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Le Maloya du Mexique

Publié le 13 juin 2020

En photos et vidéos. « Le rythme, la danse et les ressemblances avec les musiques traditionnelles mexicaines sont bluffantes. C’est la musique africaine la plus mexicaine que je connaisse ! ». Face à l’uniformisation d’une “world music” inspirée d’Afrique, Alejandro Monterde Corona développe au Mexique le projet “Son Maloya”, de “revitalisation de notre musique traditionnelle, avec la force et la cadence de la musique de l’océan Indien.” Présentation.

Entretien avec Alejandro Monterde Corona, traduit du mexicain / Photos du groupe Son Maloya de Coyolillo, Veracruz


Musicien professionnel, j’ai vécu 10 ans en France où un jour j’ai découvert la Réunion, sa musique et sa danse sur un CD d’une audiothèque de Perpignan qui n’existe plus. Et bien que cette culture vienne de loin pour beaucoup, pour les Mexicains, elle est très proche ... Depuis que je l’ ai rencontrée pour la première fois , je n’ai pas cessé de penser, au fil des années, à de nombreuses possibilités de projets pour nos Sones ...

Ce n’est qu’à deux occasions que j’ai pu être confronté à la culture du Maloya. La première fois, c’est au début des années 2000. J’ai pu profiter et danser durant l’été français sur le Reggae-Maloya de Baster et me sentir chez moi. La seconde a été à Toulouse où j’ai eu l’occasion d’assister à un concert de Danyel Waro, dansant avec tout le monde dans une atmosphère de passion et d’ extase, aussi forte que dans les fandangos de mon pays ! Je l’ ai dit à Danyel dans sa loge : un jour j’enverrai une vidéo ou l’ enregistrement d’un groupe de musique Maloya jouant la musique traditionnelle du Mexique !
J’espère qu’un jour je pourrai visiter La Réunion pour voir et participer à cette tradition en direct !

Ressemblances…

De toutes les musiques et danses africaines que j’ai eu à voir et à entendre, le Maloya est la danse africaine la plus mexicaine que je connaisse, qui peut être fusionnée avec n’importe quel son mexicain en raison de ses caractéristiques rythmiques et parce qu’on y trouve un ensemble de percussions parfait pour fusionner avec la partie mélodique et harmonique de notre musique traditionnelle. On peut donc la dynamiser avec l’ensemble de cordes et / ou vents que l’on a normalement dans nos « Sones » qui viendrait enrichir les percussions !

De plus, tous les instruments peuvent être fabriqués dans la région tropicale du Mexique , car les matériaux sont facilement disponibles tels que le bambou, la canne à sucre et le bois pour les tambours.


Qu’est-ce que le « Son » ?

Dans la péninsule ibérique et en Amérique latine, la musique et la danse qui sont dansées et jouées dans une région ayant les mêmes traditions sont appelées Sones. Les Sones varient selon les régions, en s’imprégnant des nuances de chaque communauté dans sa musique, son chant et sa danse. Toujours avec une racine commune…. La plupart des danses au Mexique (ainsi que dans la zone andine) ont préféré la mesure ternaire ¾ et 6/8, au lieu du binaire comme l’ont fait nos cousins des Caraïbes. Nous le jouons entre le ternaire et le binaire pendant qu’eux le font inversement, c’est ainsi que nous nous complétons…

Le Maloya est basé sur le même principe rythmique que tout les « Sones » du Mexique, c’est à dire en mesure 6/8. D’où l’intérêt de le fusionner avec nos sons. La plupart des musiques africaines que nous connaissons sont binaires, mais pas le maloya, qui est pratiquement ternaire.

Les tenues

Dans la tenue traditionnelle de la danse maloya, on retrouve la jupe longue avec laquelle la femme joue, faisant partie de ses mouvements comme dans les danses mexicaines. Au Mexique, on danse façon « roots », sans chaussures, par terre, sur le sable ou un plancher. Et il existe une forme très particulière, la Chilena (Sones de la petite côte de l’état d’Oaxaca et Guerrero) où on danse dans le sable ou sur le sol ; presque en le pétrissant …

Explications...

Au Mexique, nous avons hérité de la danse et de la musique espagnole, arabe , gitane, indigène et africaine. La zone dans laquelle le Maloya se développe dans l’ océan Indien a été également peuplée de populations d’origines différentes, ce qui a donné un mélange très particulier, où la mesure 6/8 a été choisie comme la base sur laquelle se construit un rituel qui, comme le nôtre , nous fait danser, chanter, jouer, improviser ensemble jusqu’à ce que nous soyons satisfaits !


Le Maloya est également le fruit du métissage qui s’est produit avec l’arrivée de divers groupes ethniques sur les îles de l’océan Indien, créant une danse et une musique qui, dans chaque île, ont des variations régionales , comme dans toutes les musiques et danses traditionnelles du monde. Un ensemble d’artistes variés partagent la musique, la danse, le chant, la poésie populaire et dévotionnelle. Les îles dont je parle sont La Réunion, Maurice, les Seychelles, les Comores et le sud de Madagascar ainsi qu’une partie du Mozambique continental (jusqu’à on ne sait où) …

Le projet « Son Maloya »

Le projet que nous avons imaginé est la création d’une nouvelle musique et danse. La fusion du Son mexicain en 6/8 (quel qu’il soit : Son Jarocho, Son Huasteco, Son Jalisciense , Chilena ) avec le Maloya de toute une zone insulaire de l’océan Indien , où se trouve l’île de la Réunion. L’un de nos principaux objectifs est que cette « graine » d’une nouvelle danse africaine au Mexique soit diffusée et connue et que diverses possibilités soient proposées pour l’aborder selon la région, car il s’agit d’une fusion de la danse maloya avec les racines de chaque région du Mexique et de l’Amérique latine .

