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Vincent Pongérard : médecin startupper (spécial retour)

Publié le 14 décembre 2022

Dans un secteur qui recrute à plein régime à la Réunion, le natif de La Possession a pu se caser en tant que médecin généraliste sur l’île, après des études en Métropole. Avec son ami d’enfance Nicolas Esparon, il a fondé Sappy : une application pour faciliter la prise en charge et le maintien à domicile des gramounes, innovation réunionnaise reconnue pour accompagner les effets du vieillissement de la population. Portrait « spécial retour » d’un médecin entrepreneur du changement.

Vincent Pongérard à droite, aux côtés de Juanita Fuma et Nicolas Esparon au Salon des Séniors 2022

Pouvez-vous vous présenter ?

Vincent Pongérard, 34 ans, originaire de la Possession. J’ai effectué tout mon cursus scolaire à la Réunion avant de m’envoler pour mes études en Métropole. J’ai une double casquette : celle de médecin généraliste et celle d’entrepreneur cocréateur de la start-up Sappy.

Quel a été votre parcours de mobilité ?

Après ma première année de médecine à St-Denis, j’ai poursuivi mes études médicales en Métropole pendant cinq ans. A mon époque, les Réunionnais se retrouvaient tous à Bordeaux. Je passe mon concours de sixième année en 2014 et commence mon internat à Nice. J’ai alors l’opportunité de faire mon premier semestre en Corse, dans le service de gériatrie de l’hôpital de Bastia. Ce premier semestre sera un véritable déclic pour moi. L’accueil y a été très chaleureux et je garde encore des liens avec l’équipe soignante. Surtout, je découvre la Corse qui me rappelle sur certains aspects mon île natale. Je m’y plais tellement que j’y passe quatre ans.


Aimant particulièrement le trail, je profite de ces quelques années pour m’adonner à ce sport qui est devenu une véritable passion depuis. Mon sujet de thèse, soutenue en 2018, porte sur la démographie médicale et les problématiques de l’accès aux soins en Corse. L’issue de ce travail révèle l’importance de développer des outils de télémédecine, point de départ de ma réflexion entrepreneuriale. Après un bref arrêt à Lyon je rentre définitivement à la Réunion en 2019.

Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rentrer à la Réunion ?

Elles sont multiples, mais j’ai toujours su que ma place était à la Réunion. Je suis très proche de ma famille, de mes parents, de ma petite sœur et de mes grands-parents qui m’ont beaucoup transmis. Je suis également très attaché à ma culture et mes racines créoles. Pendant toutes ces années, j’ai cultivé et entretenu mon amour pour mon île. Il m’apparaissait comme une évidence de rentrer. La Réunion est pour moi un lieu idéal de vie. Mon goût pour la nature et le sport qu’on peut pratiquer toute l’année dans un cadre formidable, sont autant d’éléments ayant déterminés mon retour. C’est un magnifique terrain de jeu et on ne s’y ennuie jamais !

Décrivez nous votre état d’esprit à l’atterrissage à Gillot.

C’était extrêmement particulier. J’étais ému mais aussi très pressé de démarrer cette nouvelle étape de ma vie. J’avais une farouche envie de construire de créer quelque chose. Au final le retour s’est fait le plus naturellement du monde. Je revenais régulièrement donc j’avais déjà anticipé certaines choses. Et j’avais mes repères et mes habitudes.


Avez-vous eu des difficultés (professionnelles ou autres) à vous réinstaller ?

La réinstallation a été facile car je suis dans un secteur d’activité où la demande est forte. J’avais déjà tissé mon cercle professionnel en amont de mon retour définitif. J’ai le privilège d’exercer un métier où le travail ne manque pas. En tant que médecin généraliste, il y avait une forte demande de remplacements, notamment dans les secteurs Nord et Est. Je n’ai pas spécialement senti d’avantage concurrentiel hormis le fait que les patients sont agréablement surpris quand je leur parle créole.

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

Au-delà de retrouver ma famille, je me suis rendu compte à quel point la cuisine créole m’avait manqué. Pouvoir manger un samoussa ou un bouchon un peu partout me procure un sentiment réconfortant. J’ai été content de retrouver mes amis de longue date. Concernant les déceptions, je note une urbanisation parfois mal maîtrisée, une franche majoration des embouteillages et la persistance de l’errance animale et des dépôts sauvages. J’ai constaté également un certain retard dans la prise en charge de nos ainés à domicile et une vision rétrograde et peu valorisante des professionnels qui les accompagnent.

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Avec mon ami d’enfance Nicolas Esparon, nous avons créé une start-up : Sappy, qui met en relation des auxiliaires de vie avec les familles de personne âgée en situation de dépendance grâce à une application. Nous avons une approche à la fois digitale et santé du service à la personne. Sappy est un outil de prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées grâce au retour des auxiliaires de vie. Ces derniers repèrent des éléments de santé, les font remonter via l’application et permettent la prévention d’une éventuelle dégradation de l’état de la personne accompagnée. L’objectif est de faire en sorte que les personnes âgées puissent rester chez elles le plus longtemps possible et surtout en bonne santé.


