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Hugo Dieudonné : se former et rentrer à la Réunion

Publié le 25 avril 2022

Avec ses deux jeunes associés, il a lancé Biofuel Réunion pour transformer les tonnes d’huiles alimentaires usagées produites sur l’île en biocarburant à l’horizon 2025. Hugo Dieudonné nous raconte son parcours et ses projets pour la Réunion. Une interview "Spécial Retour".


Pouvez-vous vous présenter ?

Hugo Dieudonné, 30 ans, originaire de Sainte-Marie à la Réunion. Je suis diplômé ingénieur chimiste à l’ESCOM (2015) et d’un Master en Biotechnologie de l’UTC. En 2018, j’ai décroché un Master Management d’entreprise à l’IFAG. Aujourd’hui, j’occupe la fonction de Directeur Général de la start-up Biofuel Réunion, créée en 2020 avec mes deux associés : Pierre Tambouran Moutoumodely et Jean-Laurent Camlindia. Notre entreprise a pour objectif l’installation d’une usine de transformation des huiles de friture en Biodiesel à la Réunion. En 2022, nous avons créé une marque, le label Arsycle, qui a pour vocation d’aider les producteurs d’huiles alimentaires usagées à communiquer sur le geste de la valorisation du déchet, et à leur proposer notre service de collecte.

Racontez-nous votre parcours de mobilité.

Après avoir obtenu un Bac scientifique en 2009, je pars pour commencer mes études d’ingénieur chimiste à l’ESCOM à Compiègne. J’avais dès le départ une véritable passion pour la chimie, et l’envie de travailler dans la recherche. J’avais dans l’idée de revenir à la Réunion un jour avec des compétences pour aider au développement de mon île. J’ai étudié à Compiègne pendant quatre ans ; je n’ai pas eu de mal à m’intégrer dans cette ville étudiante.

Et ensuite ?

En 2013, j’ai eu la possibilité de réaliser une année de césure. Je voulais travailler dans le domaine de la recherche, car je projetais de continuer mes études en thèse et de devenir chercheur. J’ai trouvé une offre en Angleterre, à l’Université de Hull, où j’ai travaillé pendant un an sur la formulation de nouveaux polymères biocompatibles et biodégradables pour l’imagerie médicale. Cette année m’a permis d’avoir un avant-goût de la recherche et aussi de découvrir la culture anglaise, que ce soient les fameux pubs, la popularité des courses de chevaux, et leur manière de penser. Par exemple, de ne pas juger une personne pour son apparence vestimentaire ou physique…


A mon retour d’Angleterre en 2015, j’ai repris mes études à Compiègne, je me suis spécialisé en biotechnologie et intéressé aux alternatives à la pétrochimie. Décidé à continuer en thèse, je cherchais des sujets intéressants à la Réunion. J’ai été pris pour travailler sur la bioprotection des mangues face à l’anthracnose, une maladie due à un champignon créant des points noirs et accélérant la maturation et la putréfaction de la mangue. Ce sujet m’a permis, d’une part de revenir à la Réunion et d’autre part de travailler en Afrique du Sud pour une collaboration avec un laboratoire universitaire.

Parlez-nous de ce séjour en Afrique du Sud.

Pendant mon travail de recherche en 2016, j’ai vécu à Pretoria. J’ai travaillé en laboratoire à l’Université et j’ai été amené à découvrir un pays riche en diversité et en histoire. L’Afrique du Sud est un territoire vaste qui permet une agriculture riche entre les vignes, les vergers de fruit à noyau et d’agrumes à l’Est et les cultures de fruits tropicaux comme à la Réunion. Les surfaces sont immenses ; parfois une vallée entière appartient à une entreprise agricole qui organise indépendamment son service de bus. Cependant, la plus grande richesse de l’Afrique du Sud est sa diversité de cultures, de tribus et de personnes venant des autres pays africains pour étudier ou accéder à l’« African Dream ». J’ai pu rencontrer et échanger avec des Zulus, des Xhosas, des Swazis, des Ethiopiens, des Afrikaans, des Indiens, des métisses. Lors de mon séjour, j’ai beaucoup appris à la fois sur l’histoire de l’apartheid, la politique mise en place aujourd’hui, et ses conséquences. Je garde toujours contact avec les gens que j’ai pu rencontrer lors de mon séjour.

