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« L’économie américaine se portait bien avant le Covid »

Publié le 9 novembre 2020

VIE chez Alstom à Chicago, Victoria Moreau, Bénédictine de 25 ans double diplômée ingénieure et commerce, livre son ressenti sur la présidentielle américaine.

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Pouvez-vous vous présenter ?

Victoria Moreau, 25 ans. Originaire de Saint-Benoît, j’ai quitté la Réunion après une classe prépa MP à Leconte de Lisle pour intégrer deux écoles d’ingénieur à Paris : l’ESTP puis les Arts et Métiers. J’ai aussi un Master en Administration des Entreprises de l’IAE Paris Sorbonne. Je suis actuellement VIE, chargée de mission au services Achats chez Alstom à Chicago.

Quelle est l’ambiance autour de vous, alors que les résultats viennent d’être annoncés ?

Chicago, ville d’adoption d’Obama, a voté largement démocrate. Il n’y a pas forcément de grosses manifestations de joie (quelques klaxons et un rassemblement au pied de la Trump Tower), mais quand même un sentiment de soulagement profond. Chicago a connu des débordements en 2020 autour des manifestations contre les violences policières et le mouvement Black Lives Matter. La crainte était que cela se reproduise en cas de victoire de Donald Trump. Maintenant que la victoire de Joe Biden est plus que probable, la ville est plus calme.

Manifestation de joie à Chicago (https://patch.com)

Comment avez-vous vécu cette élection ?

La campagne aux Etats-Unis est assez particulière. Les candidats n’ont jamais présenté de programme complet, et les débats télévises tenaient plus du divertissement que du réel débat politique. Cependant, certaines décisions politiques prises par le président Trump en cette année d’élection m’ont affectée directement, comme par exemple l’interdiction de voyager depuis l’espace Schengen avec mon type de visa, ce qui m’empêche de rentrer voir mes proches depuis mars 2020.

Où en est l’épidémie de Covid dans la région de Chicago ?

Ici il y a eu un confinement pendant deux mois, de mars à mai, et des restrictions existent encore aujourd’hui. Dans mon entreprise, l’activité n’a pas été arrêtée et nous travaillons en télétravail jusqu’à au moins janvier 2021. La situation de mon colocataire américain est beaucoup moins confortable... Employé dans la restauration, il n’a pas travaillé durant le confinement. La semaine dernière, après des mois d’activité réduite, la direction a été contrainte de licencier la majorité de ses collègues et de fermer provisoirement (définitivement ?) l’établissement.

En quoi cette épidémie a pu jouer sur les élections ?

Cette épidémie et la gestion de la crise a bien évidemment été le sujet central de cette élection, mais le contexte est tellement particulier que les échanges à ce sujet n’ont jamais été très intéressants. Les Démocrates dénoncent une gestion catastrophique de l’épidémie de Trump et un nombre de cas qui explose, alors que Donald Trump clame que Joe Biden n’aurait pas fait mieux à sa place.


Plus généralement quels sont les sujets qui ont déterminé cette présidentielle ?

Avec l’épidémie du Covid, le sujet principal a été le mouvement Black Lives Matter et la justice sociale. L’épidémie et ses conséquences économiques et sociales ont touché de plein fouet les milieux sociaux défavorisés, généralement constitués dans les grandes villes de populations afro-américaines. Le candidat Joe Biden a utilisé l’égalité raciale comme pilier dans sa campagne. Les autres sujets comme la question de l’immigration illégale (gros sujet sur l’élection de 2016) ou les relations politiques internationales ont été relégués au second plan.

Qu’est-ce qui a changé au cours des quatre ans de mandat de Donald Trump ?

A mon arrivée en 2019, à Chicago et dans le pays entier, l’économie américaine se portait bien. L’année 2020 correspond vraiment à la dégradation de la situation économique et sociale du pays. Ce que je retiendrais particulièrement du mandat de Donald Trump est la nomination à la Cour Suprême d’une nouvelle juge, portant à six le nombre de juges républicains contre trois démocrates. Ces juges étant nommés à vie, cette décision « déséquilibre » le sommet du système judiciaire et aura des conséquences lourdes bien après le prochain président.

Que dit sa présidence sur l’état actuel des Etats-Unis ?

Contrairement à ce qui est perçu en France, Donald Trump n’est pas un accident de l’histoire américaine. Les Etats-Unis, à cause de la taille et la population, sont un pays diversifié, polarisé et polarisant. L’électorat de Donald Trump et du parti Républicain reste solide. (Donald Trump obtient plus de voies à cette élection que les deux gagnants des élections de 2016 et 2008).


Les Américains sont individualistes et tournés vers leur réussite personnelle. La grande majorité des Républicains sont réfléchis ; ils ne sont pas intéressés par certains sujets sociaux car ils ne sentent pas concernés. Un autre point à souligner dans la vie politique américaine est le contexte des outils de communication et le peu de règles qui s’y appliquent. Les tentatives de désinformation et d’influence sur la population sont permanentes et nombreuses, même en dehors des campagnes électorales. Cela peut représenter un risque pour la démocratie.

Existe-t-il encore un « American Dream » ?

De ce que j’ai vécu et observé, il est assez difficile de s’installer aux USA. Il faut s’armer de patience, de détermination et il faut de l’argent. Cependant, il est tout aussi difficile pour un Américain que pour un étranger de réussir dans la société américaine actuelle, et cela malgré un travail acharné. Ainsi, même si beaucoup rêvent encore de la « suburban life » (vie paisible en banlieue de la classe moyenne), cela reste difficile à atteindre.

Quel lien gardez-vous avec la Réunion ?

C’est à la Réunion que j’ai grandi et que vit toute ma famille, c’est là-bas que sont mes racines. Vivant aux États-Unis, en particulier dans ce contexte, je sais à quel point les valeurs réunionnaises liées au multiculturalisme sont belles. J’ai hâte de pouvoir y retourner dès que ce sera possible pour moi.


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