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Georges Ah-Tiane, 50 ans, agent de maîtrise France Télécom à Marseille

Publié le 17 décembre 2005

Lorsque le président de l’association Ker Volkan à Marseille prend la parole, il n’a pas la langue dans sa poche. Après 30 ans de vie métropolitaine, Georges Ah-Tiane garde un lien passionné avec son île... et un regard sans concession. Georges participera au 1er village de la diaspora réunionnaise du 14 au 16 octobre 2009 à Saint-Denis.

Georges Ah-Tiane

Racontez-nous votre histoire.

"Je suis originaire de Saint-Denis, de parents petits commerçants. Je suis parti suivre des études à Paris en 73 (un BTS), hébergé chez mon Oncle et Tante. Toute ma famille est venue s’y installer ensuite en 75. A l’époque, la Métropole était à mes yeux très attractive. Elle symbolisait tout ce qu’on percevait à travers la télé et les magazines. C’était l’ouverture sur l’Europe, la mode vestimentaire, l’accès aux nouveautés en temps réel (musique, biens d’équipements), les grandes manifestations et monuments historiques, sans oublier bien sûr l’hiver enneigé. À ce sujet, je n’ai appris à aimer les montagnes et le ski qu’au bout de 20 ans ! J’ai effectué 10 ans à Paris et je réside à Marseille depuis 1983, où je travaille pour France Télécom".

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"Tout ce qu’elle peut produire de bon : l’ambiance de fête, les rituels, la musique peï, les fruits, le regard des gens... Comme mes parents tenaient un restaurant créole à Paris, je n’ai pas trop manqué de bons caris et autres bouchons".

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"J’ai été confronté à quelques réalités de masses en Métropole (pluri-culturalité, moins d’inégalités, plus d’indépendance personnelle). Cela m’a amené à une quête identitaire et avoir un autre regard sur la Réunion et moi-même".

Georges Ah-Tiane

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"Plutôt critique. Malgré le dynamisme des Réunionnais(es) à entreprendre (services, tourisme, NTIC), la situation n’est pas saine. A mon sens, l’économie est largement subventionnée et l’action sociale se résume bien souvent à la stigmatisation de l’aide et des dispositifs métropolitains dans un contexte politicien. En quelque sorte on est en présence d’un espace politique et économique qui gère techniquement de l’argent public et de surcroît, ne tient pas compte du rattrapage et des réparations culturelles à effectuer auprès des plus démunis.
En quelques décennies, les populations défavorisées et vulnérables ont basculé d’une situation infériorisante par rapport à une culture française dominante, à un mode de vie ultra consommateur et frustrant en forme de réponse à un certain déballage de richesses venant de catégories plus aisées : c’est tendu et explosif ! Je n’ai rien contre ces dernières, mais il est temps de penser autrement et je le répète, je fais confiance à l’intelligence et au dynamisme réunionnais".

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"En tant qu’acteur dans le milieu associatif depuis 1989, j’ai des contacts multiples avec des Réunionnais de différents horizons. Il y a un vif plaisir à se retrouver autour d’un bon cari en jouant du maloya et séga en hiver comme en été. Ce qu’il y a de commun dans nos discussions c’est bien sûr, nos traditions, notre culture et aussi nos difficultés quotidiennes".

Quelles sont vos difficultés en tant que Réunionnais en métropole ?

"On sent parfois un léger racisme de couleur et culturel de certains Métropolitains vis à vis de nous (on m’a même demandé au début s’il y avait des cannibales et animaux féroces à la Réunion). Le fait aussi qu’on nous cantonne à un rôle folklorique d’« oiseaux des îles » est un peu pénible, mais dans l’ensemble les relations professionnelles sont très correctes".

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

"Bonne, beaucoup de Marseillais connaissent ou ont un lien avec la Réunion qui présente une image très attractive, encore un peu mystérieuse pour les autres qui ont très envie de la découvrir".

Quels sont les conseils que vous donneriez aux jeunes Réunionnais ?

"Je les encourage à partir de la Réunion et de vivre intensément d’autres expériences, mais dans de bonnes conditions : il faut bien préparer son installation et ne pas être contraint de partir brusquement, comme cela se passe parfois".

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