Les racines africaines

La musique et la danse du continent africain que nous connaissons communément au Mexique, nous l’ avons appelée du « Djembé » ou simplement « Africana ». Or, le Ddjembé n’est qu’un des instruments de l’ensemble Malinké (le vrai nom de cette musique et de cette danse). Le Malinké correspond au nom d’un des vastes empires de l’Afrique de l’ Ouest : l’empire mandingue (près du port de Veracruz, il y a une population appelée Mandinga , dans la lagune du même nom).

Comme le veut la devise « diviser pour mieux régner », l’empire Mandingue a été divisé entre les colonies européennes dans la vaste région que nous connaissons actuellement comme le Mali, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, la Guinée, le Burkina Faso . Cette musique et danse est devenue la danse d’exportation de l’Afrique de l’Ouest en particulier et de l’Afrique en général. 


Marchandisation et « world music »

Originellement danse rituelle, musique et véritable mode de vie pour tous les habitants des villages, hommes, femmes ou enfants, de tous âges, cette musique a quitté son contexte pour être aujourd’hui un produit qui génère beaucoup d’argent. Elle est devenue un spectacle chaque fois plus éloigné de son origine et de son essence.

L’idée de rendre la danse traditionnelle aux communautés répond également au rétablissement des valeurs sociales et métaphysiques de la danse dans la communauté. Car depuis de nombreuses années avec la diaspora des musiciens et danseurs africains en Europe et en Amérique le Malinke s’est transformé en véritable marchandise : dans l’industrie musicale, dans les cours de danses, percussions, donnés par des Africains de la diaspora, ou des étudiants qui se sentent déjà spécialisés.

Le projet sur lequel nous parions est de rendre cette musique et cette danse aux communautés pour régénérer ses racines et la démocratiser . Nous parions sur la création d’une nouvelle danse, revitalisant notre musique traditionnelle, avec la force et la cadence de la musique de l’océan Indien.

Pour travailler le Maloya au Mexique, notre répertoire se compose de diverses pièces des communautés afro-descendantes d’Amérique latine, de la musique traditionnelle mexicaine, de son jarocho, de la côte de Guerrer ou d’Oaxaca, de la musique afro-péruvienne, de ses propres compositions et arrangements de pièces du répertoire maloya.


Nous avons fait des adaptations du répertoire du Maloya Latino, avec des paroles en espagnol, mettant l’accent sur le jeu poly-rythmique des tambours et nous avons réussi à imiter les instruments du Maloya en utilisant les instruments de chaque lieu et des matériaux recyclés.

Fabrication d’instruments

Pendant des années, j’ai également conçu un atelier pour créer des instruments de musique à percussion fabriqués avec des éléments du terrain. L’assemblage de base des percussions du Maloya repose sur trois instruments qui sont fabriqués avec des matériaux du terrain : un grand tronc creux pour faire un tambour grave (ou un gros tonneau) (pour le Roulèr), la tige de la fleur de canne pour faire un maraca carré avec des graines à l’intérieur (pour le Kayanm) , le bambou pour fabriquer des instruments similaires à nos « Teponaztlis » (pour le pikèr) et quelques accessoires métalliques qui peuvent être facilement obtenus sous forme de triangle et de feuille... Nous faisons des adaptations instrumentales avec les instruments que nous avons, nous fabriquons nos propres versions des instruments du Maloya et nous utilisons des matériaux recyclés.

L’effet de cette musique chez les enfants, les jeunes et les adultes a toujours été très positif. Voici donc la première graine de maloya au Mexique. Espérons que beaucoup de fleurs différentes en sortiront qui danseront avec le vent ; de nombreuses couleurs, odeurs, saveurs... et sons !

Alejandro - biographie

Je m’appelle Alejandro Monterde Corona. Je suis compositeur, guitariste et chanteur. Je joue des “Sones” et de la musique traditionnelle, ainsi que des compositions originales basées principalement sur des rythmes traditionnels du Mexique et du monde.


J’ai étudié la clarinette à la Faculté de musique de l’Université Veracruzana, à l’École nationale de musique et à l’École supérieure de musique, la composition et dans cette dernière, en Jazz, la clarinette, le saxophone et la flûte traversière ; la guitare est mon principal instrument, je le joue depuis l’âge de 10 ans avec le professeur Gerardo Tamez . J’ai suivi plusieurs cours de chant, de percussions et travaillé avec différents groupes au Mexique, en Europe, en Amérique centrale et à Cuba.

J’ai terminé ma formation au Conservatoire National de France dans la région des Pyrénées en musique traditionnelle catalane et mexicaine.
Je forme des groupes traditionnels à travers le Mexique depuis plus de 30 ans et dans d’autres pays d’Europe, d’Amérique centrale et des Caraïbes.

Contact : [email protected] / www.facebook.com/etnoafromexicano / www.facebook.com/Son-Maloya-Coyolillo-1418386421605908/

Mon expérience de travail du Maloya avec le Son du Mexique s’est essentiellement déroulée dans cinq domaines :

1. Au centre de Veracruz , le bassin de la rivière Actopan dans les communautés de Coyolillo, Trapiche del Rosario et Actopan .
2. Dans le sud de Veracruz le Chacalapa, Acayucan et dans une petite communauté près de Montepio , sur la côte de la Tuxtlas .
3 . La Costa Chica . À Oaxaca , les communautés de Chacahua, Collantes, El Ciruelo, Escobilla, Tonameca et Mazunte . Et la communauté de Marquelia , dans l’État de Guerrero.
4. Dans les communautés rurales de l’ État de Colima.
5. Dans la péninsule du Yucatan , dans la communauté indigène de Buena Vista, Othón P. Blanco, Quintana Roo.




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