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Houfrane Salim aux Comores : volontariat et coopération

Publié le 7 février 2023

« Je crois en ce nouvel espace géographique qui se dessine : l’Indianocéanie ». Convaincue de l’importance de la coopération régionale, cette Portoise travaille en tant que VSI auprès de l’antenne de la Région Réunion aux Comores et en appui au ministère des Affaires Etrangères. L’un des postes proposés par France Volontaires dans l’océan Indien, co-financé par la Région Réunion et par le programme européen Interreg V océan Indien.

Avec Juliette, une autre VSI réunionnaise, en balade au Mont Kartala, volcan des Comores

Pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour, je m’appelle Houfrane. Originaire de la ville du Port, j’ai vécu dans la Cité Messidor jusqu’à l’âge de 20 ans. Grâce au parcours européen que j’ai effectué au collège et au lycée, j’ai été initiée à la mobilité dès l’adolescence, en me rendant quelques semaines avec ma classe de collège en Allemagne. Après l’obtention de mon baccalauréat, j’ai poursuivi mes études supérieures en France hexagonale car la filière où je voulais étudier n’existait pas à l’époque à La Réunion. Consciente des nouveaux défis que doivent relever les régions ultrapériphériques européennes de l’océan Indien que sont La Réunion et Mayotte, et attachée à cette coopération régionale, j’ai obtenu en 2021 mon diplôme en Master Stratégies internationales et environnement des outre-mer à l’ILERI (Institut Libre d’Etudes des Relations Internationales).

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Depuis juin 2021, j’occupe un poste de Volontaire de Solidarité Internationale, avec France Volontaires, en tant que Chargée de Suivi et d’Animation du programme INTERREG V Océan Indien auprès de l’antenne de la Région Réunion et en appui au ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, chargée de la Diaspora en Union des Comores.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Bien que je sois issue d’une société multiculturelle, la mobilité m’a appris à travailler ma résilience, à être encore plus ouverte d’esprit et à accepter la culture et les croyances de l’autre. Les avantages de la mobilité c’est qu’on apprend à devenir autonome et mature très rapidement, mais par-dessus tout, à être « prudent » dans nos relations.

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Les inconvénients ? Personnellement, je l’ai plus vécu en France lorsque j’ai intégré une grande école à Paris. La majorité du temps, nous étions entre Réunionnais ; il fallait parfois forcer un peu pour s’intégrer. En Union des Comores, on se fond facilement à la population. Les locaux viennent vers nous, ils veulent faire notre connaissance et parfois de belles et longues amitiés sont nouées. En effet, de par notre habillement ou de notre mentalité, on remarque facilement si on est « Je viens » (comorien de la diaspora comorienne en court séjour en Union des Comores) ou « mzounguou » (personne de nationalité étrangère). Mais nous sommes tout de suite classée dans une catégorie. C’est parfois vexant, car on profite de nous financièrement par exemple au marché lorsque les vendeurs augmentent les prix si on ne maîtrise pas la monnaie locale. On peut observer également des difficultés en ce qui concerne la communication (voix et 4G), l’électricité, l’abonnement télévision (système à carte ou code en Union des Comores pour charger son forfait mensuellement). Notre adaptation est mise à rude épreuve dès notre arrivée. Mais avec le temps, on finit par trouver un équilibre et une routine adaptée au mode de vie en Union des Comores.

Quels sont vos projets ?

J’ai beaucoup de projets en tête, mais je vais essayer de me concentrer sur deux projets qui me tiennent à cœur. Le premier concerne le développement d’une association qui a pour but d’aider les jeunes femmes talentueuses et studieuses originaires du sud-ouest de l’océan Indien dans leur autonomisation financière. Plus particulièrement, celles qui viennent des Comores et de Madagascar où le PIB est faible comparé à La Réunion. Le second projet, c’est d’aider à travers divers actions les populations défavorisées des îles de la Lune à faire face aux changements climatiques déjà perceptibles et à ceux qui arrivent.
(L’archipel des Comores est appelé en arabe Jouzor al Kamar (جزر القمر), c’est-à-dire les « îles de la Lune »)

Quels sont les atouts des Comores selon vous ?

