas appelé pour diverses raisons : trop âgé, ou trop d’expériences, mon profil pouvait faire "peur". Alors j’ai mis mon égo de côté et fait des petits boulots en intérim : magasinier, facteur, serveur, plongeur dans des restaurants...
- Rencontre avec "Mémé Rivière", exploitant de la Maison du curcuma à la Plaine des Grègues
En 2020, j’ai créé avec mon associé Kévin, le projet de ma vie : Melga - Produits Fièrement Réunionnais. Nous proposons un large panel de produits, épices, charcuterie, tapas, produits d’épicerie fine, avec une livraison en France Métropolitaine, mais aussi en local autour d’Aix en Provence. Nous allons prochainement débuter des collaborations avec des restaurateurs. Notre but est de promouvoir l’artisanat local, de mettre en avant le savoir-faire réunionnais et la richesse de notre île. En parallèle, étant toujours un amoureux de la cuisine, je propose également mes services en tant que chef à domicile à la Réunion mais aussi en Métropole quand j’y suis.
Quels sont vos projets ?
Faire connaître davantage Melga, faire rayonner la Réunion en métropole et pourquoi pas en Europe dans les années à venir. Mettre en valeur nos traditions et l’artisanat local. Je rencontre de nombreux agriculteurs et artisans en arpentant l’ile de part en part. Dans les deux ans à venir nous souhaitons nous spécialiser sur la transformation de fruits. A titre personnel, j’ai aussi le projet d’accompagner les personnes et les créateurs d’entreprise en termes de "coaching".
Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre retour ?
D’abord vivre en métropole et voir ce qu’il se passe dans le reste du monde m’a beaucoup servi. Dans l’ensemble le bilan de mon retour est positif sans aucun problèmes : les paysages, le savoir vivre ensemble en général restent les valeurs de la Réunion. Je suis moins stressé depuis que je vis ici. J’ai appris à prendre le temps et j’apprécie chaque jour la beauté de l’île où que je sois. J’étais en quête de réussite ; aujourd’hui je suis en quête d’épanouissement personnel et je me rapproche de ce but un peu plus tous les jours avec ma nouvelle entreprise Melga.
Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaitent entrer sur l’île ?
Écoutez votre cœur, écoutez vous. Si vous avez cette petite voix qui vous parle alors faites le ! Pas dans la précipitation mais avec de la réflexion. Renseignez vous bien auprès de vos proches. Postulez aux offres d’emplois avant de venir, histoire d’avoir une idée de la valeur de votre profil sur le marché...
Qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?
Aujourd’hui tout va vite ici. Les moyens technologiques et la vie économique n’ont plus rien à envier à la métropole. L’influence hexagonale est de plus en plus importante. Je vois beaucoup de jeunes Réunionnais qui, quelque part, perdent un peu de leur identité. J’aimerais que nous conservions notre authenticité...
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