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Le style de vie réunionnais en Suède

Publié le 19 mars 2020

Piment cabri, combava, chouchou, boucané, saucisse fumée… Eric Loiseau Issambina est installé depuis neuf ans à Västernorrland, par -30° dans le nord de la Suède. « Je vis simplement et j’élève mes cinq enfants. Ici, on a droit à plus de 400 jours de congé parental par enfant... »

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Pouvez-vous vous présenter ?

Eric Loiseau Issambina, un caf de 37 ans de Domenjod. Je suis marié à une jolie suédoise et j’ai cinq enfants « suédoles ». Avant de venir vivre en Suède, j’avais une bonne situation professionnelle dans le domaine de la sécurité, en tant qu’adjoint d’exploitation de plus 200 employés. Mais le système français commençait à ne plus me convenir et ayant la chance d’avoir un pied-à-terre ici, j’ai sauté le pas pour venir m’installer à Bjästa dans la commune de Västernorrland.

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Le projet au départ était relativement simple : j’avais effectué une formation de garde du corps et pensais travailler à l’étranger de temps en temps, mais rien ne s’est passé comme prévu… J’ai tout mis de coté pour profiter pleinement d’une vie de famille. Il m’a fallu trois longues années et un séjour pour me ressourcer à la Réunion, pour finalement supporter le froid et l’obscurité de l’hiver. Mon niveau de suédois s’est beaucoup amélioré et je travaille principalement l’été pour kyrkan (l’église) et les hivers je les passe en congé paternité puisque nous avons droit à plus de 400 jours par enfant à prendre.


Racontez-nous votre parcours de "mobilité".

A l’âge de 14 ans, mon beau père zoreil (que je considère comme mon père) nous a emmené vivre dans les Bouche du Rhône, moi, ma sœur, ma mère et ma grand-mère. Puisque nous étions une famille soudée, la grand-mère était incluse dans notre expédition. Il n’y avait plus trop d’emplois sur l’île et comme il avait un terrain sur Lançon de Provence, il a décidé d’acheter un mobile home pour le mettre dessus le temps de construire quelque chose. Mais le terrain était passé en zone verte pendant son séjour à la Réunion, alors nous sommes partis vivre à Saint Chamas (13). Puis j’ai fait une partie de mes études à Marseille, Marne-la-Vallée et en Meurthe et Moselle. En 2001, un dimanche en prenant le train Gare de Lyon pour aller à Metz, j’ai retrouvé un ami de l’école primaire de Domenjod qui m’avait reconnu en passant dans le wagon… Là je me suis dit « la Réunion lé partout vraiment » !

Aujourd’hui quel est votre regard sur la Suède et les Suédois ?

Ici les gens donnent l’impression d’être froids (avant de les connaître), peut-être à cause de l’hiver et du manque de soleil. Mais après un certain temps, on remarque qu’ils sont très gentils et proches de l’humain. Peu importe la langue pour communiquer, on trouve toujours une solution. C’est un endroit où on est libre de faire ce qu’on a envie, où la nature n’appartient à personne. Il n’y a pas de grillage entre les maisons, il n’a jamais eu de grève depuis que je vis ici ! Peut-être le symbole d’une société qui fonctionne encore bien…

Ma maison

Quels sont vos projets ?

Je veux vivre le plus simplement possible et profiter de la vie et des bons moments en famille. Ici il n’y a pas de stress et surtout pas d’âge pour aller au bout de ses rêves. Je ne me projette pas trop loin et laisse le temps aux enfants de grandir. J’aimerais beaucoup faire un travail en relation avec mes origines, faire connaître la Réunion, mais pour ça je devrais certainement déménager dans une grande ville de Suède ou être en déplacement très souvent alors nous verrons bien dans quelque année… Pour l’instant je vais à la pêche et je cueille des champignons.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

99 % des Suédois que j’ai rencontré ne savent même pas qu’il y a une île du nom de la Réunion. Je trouve ça bien que mon île soit mystérieuse. Quand je leur fais une présentation, ils sont captivés de notre mélange de culture et d’origines.

Pêche l’hiver - Pêche l’été

Quels ont été les avantages /inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

L’avantage de venir de la Réunion pour moi, c’est de pouvoir s’adapter au mieux à chaque situation et de ne jamais montrer de faiblesse. Je m’explique : quand j’étais petit à la Réunion, c’était mémé qui était la chef de famille de ses cinq enfants, d’un cousin et de moi. Elle n’avait pas de diplôme, elle ne savait pas lire et écrire, mais de mon regard d’enfant c’était le paradis. Nous avions tout. Quand je suis retourné la dernière fois sur l’île, notre maisonnette était devenue un squat et j’ai pu la visiter avec un regard d’adulte. La réalité, c’était qu’il y avait seulement trois chambres et une toute petite cuisine, rien n était aussi spectaculaire que dans mes souvenirs. Bref, j’ai vraiment compris le sens d’avoir besoin de peu pour être heureux. Moi, je pense que c’est l’éducation que j’ai reçue qui fait une grande différence dans ce pays nordique.

Et les inconvénients ?

Le plus gros inconvénient, c’est notre nourriture qui me manque, ainsi que l’ambiance créole des pique-niques. Après neuf ans ans ici, je n’arrive toujours pas à apprécier vraiment un repas suédois sans mon piment combava. Je remarque que je suis obligé de manger réunionnais très souvent pour me sentir en pleine forme !


Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Ma famille, mes amis, mais maintenant plus trop la nourriture… Maintenant je fais mon boucané créole (à la suédoise...), mon saucisse fumé, mes samoussas, mes bouchons porc combava. Mi plante mon piment cabri, mi commence bientôt avec gingembre mangue et chouchou. Mi na un stock massalé, toute la panoplie du réunionnais lé là ! Mais parfois dans certain moments l’odeur de l’île me manque, parce notre île c’est un mélange de cultures, de couleurs et d’odeurs. La Réunion recharge mes batteries et là je crois que je suis bientôt à vide...


Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Une pierre volcanique pour ne jamais oublier d’où je viens : je la regarde souvent dans mon aquarium. J’ai aussi des bouteilles de rhum Charrette (vides) pour me souvenir de notre traditionnel rhum, une bouteille en plastique Edena, une vielle collection de pins de l’époque, des autocollants de la bière Bourbon (dodo) que j’ai collés un peu partout… Et un sachet de tamarins à 1 franc que j’ai fini par manger il n’y a pas longtemps.

Test pour du chouchou - Récolte de combavas et piments cabri

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

J’ai des contacts avec plusieurs Réunionnais grâce au réseau sociaux, notamment sur le groupe de Makabi Run « zot jardin 974 en métropole » (même s’il faut changer le nom parce que la fini arrive un bout jardin réunionnais en Suède aster !) Un réunionnais que lé plus sur son ile la besoin rest en contact avec d’autres pour n’importe kel raison ou pour l’entraide. Nous lé un famille avant tout !

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Pour être franc, j’ai l’impression que la Réunion ne changera pas en mieux et c’est dommage. Le côté humain, le côté traditionnel a disparu. Il reste beaucoup de choses bien mais l’argent et le statut social passent avant tout. Ce n’est pas le souvenir que j’ai gardé enfant. J’espère que nous Réunionnais reviendront comme dans le temps lontan, soucieux de notre culture et de mettre en avant notre savoir faire.


Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

J’aime mon île, j’y suis né, mais je sais au plus profond de moi que je ne peux pas y vivre pour l’instant. J’ai vraiment besoin d’espace et que je dois aboutir à quelque chose ici. Quand mon île sera fière de moi, je retournerai au pays.


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