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Julien Clain, doctorant au CHU de Québec-Université Laval

Publié le 8 juin 2020

« Décidé à découvrir de nouveaux horizons, à vivre des expériences enrichissantes et à changer de vie, je me suis lancé dans une aventure qui, depuis mon enfance, me paraissait inaccessible. »


Pouvez-vous vous présenter ?

Julien Clain, 23 ans, originaire de la Rivière Saint-Louis. Je suis issu d’une famille créole de classe moyenne, avec un père sapeur-pompier, et une mère gestionnaire administrative. Une famille très mixte, à l’image de notre île. Après avoir obtenu mon Bac scientifique, j’ai quitté le lycée Jean-Joly pour rejoindre les bancs de l’Université de la Réunion, afin de suivre une licence en biologie. Aujourd’hui, j’effectue un doctorat en microbiologie-immunologie au Centre de Recherche du CHU de Québec-Université Laval, où j’effectue des travaux de recherches sur le VIH.

Quel a été votre parcours de "mobilité" ?

Après un échange universitaire au Canada en troisième année, j’ai quitté la Réunion en 2016 pour poursuivre un master et un doctorat à l’Université Laval. Décidé à découvrir de nouveaux horizons, à vivre des expériences enrichissantes et à changer de vie, je me suis lancé dans une aventure qui, depuis mon enfance, me paraissait inaccessible.


Avez-vous des anecdotes à partager ?

Durant quatre ans loin de son île natale, de sa famille, de ses amis, dans un environnement où tout diffère de ce qu’on connait en milieu insulaire, j’en ai des centaines. Des bonnes anecdotes, comme des moins bonnes... Se perdre dans le Vermont en pleine nuit, se promener dans les forêts mexicaines, camper au milieu de la forêt canadienne et écouter les coyotes, faire des rencontres inattendues et exceptionnelles, partager sa culture avec des personnes qui n’ont aucune idée de ce qu’est la Réunion, voir l’émerveillement dans leurs yeux, sont indéniablement des moments que je réitérerai.

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Le Québec est une province canadienne magnifique où des paysages incroyables peuvent vous couper le souffle. On y vit paisiblement et en sécurité. Les différences de mentalité et de manière de vivre peuvent être flagrantes, et il nous faut un temps d’adaptation pour s’y faire. En ce qui me concerne, j’ai vécu de très belles expériences avec la population locale, qui a su me mettre à l’aise et qui m’a fait sentir comme chez moi. Cependant, j’ai aussi eu d’autres expériences plus déplaisantes, où on m’a parfois fait subtilement comprendre que je n’étais pas complètement chez moi. Cela peut être déroutant, surtout lorsqu’on fait 15 000km pour arriver là où on en est. Si les remarques des uns et des autres nous font douter, il est de notre devoir de leur montrer ce que nous valons, car en tant qu’humain, nous sommes tous au même niveau. Toute expérience doit servir de leçon. Ne généralisons pas, et continuons à être tolérant comme nous l’inculque nos valeurs. Nous sommes réunionnais, nous avons une identité unique, des valeurs précieuses, une histoire hors du commun. N’oublions pas d’où nous venons, et faisons valoir les compétences de notre île jusqu’au bout du monde !


Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Après mon doctorat, j’avoue que je souhaiterais déménager dans un endroit plus chaud, et découvrir davantage ce que me réserve le monde. J’ai un petit œil sur Miami, du fait des opportunités professionnelles qui s’y trouvent dans mon domaine. Cela me permettrait de compléter mon expérience scientifique et d’avoir un bagage suffisamment solide pour mon retour à la Réunion. Devenir chercheur a toujours été un rêve d’enfance. Ce rêve est en train de devenir réalité, et je veux aller jusqu’au bout, malgré toutes les difficultés qui se trouveront sur mon chemin. Je ferai tout mon possible, pour exercer sur mon île et accomplir les projets qui sont en train d’être pensés actuellement avec d’autres étudiants réunionnais. Je suis déjà convaincu de revenir habiter à la Réunion. Après mes expériences à l’étranger, il est d’une évidence incontestable que la Réunion est le lieu où je veux m’installer pour vivre la vie que j’ai toujours voulue.

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Avant tout, les gens. La réelle convivialité, l’hospitalité, la gentillesse. Tout simplement, l’humanité qui y règne. J’ai maintenant pour habitude d’inviter tous ceux qui ne connaissent pas notre île à venir, et à découvrir ce qu’est le vivre ensemble. Les paysages me manquent ; mes plages, mes montagnes, et même mes champs de cannes et mes virages. La nature me manque ; mes baleines, mes dauphins, mes endormis, mes ti lézards et ma végétation. Le climat me manque ; la fraîcheur des hauts, et la chaleur des côtes. L’ambiance me manque ; ma famille, mes amis, les pique-niques, les randonnées, les repas et les évènements sociaux. Mon île, me manque.


Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Avec moi, j’ai toujours mon porte-clés en forme de la Réunion, fait par des artisans, que j’ai acheté au marché forain de Saint-Pierre. Facile à transporter, je peux l’emmener partout. J’ai aussi amené une horloge faite en bois et en roche volcanique, que je peux apercevoir dès que j’ouvre ma porte d’entrée.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Au Canada, j’ai des contacts de Réunionnais rencontrés ici, ou bien que je connaissais déjà avant. Certains sont devenus de très bons amis, sur qui je peux compter s’il m’arrive quoi que ce soit. Mes contacts réunionnais ne se limitent pas qu’au Canada ; étudiants ou fraîchement diplômés pour la plupart, ils sont un peu éparpillés dans le monde. La majorité d’entre eux, et moi-même, avons le même souhait : retourner à la Réunion et la valoriser plus qu’elle ne l’est déjà grâce à nos expériences et compétences diverses.


Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Maintenant que je n’y suis plus, je prends malheureusement conscience de la situation socio-économique de la Réunion. Pour moi, encore trop d’inégalités, encore de trop de favoritisme, et trop de pensées néocolonialistes ne mettent pas en valeur les capacités locales. La population se doit d’être considérée, et se doit d’être entendue. Si un jour, nous passons ce cap, je pense que beaucoup de problèmes que rencontre la Réunion en ce moment se résoudront. Je pense à l’emploi ; je pense à la place du réunionnais en France ; je pense à la place du réunionnais à la Réunion ; je pense à l’immigration des jeunes vers la Métropole (ou l’étranger) et leur quasi-impossibilité de retour ; je pense à l’abus de pouvoir. Ayant ce regard extérieur sur la situation socio-économique de l’île, j’ai comme conviction prochaine, de me battre, pour la Réunion, à la Réunion.

Que vous a apporté l’expérience de la mobilité ?

Venant d’une île où les religions, les ethnies et les cultures sont entremêlées, l’expérience de mobilité m’a permis de développer davantage mon ouverture d’esprit, de voir et de comprendre d’un autre œil la réalité du monde dans lequel nous vivons. Cela m’a aussi permis de me forger un caractère, une personnalité que j’ignorais moi-même. Cette expérience est enrichissante chaque jour, sur tous les aspects.


Malheureusement, nous vivons dans un monde où la bêtise humaine est omniprésente, et ces quatre années à l’étranger m’ont fait découvrir ce qu’est le racisme, la xénophobie, la discrimination, simplement à cause d’une couleur de peau, d’un accent ou d’une appartenance. Quoi qu’il en soit, vivre à l’étranger m’a permis de trouver une profonde conviction : met’ la Rényon en l’air, la valoriser, se battre pour défendre nos valeurs, nos traditions et notre histoire. La faire vivre, tout simplement !

Quels ont été les avantages / inconvénients de venir de la Réunion ?

Le fait de venir de la Réunion est pour moi un énorme avantage. Grâce à notre manière de vivre particulière, j’ai pu observer que cela nous donne la possibilité de comprendre et de nous adapter plus facilement à divers environnements. Je suis fier de venir d’une île où les valeurs humaines prônent sur ce qui nous opprime. Etonnamment, j’ai appris que certaines valeurs ne sont pas universelles ou se font rares. Mais encore une fois, cela nous permet de nous conscientiser et de grandir ; c’est pourquoi je considère qu’il n’y a que des avantages au fait de venir de la Réunion. Même au froid on s’habitue très vite ! Deux trois paltos su le dos, et nou lé parti !

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Ici, la Réunion est en général peu connue. Elle commence à se faire entendre au Québec via les cohortes de jeunes réunionnais qui viennent chaque année étudier dans les CEGEP. Mais les nord-américains ont généralement très peu entendu parler de cette île. Je ne pourrai dire le nombre de fois où j’ai dû expliquer où la Réunion se situait et qu’on ne vivait pas à l’âge de pierre. Parfois venant même de métropolitains expatriés au Québec, les remarques peuvent être plutôt surprenantes et vexantes. Le mieux qu’on puisse faire, est de tout simplement expliquer, avec gentillesse, ce qu’est réellement la Réunion, afin de leur dévoiler toute la beauté de notre île.


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