Lancement du label Arsycle en avril 2022

A mon retour à la Réunion, j’ai décidé d’arrêter ma thèse et de me lancer dans l’entreprenariat. La thèse ne correspondait pas à mes attentes qui étaient la possibilité de développement d’une nouvelle industrie à la Réunion. Après plusieurs mois de recherche d’emploi dans le domaine de la Chimie et de la Qualité, j’ai décidé, en 2017, de m’inscrire en alternance pour obtenir un Master, et surtout pour m’insérer dans le monde du travail à la Réunion. Lancé dans l’idée de l’entreprenariat, je participe en septembre 2018 au start-up week-end où je rencontre mes deux associés d’aujourd’hui, venus présenter ce qui allait devenir BIOFUEL Réunion.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à la Réunion ?

J’ai toujours voulu revenir à la Réunion après mes études. Je voulais contribuer à son développement car j’aime mon île. Cependant, si je n’avais pas trouvé du travail ou persévéré dans la création d’entreprise avec mes associés, je serais parti pour travailler à l’étranger ou en France. Je n’en serais pas là aujourd’hui si je n’avais pas le soutien de ma famille, et si je n’avais pas rencontré mes deux formidables associés.

Avez-vous préparé votre retour d’une façon spécifique ?

D’abord j’ai dû faire un gros tri dans les affaires accumulées pendant cinq ans en France et en Angleterre : souvenirs, livres, cours, vêtements, marmites à donner…

Décrivez nous votre état d’esprit à l’atterrissage à Gillot.

J’étais content de voir les reliefs de la Réunion, de retrouver ma famille et d’enfin pouvoir remettre des savates et des shorts. Cependant j’étais déçu de ne pas avoir trouvé plus de mes amis réunionnais à mon retour, car ils ont, pour la plupart, pris la décision de rester hors-département pour les opportunités de travail. J’ai trouvé mon retour dans la vie sociale très difficile ; j’ai pris six mois pour retrouver une bande d’amis à la Réunion, faire des sorties, etc.


Et au niveau professionnel ?

J’ai rencontré beaucoup de difficultés à trouver un emploi en tant qu’ingénieur ou même dans le domaine de la chimie en général. Si je voulais travailler dans la chimie, mon seul choix était d’être professeur suppléant. L’opportunité de créer son emploi s’est présenté à moi à travers notre projet, ce que j’ai préféré au métier de professeur.

En tant que Réunionnais expatrié de retour sur son île, avez-vous ressenti un « avantage concurrentiel » ?

En rentrant, je pensais fortement en avoir un, car j’avais deux diplômes, un en chimie et un en biotechnologie. Mais mon profil ne correspondait pas aux disponibilités sur le marché du travail. Pour intégrer ce marché, j’ai commencé un master en management en tant qu’apprenti, cependant, j’ai encore eu des difficultés à trouver une entreprise. Mon père, qui avait besoin d’aide sur un de ses projets, m’a engagé à mi-temps, pour que je l’aide sur la comptabilité, la communication et les études de marché. Cette année, passée avec lui et à l’IFAG, m’a permis de découvrir le monde entrepreneurial et de me donner l’envie d’entreprendre.

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

J’ai pu m’ouvrir à d’autres cultures et découvrir d’autres manières de penser. J’en suis sorti, je pense, plus sensible à la connaissance de l’autre et aux influences qui construisent un individu, une communauté ou un pays entier.

Qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

La crise requin avait impacté le nombre de plages fréquentables. La nécessité d’avoir un permis de conduire et une voiture était encore plus oppressante qu’à mon départ (j’ai pris le bus pendant un an à la Réunion ce qui m’a permis de me déplacer, mais entre prendre 1h30 en bus et 15 min en voiture pour le même trajet, la décision est vite prise…) Cependant en six ans, plusieurs projets d’aménagement du territoire ont été arrêtés. J’ai noté un élan positif pour le développement de l’île avec des structures qui se sont montées pour soutenir la création d’entreprise, et un réseau vivant et dynamique.


A travers BIOFUEL Réunion et notre label Arsycle, nous souhaitons aider à la structuration de la collecte des huiles de friture à la Réunion, et développer la transformation de ces huiles en biocarburant. Ce projet me permet de créer mon emploi et un futur dans lequel je me reconnais. Notre ambition, à court terme, est l’adhésion à notre service les restaurateurs et producteurs d’HAU à notre label. N’hésitez pas à faire un tour sur notre site arsycle.re .


+ d’infos sur https://arsycle.re / www.facebook.com/arsycle

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