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Jalini Rouvière, cadre dans un laboratoire pharmaceutique

Publié le 2 mai 2023

Au siège parisien d’un laboratoire international de premier plan, cette diplômée de Sciences-Po Rennes et de l’université Paris-Dauphine occupe à 32 ans, un poste à responsabilité. Elle nous raconte son parcours.


Pouvez-vous vous présenter ?

Jalini Rouvière, 32 ans. Je suis née à Pondichery en Inde, pays dont est originaire ma mère. J’ai passé une partie de mon enfance à Lyon, la ville de mon père, puis j’ai grandi dans l’est de la Réunion, à Bras-Panon, avec mes parents et mon frère. Diplômée de Sciences-Po Rennes et de l’université Paris-Dauphine, mon parcours professionnel m’a conduit à occuper divers postes au sein de la direction des affaires publiques d’un laboratoire pharmaceutique de premier plan. Je fais actuellement partie d’un service rattaché aux relations Patients Monde au sein de la même entreprise.

Racontez-nous votre parcours.

Après un baccalauréat scientifique, je me suis orientée vers une classe préparatoire aux grandes écoles littéraire au lycée Leconte de Lisle. A l’issue de ces trois années très stimulantes, j’ai « sauté la mer » pour rejoindre Sciences-Po Rennes. Partir était une évidence pour moi, du fait du peu de perspectives académiques (notamment en sciences politiques) et de débouchés professionnels à la Réunion. J’ai également été élevée dans la perspective du « mouvement » : je ne me voyais pas rester toute ma vie au même endroit.

Comment se sont passées vos études ?

Je n’ai pas été dépaysée en arrivant en Bretagne : il y pleut autant qu’à Rivière-des-Roches et les températures y sont plutôt clémentes ! A tel point que j’ai mis du temps à me départir de mes tenues légères et « savates deux doigts » en arrivant à Rennes. Pendant mes études, j’ai eu l’opportunité de voyager en métropole et à l’étranger, notamment grâce à un an d’Erasmus en Espagne et à un stage au Conseil de l’Europe à Strasbourg. J’ai effectué mon Master 2 en double-cursus Sciences-Po Rennes / Paris Dauphine, ce qui m’a permis de professionnaliser un parcours très théorique. J’ai d’ailleurs rapidement été embauchée au sein de la structure dans laquelle j’avais réalisé mon alternance.

Et ensuite ?

Je suis arrivée à Paris à reculons, effrayée par cette métropole tentaculaire, démesurée, qui me paraissait écrasante, stressante. Paname, c’est tout ça, évidemment mais c’est bien plus encore. C’est aussi une ville stimulante, joyeuse, vivante, surprenante… celle de tous les possibles ! Je suis moi-même devenue un peu Parisienne avec le temps, râleuse et pressée... Je dirais qu’une fois qu’on prend le temps de se poser et de s’intéresser aux gens, ils sont comme les autres !


Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Professionnellement, je souhaite continuer à évoluer dans un secteur qui a du sens et dans un métier qui me permet d’allier des enjeux politiques, économiques et techniques. Ces dernières années ont confirmé mon envie de travailler dans des environnements internationaux et multiculturels. A Paris, j’ai une vie personnelle riche en parallèle de mon travail : du sport (natation et Ori Tahiti, danse polynésienne que j’ai découverte à Paris), des sorties culturelles et des voyages, bien sûr ! Mais je rêve de m’expatrier dans un futur proche. Revenir à mes racines n’est pas une option pour le moment car j’ai soif de nouveaux horizons. Je ne me projette pas à la Réunion pour le moment. Peut-être dans un métier qui n’existe pas encore ?

Avec le recul, quel bilan tirez-vous de votre expérience de mobilité ?

