Publicité

Hanifah Locate, étudiante à l’ESSEC à Paris

Publié le 8 mai 2012

Originaire de Saint-Denis, Hanifah a quitté l’île à 18 ans pour un long parcours de mobilité qui l’a déjà conduit à Hong Kong, Budapest, Barcelone... A 25 ans, après cinq stages en entreprises, elle termine ses études à l’ESSEC, prestigieuse école de commerce parisienne.

Hanifah Locate
Wanchai, Hong-Kong en 2009

Racontez-nous votre parcours.

Je suis née et j’ai grandi à Saint-Denis, ville à laquelle je reste très attachée. En 1998, alors agée de 11 ans, j’ai fait un voyage à Paris avec mes parents et mon frère. J’en garde un souvenir savoureux. A mon retour, je leur ai dit que c’est dans cette ville que je comptais vivre ! J’ai eu un véritable coup de cœur pour Paris. C’est donc tout naturellement qu’à 18 ans, le bac en poche, je m’y suis installée pour les études.

Qu’avez-vous fait ?

Après un Baccalauréat ES Option Math obtenu avec la mention très bien et les félicitations du jury en 2005, j’ai quitté la Réunion et rejoint une classe préparatoire littéraire au lycée Hélène Boucher à Paris. Je garde de cette Khâgne Option Géographie, un excellent souvenir. Des stéréotypes demeurent souvent au sujet de la prépa et freinent des jeunes qui aimeraient tenter l’expérience. Je tiens à dire,que c’est pourtant une formidable formation et que pendant deux ans, chaque cours fut un véritable plaisir. J’y ai rencontré aussi des personnes venant de tous horizons géographiques, culturels et sociaux. La prépa reste une expérience structurante et enrichissante.

Et ensuite ?

J’ai intégré l’ESSEC, une école de commerce parisienne sur concours en 2007. Ce parcours a finalement été très complémentaire de l’apport théorique de la prépa. Car en prime des cours classiques que sont la finance, la gestion ou l’économie, la formation laisse une large place aux stages en entreprises et aux expériences internationales. J’ai donc pu réaliser cinq stages, soit plus de deux ans en entreprise dont deux expériences internationales. J’ai passé trois mois à Hong-Kong dans une entreprise industrielle et plus récemment trois mois à Budapest en Hongrie, à la Mission Economique rattachée à l’Ambassade de France. Je garde un excellent souvenir de ces deux expériences internationales, qui je crois m’ont profondément transformées. Elles m’ont donné le goût des voyages et renforcé la curiosité pour les autres cultures, que comme tout Réunionnais du Monde, j’avais déjà un peu en moi.

Quelle orientation avez-vous donné à votre carrière professionnelle ?

A l’ESSEC, je me suis spécialisée sur les questions de gouvernance publique, d’aménagement, et de partenariats publics-privés, en suivant les cours proposés par la Chaire d’Economie Urbaine de l’Ecole. Cette spécialisation très intéressante m’a notamment permis de réalisé de nombreux projets appliqués sur des thèmes tels que le Grand Paris, ainsi que des voyages d’études aux Emirats Arabes Unis et à Nice. Je viens de finir un stage de fin d’étude, au siège de Suez Environnement et qui fut lui aussi très riche.
L’école restera une expérience humaine aussi car c’est un creuset de talents et de personnalités. De rencontres nouées autour de travaux de groupe ou lors des séminaires sont nées de magnifiques amitiés.

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Je termine l’ESSEC dans quelque moisCommencera ensuite une autre aventure, celle de la vie professionnelle… Je souhaite continuer à travailler dans la sphère publique privée. Je me destine donc à une carrière dans le conseil au secteur public.

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Elle m’a changée, fait grandir et gagner en maturité. C’est un apprentissage accéléré de la vie. Je pense que tout jeune Réunionnais peut gagner à connaître une autre réalité que la sienne, à rencontrer des jeunes d’autres pays… Les voyages forment la jeunesse. Cet adage est bien vrai. J’ajouterai que quitter la Réunion vous fait aussi prendre conscience de ses spécificités. La notion de « petit paradis » est relative. Elle émerge toujours par rapport à autre chose.
J’ai compris à posteriori que pendant 18 ans j’avais vécu dans un climat idéal uniquement lors de mon premier hiver à Paris ! Aussi longtemps que j’y étais, cela me paraissait naturel d’avoir le soleil presque tous les jours.

