Comment il a repris le flambeau familial de la construction, son parcours, sa vie de promoteur à Paris… A 37 ans, Julien Narayanin occupe un poste de direction au sein du groupe Verrecchia, constructeur francilien de référence en pierre de taille, un matériau durable et écologique. Interview.
Pouvez-vous vous présenter ?
Julien Narayanin, 37 ans, originaire de Sainte Marie. Je suis directeur général adjoint en charge du développement et de la stratégie du groupe Verrecchia, un promoteur immobilier qui a fait de la lutte contre le réchauffement climatique l’un des piliers de sa raison d’être. Le groupe met en œuvre depuis 30 ans, dans chacune de ses réalisations, un matériau noble et naturel, bien connu dans le paysage urbain français : la pierre de taille massive. La pierre représente un matériau d’avenir car il est bas carbone et donc très écologique ; il se prélève localement et ne nécessite que très peu d’énergie pour sa transformation.
Racontez-nous votre parcours.
Pour avoir grandi dans le monde de la construction et de l’immobilier, où j’ai eu la chance d’accompagner mes parents dans leur quotidien d’entrepreneur alors que je n’avais que 6 ou 7 ans, j’ai vite été plongé dans l’économie du « réel », celle qui vous fait prendre conscience que l’organisation d’une entreprise, la faculté d’adaptation et le management ne sont pas à prendre à la légère. J’ai toujours vu mes parents travailler ardemment, du « lundi au lundi », sans répit. C’est sans doute ce qui m’a donné le goût de l’effort et du travail bien fait. Cette enfance passée dans l’entreprise familiale a sans nul doute fait naître en moi cette passion pour la sociologie des villes et la façon de la construire durablement et sobrement… Au regard de cette empreinte, mon parcours universitaire a été limpide et « straight to the point ».
Qu’avez-vous fait ?
Une fois mon bac S obtenu au lycée Louis Payen de Saint Paul, c’est avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai rejoint Paris pour mes études supérieures. Mon parcours d’études a été classique et sans embuche. Par chance, j’avais à ma disposition tout le confort qu’un étudiant peut rêver d’avoir. Je n’avais plus qu’une chose à faire : bûcher et emmagasiner un maximum de connaissances et d’expériences. Mes aïeuls n’ont pas tous eu l’opportunité de faire des études. Mais si j’ai eu la chance de pouvoir évoluer dans un milieu aussi privilégié, c’est grâce à leur courage et à leur volonté d’offrir un quotidien heureux aux générations futures. C’est avec cette reconnaissance que j’avais bille en tête la volonté d’honorer leur parcours, en poussant les curseurs un encore un peu plus loin.
En 2005, j’ai été diplômé d’une école de commerce à Paris (INSEEC) et d’un 3ème cycle en école d’ingénieurs (ESTP). L’objectif était d’acquérir une double culture commerce/ingénieur et de pouvoir l’utiliser pour appréhender les enjeux urbains, architecturaux et techniques des projets immobiliers. S’en est suivi un parcours professionnel effectué tant chez des majors de la promotion immobilière, tels que Icade Promotion Logement (comme responsable de programmes) et Bouygues Bâtiment Ile de France (comme Directeur Territorial), qu’au sein de structures plus familiales, telles que La Financière Janar qui sont caractérisées par leur agilité et leur réactivité. Avec du recul, je me dis que le mélange grands groupes - « family office » est très enrichissant, tant sur le plan des compétences que sur le plan humain.
Quels sont vos projets ?
J’ai rejoint le groupe Verrecchia comme directeur de développement Ile-de-France, avant de devenir directeur général adjoint, membre du Comex. C’est une entreprise qui me fait vibrer et qui attise chaque jour mon envie de toujours mieux faire. Nous sommes 80 collaborateurs et portons des valeurs humanistes et environnentales fortes. Il y a encore de belles choses à réaliser, je m’y consacre pleinement et avec passion. Et parce que pour être performant au travail il faut trouver cet équilibre vie pro/vie personnelle tant recherché, j’ai une femme et une famille qui me comblent de bonheur. Je suis donc un Réunionnais épanoui et heureux. La vie lé gayar !
Comment vous sentez-vous à Paris ?
Paris est la capitale incontestée de la culture et de l’art. Le simple fait de flâner dans les rues parisiennes vous transporte à travers le temps. S’agissant du secteur de l’immobilier, c’est un des laboratoires des usages de demain. Pouvoir y évoluer est une chance et un privilège.
Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?
Mon filleul peut être ? mais étant nouveau-né, il aura du mal à s’exprimer sur le sujet… Plus sérieusement, Paris me comble de bonheur. Je suis mis au défi par de beaux projets et stimulé par l’effervescence qui la caractérise. Dans l’absolu, c’est aussi très bien d’avoir des Réunionnais en dehors de l’île, cela permet de développer notre « soft power » .
Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?
De Paris, la Réunion est reconnue pour ses balades en montagnes, la saveur de ses bons plats et son hospitalité. Au-delà de tout cela, la Réunion brille pour son « vivre ensemble », un exemple planétaire. On peut difficilement faire mieux !
Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?
La Réunion est une terre d’hybridation sociale, culturelle et religieuse. Sans s’en rendre compte, on y développe des aptitudes d’adaptations qui sont réelles et très utiles lorsque l’on rejoint une mégalopole telle que Paris. Nos sens, notre éveil et notre résilience sont immédiatement sollicités. Ces mêmes qualités sont aussi très appréciées dans le monde de l’entreprise, où l’on est amené à collaborer, manager des personnes d’origines et de formations différentes.
Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?
J’ai un objet éphémère qui me suit depuis très longtemps : le bocal de piment la pâte. C’est un objet dont l’approvisionnement sera toujours assuré, soit par la famille soit par les amis !
Avez-vous des contacts avec des Réunionnais à Paris ?
J’ai bien évidemment des amis réunionnais en métropole, mais de moins en moins à vrai dire. Car à l’approche de la quarantaine, bon nombre d’entre eux sont repartis vivre à la Réunion, pour une douceur de vivre qu’on ne contestera pas, bien au contraire.
Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?
L’insularité apporte nécessairement des singularités. Je constate encore aujourd’hui une certaine inertie administrative qui n’est plus compatible avec l’urgence du moment. On décentralise à l’échelle nationale, pour finalement tout « re » centraliser localement. Il y a sans doute mieux à faire pour favoriser le développement économique de l’ile. Par ailleurs, s’agissant de l’emploi des jeunes, à compétences égales les Réunionnais doivent être privilégiés dans les postes d’encadrement. Il y a du talent et de l’intelligence chez ces jeunes, il faut leur donner leur chance, car travailler chez soi, c’est une fierté. Finalement comme au foot où jouer à domicile donne beaucoup de force et de créativité.