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Juanito Caroupin, de Terre-Sainte aux hautes études en santé publique à Rennes

Publié le 23 mai 2023

« Je crois en la République, que tout est possible quand on s’en donne les moyens ». Après avoir occupé différents postes sur l’île, cet originaire d’une famille de sept enfants à Saint-Pierre se forme au poste de Directeur d’établissement sanitaire social et médico-social à l’école des hautes études en santé publique (EHESP) à Rennes. Il nous décrit son parcours et ses projets d’avenir.


Pouvez-vous vous présenter ?

Juanito Caroupin, 44 ans. Je suis originaire d’une famille de sept enfants de Terre-Sainte, un quartier de pêcheurs et populaire à Saint-Pierre. Ma famille n’était ni riche, ni pauvre, mais a su m’inculquer la confiance en moi et qu’en République tout est possible. Possible pour tout le monde, si on s’en donne les moyens et même pour un jeune originaire d’un petit quartier du sud de la Réunion. J’ai grandi avec cette idée, enrichie par la littérature. Elle a perduré malgré les difficultés, les mauvais choix et les échecs de la vie.

Racontez-nous votre parcours.

J’ai un parcours non linéaire, toujours insatisfait mais toujours sûr que j’arriverais à mon but. Il m’importait de comprendre, d’avoir des connaissances, des références pour construire une réflexion ; pour moi, « la raison permet d’appréhender le monde » (Descartes). J’ai donc choisi les mathématiques et la physique à l’université de la Réunion, après un bac S au lycée Ambroise Vollard. J’ai été directeur d’association, responsable marketing, chef de projet, directeur d’école… Puis il m’est apparu important de pouvoir concevoir, innover et proposer. Après un passage à Sciences Po Lyon, je me suis orienté vers les emplois supérieurs, jusqu’à mon arrivée à l’EHESP en tant qu’élève directeur sanitaire, social et médico-social - promotion Philomène Magnin.


Racontez-nous vos débuts à Rennes.

Anecdote : mon arrivée en Bretagne fut épique ; j’avais deux valises, dont une dont les roues s’étaient cassées, et deux bagages à main. C’était horrible, je m’arrêtais toutes les cinq minutes pour pouvoir avancer... Au final, Rennes est une ville étudiante, dynamique et mouvante. Sa position géographique offre de belles découvertes, de belles promenades et la visite de lieux historique. J’avoue qu’il y a des jours où la pluie peut être un peu trop persistante, mais les jours de soleil, la ville est très agréable, surtout le quartier historique.

Quels sont vos projets ?

En premier lieu, finir les 20 mois de formation de D3S, en retirer des compétences, des savoirs et une posture afin de prendre au mieux mon premier poste, que j’espère en tant que directeur adjoint dans un centre hospitalier à Paris de préférence. A plus long terme je me questionne sur le fait de participer à l’élaboration des politiques publiques en lien avec les politiques sanitaire, sociale et médico-sociale. Il me parait important de faire mes armes en métropole, mais il est évident que j’aurai besoin un jour de retourner sur mon île, sur un poste innovant et engageant, avec des défis qui me permettent de me dépasser, de concevoir, de tester…

Comment pensez-vous réussir ?

Il faut selon moi pour réussir dans ce métier, de l’engagement et la foi dans la République, conçue dans le sens de progrès social, collectif, dans un projet commun. Comme l’écrit Claude Nicolet dans « L’Idée républicaine en France » (1982), « la République est tout à la fois une réalité institutionnelle et une doctrine ou un esprit qui n’est en quelque sorte jamais réalisé, toujours en devenir ».

"J’ai toujours voulu être utile à la société, au plus grand nombre et à mon île."

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

La Réunion est pour moi une richesse en termes culturel, historique, familial. Elle offre un prisme de tolérance pour apprécier les rencontres et les expériences, pour faire de la différence un potentiel enrichissement personnel et collectif.

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Des photos de mes filles et de mon épouse, les lettres de mon père décédé. Ces objets me suivent dans tous mes déplacements, comme un besoin, un porte-bonheur car je ne serais pas arrivé là si mon père ne m’avait pas inculqué mes valeurs, si ma mère ne m’avait pas soutenue, si mes filles et mon épouse n’étaient pas à mes côtés malgré tout le temps consacré pendant des années aux concours et non à elles… J’ai aussi un cahier dans lequel j’écris mes réflexions, mes ressentis et mes poèmes ; question de me rappeler mes objectifs et les valeurs, qui font partie de moi.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Principalement deux élèves de deuxième année ; on se soutient, on discute en créole et on refait le monde. C’est d’ailleurs dommage que l’on soit si peu à ce niveau de responsabilité. Cette problématique me tient à cœur, je me suis donc engagé en tant que président de l’association Ehesp O, qui défend les particularités des drom-com, l’égalité et la promotion de l’Ehesp dans nos territoires.


Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

On emporte notre ile avec nous, dans notre verbe, notre vision, notre cœur. Pour moi, notre ile est au-delà du territoire, c’est une dynamique que portent les habitants passés, nos zarboutans, présents et futurs. Je ne pourrais pas prioriser ce qui me manque, mais si je le faisais, je dirais la famille, l’océan indien, le terroir et les paysages tellement divers.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Bien que s’améliorant, elle demeure fragile à mon égard. Le PIB progresse, le chômage commence à diminuer et on peut apprécier un début de diversification de l’économie et ce malgré une inflation forte à la Réunion. Mais le PIB reste encore faible par rapport au niveau national (en 2021 : 23400 euros par habitant, soit 64% du niveau national). Le chômage atteint 18% contre 7% au national, le taux de pauvreté reste fort. De plus perdurent des conduites addictives et comportementales qui dégradent l’état de santé des habitants.

Que faudrait-il faire selon vous ?

Au niveau social, il me semble indispensable, maintenant que l’accès à l’enseignement supérieur est garanti, de développer des voies d’accès aux grandes écoles et aux grands concours, afin qu’un plus grand nombre de Réunionnais puissent intervenir aux postes les hauts, pour apporter leur vision de la Réunion augmentée de leur expérience issue de la mobilité. Pour cela un engagement de tous les responsables politiques est nécessaire, au-delà des partis, dans un projet commun pour l’ile. Nous devons investir dans le capital humain, dans la raison et l’esprit critique de tous pour construire de nouvelles solutions.

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