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

La famille, évidemment. Bien heureusement, il y a les appels, les webcams, et tous les autres moyens de télécommunication que nous offre la vie moderne et que les précurseurs de la mobilité, n’ont malheureusement pas eus, ce qui rendait les expériences plus déchirantes. Je communique énormément avec mes parents, mes grands-parents, mon frère. Maintenir cette proximité au moins affective pour se raconter ses journées à l’Ecole, ses rencontres et aussi les joies de la vie parisienne participe de mon équilibre parisien. La vue de la mer, me manque aussi parfois. La sérénité qu’impose sa vue.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

Comme beaucoup de Réunionnais je m’inquiète de problèmes socio-économiques. En particulier le pouvoir d’achat trop faible des ménages et des prix trop élevés. L’autre défi à relever pour l’Île est celui de l’emploi. J’espère qu’on trouvera les ressorts économiques et industriels pour générer des emplois nombreux et qualifiés afin d’offrir une perspective à tous les jeunes Réunionnais qui font le pari de la formation et parfois de la mobilité.

Ces inquiétudes entament-elles votre optimisme ?

Si la Réunion a des défis économiques importants à relever, elle peut compter sur sa jeunesse, son dynamisme et surtout ses richesses culturelles. Notre histoire a fait de nous un laboratoire du monde et de la mondialisation culturelle qui progresse aujourd’hui. Elle est aussi le témoin d’un vivre-ensemble réussi et la preuve qu’entre assimilation culturelle et multiculturalisme, un modèle fait d’équilibre peut être construit en parfaite harmonie avec les principes républicains. Je ne dis pas que notre expérience est généralisable et que le schéma historique peut être calqué en toute circonstance. Mais je suis convaincue que la Réunion a un message à porter à la France et au monde, qui peut éteindre des peurs stériles et enrichir le débat.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Je dirai que dans mon parcours académique, venir de la Réunion ne m’a pas handicapée, ni favorisée. Dans le système des concours, il y a une stricte égalité entre les candidats. Par la suite, dans mes recherches de stages, cela a été plutôt neutre aussi. En revanche, dans mon parcours de vie, cela m’a aidée. Notre expérience du vivre ensemble rend les jeunes Réunionnais ouverts au monde et aux différences. J’ai donc été aussi à l’aise à Hong-Kong qu’à Budapest. Cela donne aussi un souffle et une énergie, car l’on est fier de porter loin les couleurs de notre île. Vivre loin de sa famille, cela peut parfois freiner certains dans leur parcours. Le soutien indéfectible des miens a évité que j’en souffre

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Oui j’ai la chance d’avoir une partie de ma famille à Paris. Avec mes oncles, nous recréons l’ambiance des déjeuners dominicaux autour d’un bon repas créole ou indien. C’est aussi l’occasion de parler de la Réunion, de son actualité politique ou économique.
J’ai aussi des amis réunionnais qui vivent à Paris, notamment ma meilleure amie depuis le collège ! Nous nous voyons régulièrement.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

L’image est plutôt bonne à Paris, elle s’est améliorée sensiblement. Il y a sept ans lorsque je suis arrivée, j’étais sidérée de croiser quelques personnes qui situaient la Réunion dans les Antilles ou s’étonnaient de ma maîtrise du français. Cela ne s’est heureusement plus reproduit. Désormais lorsque je parle de la Réunion on m’évoque sa richesse culturelle et l’harmonie qui règne entre les religions. Ce qui me frappe aussi souvent, c’est le côté tentaculaire de notre diaspora ! Des Réunionnais j’en ai croisés partout. Par ailleurs, quand je rencontrais une personne qui n’était a priori pas réunionnaise elle-même, que ce soit à Barcelone, Budapest ou Bruxelles, elle avait systématique une attache avec l’île. Ca fait toujours plaisir !

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses
habitants ?

Un regard amoureux car j’aime Paris. C’est une grande ville, certes, mais on peut y vivre à l’échelle de son quartier, y développer une vie locale et s’y attacher. Concernant les Parisiens, s’ils paraissent parfois un peu rugueux et froids au premier abord, cette première impression est vite démentie. Les relations sont moins superficielles que dans d’autres villes mondiales. A Paris l’amitié se construit lentement mais durablement.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Je leur dirai de ne pas craindre d’être ambitieux ! Quand on est jeune il faut oser, à La Réunion ou ailleurs, le monde est un terrain de jeu qui mérite d’être pratiqué… Faire des études, fonder son entreprise, se former ailleurs, peut importe ce qu’on rêve de faire, l’important est de croire en quelque chose et de se lancer.

D’autres parcours de Réunionnais dans les Grandes écoles

Publicité