Les personnes âgées n’étant pas toujours très connectées, pourquoi avoir fait ce choix d’une application ?

Nous l’avons fait pour anticiper le vieillissement de la population réunionnaise. Aujourd’hui, nos gramounes ne sont pas forcément connectés, mais la génération de nos parents, on va dire les papis boomers le seront, donc ils pourront eux-mêmes suivre les indicateurs de leur état de santé.

Comment s’est passé le lancement de Sappy ?

Nous avons remporté le premier prix du concours de création d’entreprises innovantes de la Réunion en 2020. Nous avons bénéficié à ce titre d’un accompagnement par la Technopole et par La Région Réunion, et nous sommes adossés à un laboratoire du CHU de Saint-Pierre qui nous accompagne sur notre volet recherche. Sappy a été lancé en mai 2022. 50 auxiliaires de vie peuvent d’ores-et-déjà utiliser notre plateforme et nous accompagnons une dizaine de familles. Nous avons d’autres projets et avons l’ambition d’être force de proposition pour nos gramounes, pour leur famille à la Réunion.

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Mon départ de la Réunion et ma vie en dehors de l’île m’ont été extrêmement bénéfique. J’en tire une plus grande ouverture d’esprit et une curiosité pour beaucoup de choses. Vivre dans des villes comme Bordeaux ou Lyon est très enrichissant. J’ai fait des rencontres et des découvertes intéressantes. Jai croisé la route de personnes inspirantes, au parcours singulier, me donnant cette envie de prendre des risques, de créer, d’entreprendre. Mais je n’en serais pas là aujourd’hui si mes parents n’avaient pas été là. Mes parents m’ont toujours soutenu et accompagné malgré la distance. Ils m’ont transmis le goût de l’effort et m’ont poussé à donner le meilleur de moi. Mes grands-parents, de qui je suis très proche, m’ont fait découvrir la métropole pour la première fois quand j’étais enfant. Si j’en suis là aujourd’hui c’est grâce à eux, ils contribuent à être ce que je suis et sont le moteur de mes choix de vie.


Qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

J’ai été interpellé par les habitudes de consommation. Je me rappelle quand j’étais jeune, dès qu’un membre de notre famille partait en métropole, on lui donnait une liste de choses à nous ramener (livres, produits, jeux…). Maintenant tout est facilement accessible. Le rapport à l’alimentation a également changé, avec une forte prolifération des fast-foods. On sent aussi que l’île s’est beaucoup développée. Je trouve qu’il y plus de choses à faire sur le plan culturel, plus d’endroits qu’avant pour sortir et pour manger.

Qu’est-ce qui vous surprend le plus par rapport à l’endroit où vous viviez en mobilité ?

La gentillesse des Réunionnais. La Réunion est une terre d’accueil avec une population tournée vers le partage. Le côté multiculturel et mélangé est assez exceptionnel. Les créoles sont toujours partants pour un picnic, pour faire goûter un carry ou craser un maloya !

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaiteraient rentrer sur l’île ?

C’est une chance de pouvoir se former en métropole, de faire des longues études et d’acquérir des compétences. Je pense que si l’opportunité se présente, il est important de revenir pour faire bénéficier à la Réunion de ce savoir et cette expérience acquise. Beaucoup de choses sont à faire pour dynamiser le territoire, créer de la valeur. Il y a une certaine morosité économique actuellement. Je pense qu’avant de rentrer, il vaut mieux assurer ces arrières et avoir un plan bien ficelé pour ne pas se heurter à des déconvenues. Le retour ne doit pas se transformer en parcours du combattant.


+ d’infos sur : https://www.sappy.io / www.facebook.com/HelloSappy

Lire d’autres interviews "Spécial Retour à la Réunion"


Les domaines d’intervention de Sappy :

Aide au lever et au coucher
Aide au repas : accompagnement à la confection et à la prise des repas pour permettre à votre proche de se restaurer.
Aide à la toilette : pour le maintien du confort et de la dignité
Compagnie : rupture de l’isolement grâce à une présence et des activités de stimulation adaptées
Aide ménagère : maintien d’un cadre de vie sain avec une prestation de petit ménage, repassage et lessive.
Aide aux déplacements, aux courses, aux rendez-vous et promenades.

Les objectifs :

- Application métier : Participer au changement en modernisant la perception et les outils des auxiliaires de vie
- Promouvoir le bien viellir en permettant aux ainés de rester le plus longtemps chez eux et en bonne santé
- Innovation péï : Outil issu de la recherche médico-sociale faite sur le territoire réunionnais
- Créer des vocations : Promouvoir le secteur des services à la personne pourvoyeur d’emplois

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