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Malika Aboudou Attiki, enseignante en français à Leicester

Publié le 26 octobre 2021

Du Bas-de-la-Rivière à l’un des meilleurs établissements d’Angleterre… A 21 ans, Malika est assistante-enseignante de langue française à Ratcliffe College, après une licence à l’Université de la Réunion complétée à Nottingham. « J’espère pouvoir être un exemple pour les jeunes du Bas-de-la-Rivière, leur montrer qu’il n’y a pas de fatalité et qu’on peut tous s’en sortir si on y met un peu du sien. »


Pouvez-vous vous présenter ?

Malika Aboudou Attiki, 21 ans. Je viens du quartier du Bas-de-la-Rivière à Saint-Denis. J’ai quitté mon île adorée il y a un peu plus d’un an dans le cadre de mes études pour effectuer ma dernière année de licence d’Anglais à l’université de Nottingham. Cette expérience a été tellement enrichissante que j’ai décidé de rester un peu plus pour travailler.

Racontez-nous votre arrivée en Angleterre.

Le jour de mon arrivée de la Réunion, je n’arrivais plus du tout à parler anglais, sûrement à cause du décalage horaire et du long voyage... J’ai rencontré un étudiant dans la rue qui me parlait du changement climatique et me posait des questions mais je ne comprenais pas… J’ai failli fondre en larmes devant lui parce que je pensais que je ne savais pas parler anglais finalement. Mais il m’a dit : "ne t’inquiète pas ce n’est pas toi. C’est moi, je viens de Liverpool et on a un accent bizarre. On ne parle même pas anglais correctement !"


Je suis arrivée mi-2020, au moment où le Covid battait son plein au Royaume-Uni et ça n’a pas été facile. J’ai vécu deux confinements et pratiquement que des cours en ligne mais je me suis battue pour pouvoir m’épanouir et vivre cette expérience à fond. Et puis j’ai été recrutée comme assistante-enseignante de langue française à "Ratcliffe College" à Leicester, au Royaume-Uni. C’est l’une des meilleures écoles secondaires du pays.

Comment vous sentez-vous en Angleterre ?

La plupart des Anglais que j’ai rencontré sont d’une gentillesse inébranlable. Ils sont curieux et prêts à apprendre davantage sur le reste monde. L’école dans laquelle je travaille accueille des élèves de partout dans le monde : des Nigériens, des Mexicains, des Espagnols, etc. Je n’avais jamais vu autant de nationalités réunies dans le même établissement, c’est incroyable.

Que vous a apporté l’expérience de la mobilité ?

D’abord l’indépendance. En tant qu’étudiante dionysienne, je vivais chez mes parents à 20 minutes en bus du campus du Moufia. J’ai quitté la Réunion en n’ayant aucune idée de ce que c’était que de vivre seule et dans un pays totalement différent pour ce qui est de la manière de vivre qui-plus-est. La mobilité m’a aussi apporté un regard nouveau sur le monde et l’interculture. J’ai découvert un pays avec une histoire riche et une population pleine de mixité. Cela m’a aussi amené à questionner mes propres origines, à les aimer et à les mettre en avant.


Je fais toujours l’éloge de la Réunion à mes étudiants et aux personnes que je rencontre ici. Je leur apprends que la France ne se limite pas à la Métropole et que ses horizons sont plus étendus qu’ils ne le pensent. Je leur parle de l’histoire de la Réunion et de notre culture pleine de couleurs. Je suis également assistante-ambassadrice de langue française au Royaume-Uni, ce qui veut dire que je dois représenter le drapeau de mon pays et de ma région d’origine à une échelle plus grande.

Qu’est ce qui vous manque le plus de la Réunion ?

Ce sentiment de vivre-ensemble que je ne retrouve pas forcément ici... L’ Angleterre est un pays très multiculturel, mais toutes ces différentes cultures vivent les unes à côté des autres. A la Réunion, les cultures se mêlent et s’entremêlent puis s’embrassent, et ça c’est mieux !

Quelle est l’image de la Réunion au Royaume-Uni ?

Pas grand monde connait la Réunion ici. Ils connaissent Maurice parce qu’il fut un temps où elle était britannique. Mais à moins qu’ils aient etudié le français à l’université, ils n’ont aucune idée de ce qu’est la Réunion. Mes élèves désormais ont l’image d’une île pleine de saveurs et d’un savoir-vivre qu’on ne trouve nulle part ailleurs.


Qu’avez-vous apporté dans vos valises ?

La base ! Un drapeau de la Réunion, une robe Maloya… Je m’en sers très souvent. En général je la porte pour la fèt kaf et pour la journée de la francophonie à l’école, pour mettre en lumière notre culture ici en Angleterre. Avant de partir, ma maman m’a aussi offert deux marmites créoles et je fais mon petit carry poulet et rougail saucisse dedans quand j’ai du temps.

Quels sont vos projets ?

J’ai pour projet d’enchaîner sur un Master en Science du Langage et d’aller jusqu’au Doctorat. Après cela j’envisage d’enseigner le français dans le supérieur aux États-Unis. J’aimerais également écrire des livre sur la linguistique et ses facettes. J’adore l’éducation et l’idée de transmettre du savoir aux plus jeunes. J’aspire à repousser l’ignorance autant que possible et laisser la lumière de la connaissance entrer en nous jusqu’à ce qu’elle touche notre âme.


Avantages / Inconvénients : « En tant que Réunionnaise, je comprends mieux la mixité et le vivre-ensemble. L’inconvénient, c’est que revenir sur l’île pour voir ma famille me coûte un bras.


Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

J’ai gardé contact avec ma famille bien évidemment et je pense à eux tous les jours. Leur soutien est inconditionnel, je me sens vraiment chanceuse d’avoir une famille comme ça. Je ne serais pas arrivée là si je n’avais pas eu le soutien sans limite de ma famille. Quand je suis d’abord venue ici pour étudier, j’ai partagé cette expérience avec mon amie Léa qui est retournée sur l’île par la suite. J’ai également mes meilleurs amis et mes amis d’enfance. On ne se parle pas tous les jours, mais notre amitié est aussi solide que du béton et je sais que je pourrais toujours compter sur eux.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Les inégalités qui perdurent à la Réunion m’attristent énormément. Je suis convaincue que si on offre assez de soutien financier et émotionnel à ma génération et aux plus jeunes encore, nous nous retrouverons dans quelques années avec des entrepreneurs ayant énormément projets pour l’avenir de notre île. Je pense également que partir de l’île pour revenir plus fort, avec des armes intellectuelles, est une option qui laisse une chance aux Réunionnais et à l’île de grandir et d’affronter le pire.


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