Je ne serais pas arrivée là sans le soutien émotionnel et financier de mes parents, et leur ouverture au monde. Ce sont mes plus grands modèles ! Merci également à mes amis de toujours, aux mains tendues à certains moments de ma vie et à mon caractère de battante. Quitter son péi et sa famille jeune n’est jamais facile, mais la mobilité m’a rendue autonome. Elle a étendu mon champ des possibles, m’a permis de faire des choix et d’être libre. Selon moi, venir de la Réunion est un atout pour s’adapter à n’importe quelle culture : dans l’île, on a l’habitude d’évoluer dans un environnement divers et tolérant. On apprend à partager l’espace public avec plusieurs communautés, on est moins « renvoyé » à sa différence. En ce sens, je pense que les Réunionnais sont à la fois plus ouverts à la diversité et ont également plus de recul par rapport à celle-ci : ils n’en font pas un déterminant de leur rapport à l’autre. L’inconvénient majeur est celui de l’éloignement ! On n’aborde pas les problèmes de la même façon selon que sa famille est à portée de train, ou à dix heures d’avion.

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

L’horizon. Je n’avais pas conscience de la valeur d’avoir grandi entre mer et montagne, jusqu’à ce que je me retrouve coincée entre deux immeubles haussmaniens. L’océan à perte de vue, ça ouvre des perspectives au sens propre et figuré. Et bien évidemment, mes proches me manquent : ma mère, mon père, mon frère, mon neveu que je vois grandir par sauts de puce. Et aussi les émotions que me procurent le bruit de la pluie sur la tôle, des vagues sur la Marine de Saint-Benoît, la vue des champs de canne près de Sainte-Suzanne, le silence des forêts de cryptomérias ; le goût des samoussas, des bouchons et des caris.

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Je suis partie avec deux valises, donc j’ai simplement pris des photos de mes proches et des paysages réunionnais ainsi que des épices de ma mère, plus indiennes que réunionnaises. Le plus important, ce sont les souvenirs notamment olfactifs : ils me ramènent immédiatement dans mon île ! Pour être honnête, j’ai tout de même bien vite acheté une marmite do riz et un pilon : difficile de manger du riz cuit à la casserole.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

La majorité de mes amis réunionnais est passée à Paris à un moment de sa vie. J’ai même retrouvé une amie perdue de vue depuis 15 ans, par hasard au détour d’une conversation Whatsapp. Quel plaisir de pouvoir parler créole, partager un rougail saucisses et faire un peu de ladilafé sur les bords de Seine ! C’est également drôle de constater qu’on reconnaît assez facilement un Réunionnais quel que soit l’endroit du monde où l’on se trouve : en Inde, à New-York, en Allemagne et même en Croatie. Un bon mot, un « té ! », un accent bien caractéristique : des moments aussi fugaces que plaisants !

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Les personnes qui y sont déjà venues sont dithyrambiques sur la diversité des paysages, la gastronomie et l’accueil de la population locale. C’est dommage que l’excellence du savoir-faire local de la Réunion ne soit pas suffisamment reconnue cependant : tout autour du monde, on parle des perles noires de Tahiti par exemple, mais beaucoup moins du café Bourbon Pointu ou de la vanille bleue de St Philippe. Quant aux autres, ils ne connaissent pas l’île ou ont des stéréotypes, ce qui est normal à condition d’être ouvert à la discussion !

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

La Réunion est une île pleine de ressources : biodiversité, climat, paysages, population jeune et créative. Je pense toutefois que l’aménagement du territoire (circulation, construction), la valorisation du patrimoine et des produits locaux, la prise en compte des enjeux environnementaux pourraient être optimisés. Il y a également des mesures fortes à mettre en place pour favoriser un accès équitable à l’emploi pour les jeunes. Même si son potentiel est sous-exploité, la vivacité de l’écosystème réunionnais rend optimiste. Depuis dix ans, j’ai l’impression que les choses ont beaucoup évolué avec des Réunionnaises et Réunionnais prêts à s’investir pour mettre en valeur le patrimoine local, développer des filières écologiques, préserver la culture péi !

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