L’Union des Comores a un réel potentiel en termes d’exportation de produits de rente comme le girofle, la vanille et l’ylang-ylang, ce qui permettrait d’accroître sa relation avec ses pays voisins et de dynamiser davantage le bassin du sud-ouest de l’océan Indien. Les îles de l’archipel ont des similitudes géographiques avec La Réunion, mais aussi culturelles et historiques dû au métissage de la population comorienne majoritairement issue de l’Afrique de l’Est. Je crois en ce nouvel espace géographique qui se dessine : l’Indianocéanie. Cette construction se fera uniquement si nous continuons à travailler en collaboration avec les autres territoires du sud-ouest de l’océan Indien afin de favoriser le développement de la zone. D’où l’importance de maintenir cette coopération régionale dans l’océan Indien.

Quelle est l’image de La Réunion là où vous vivez ?

En Union des Comores, La Réunion n’est pas forcément vue comme un territoire français développé socio-économiquement. Par ailleurs, son statut de région ultrapériphérique européenne n’est pas encore ancré dans la mentalité de la population. Mais les perceptions commencent à changer grâce à la mobilité des étudiants et des cadres comoriens vers La Réunion.

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à La Réunion ?

L’employabilité des jeunes, le marché de l’emploi tout simplement, qu’il soit moins sélectif. Que La Réunion soit plus ouverte au monde et attire des investisseurs étrangers...

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de La Réunion ?

Comparé aux autres îles de la zone et par rapport à mon vécu, j’ai vu La Réunion évoluer rapidement, surtout en termes d’infrastructures, notamment le port industriel de l’île. C’est un point fort pour l’avenir socio-économique de la Réunion. La preuve, nous attirons beaucoup de personnes chaque année, les touristes étrangers qui arrivent à bord de grands navires de croisière ou nos compatriotes français qui quittent la France hexagonale pour s’installer à La Réunion. La Réunion se trouve à un carrefour maritime stratégique dans l’océan Indien. Maintenant, comparée à la France hexagonale, je trouve que l’île reste très timide, mais subtile en termes d’emplois pour les jeunes étudiants et diplômés. Ma mobilité avec France Volontaires illustre parfaitement la situation que je viens de décrire, et la mise en réseau pour faciliter ma réinsertion professionnelle à La Réunion lorsque je finirai ma mission de volontariat.

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Mes proches, les périodes de fêtes et ses défilés de voitures, de motos, les pique-niques au front de mer, à la darse du Port ou à la plage, la grande allée de cocotiers au Port, les feux d’artifices, entendre la musique chez mes voisins ou les disputes entre voisins (rires), le Grand Prix de la Ville du port du 1er mai (cyclisme) et d’autres manifestations culturelles et sportives, les parcs d’animaux, la nature et les beaux paysages, les superettes du coin et l’accueil chaleureux et familier des employés, prendre le Car Jaune, marcher dans la ville de Saint-Denis, du Port ou de Saint-Paul (les fêtes commerciales), le front de mer de Sainte-Marie, de Saint-Denis, de Saint-Paul et de Saint-Pierre, la nourriture (plats traditionnels, fruits exotiques , viennoiseries françaises et pâtisseries créoles…), mais par-dessus tout : les glaces L.G.M. ! Tout me manque en vrai, mon île n’a pas d’égale, elle est incomparable et irremplaçable !

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

En général, les objets que je ramène de La Réunion sont plus de la nourriture (sauce siave, sauce d’huître, bouchons, etc.). Mon stock se termine vite, alors j’essaie de trouver un fournisseur dans le coin. Mais s’il fallait déterminer un objet fétiche que j’ai toujours sur moi, ce sont les accessoires de plage (paniers, tapis…) sur lesquels sont inscrits « La Réunion » ou mes maillots de bain et bandeaux pour cheveux de la marque « L’Effet Péï ».

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Oui, il y a les Réunionnais qui vivent aux Comores (volontaires internationaux et expatriés) que je retrouve à des occasions et il y’a bien sûr mes proches avec qui j’entretiens une communication quotidienne via les réseaux sociaux.


Voir : LES OFFRES DE MISSION FRANCE VOLONTAIRE DANS L’OCEAN INDIEN

* Basé sur l’île, France Volontaires propose toute l’année des missions indemnisées de 12 à 24 mois en Afrique Australe et dans l’Océan Indien. Plus de 50 Volontaires de Solidarité Internationale originaires de La Réunion sont en permanence en mission dans des pays de la zone, en appui à des structures locales œuvrant pour la coopération régionale. Sur quels postes, dans quels pays et comment postuler ? Cliquez ici pour en savoir plus : De la Réunion, France Volontaires recrute toute l’année pour l’océan Indien

D’autres infos et portraits de Volontaires réunionnais dans l’océan Indien / La page Facebook

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