Publicité

Margaux Lucas : de Saint-Joseph aux confins du monde

Publié le 31 janvier 2023

De la Suède à la Nouvelle-Zélande, de l’océan Indien à l’Irlande, Margaux parcourt la planète depuis le début de ses études. Elle raconte comment paradoxalement, l’éloignement l’a rapproché de son île d’origine, la Réunion.

Suède

Pouvez-vous vous présenter ?

Margaux Lucas, originaire de Saint-Joseph. Résidente à Manapany-les-bains depuis ma naissance, je suis créole, d’un père de la Plaine des Grègues et d’une mère métropolitaine installée à La Réunion depuis 1989. J’ai quitté La Réunion en 2016 pour les études à Toulouse, où j’ai suivi un bi-licence d’histoire en anglais. A cause de grèves universitaire et de retards administratifs, j’ai décidé de rentrer à La Réunion pour ma dernière année de licence d’histoire. Cette année à l’université du Moufia m’a permis d’en apprendre davantage sur l’histoire de la Réunion et de faire expérience de mon île en suivant des ateliers de maloya et de percussions. Je suis heureuse d’avoir pu intégrer le milieu universitaire réunionnais.

Avant un nouveau départ ?

Entre ma licence et mon master, je suis partie faire un Working Holiday Visa en Nouvelle-Zélande. Cette année a été très marquante et enrichissante ! J’y ai fait beaucoup de rencontres et l’apprentissage de l’anglais. J’ai aussi vécu mes premières expériences du monde du travail, d’abord comme au-pair dans une famille, puis comme serveuse dans une petite ville de l’île du sud. J’ai conclu mon voyage par un un road-trip en van de trois mois seule, où je rythmais mes journées par des randonnées. Ce voyage m’a notamment fait prendre conscience de l’amour que je portais à la culture créole. Durant mes longues journées de route, les albums d’Alain Peters, Zanmarie Barré, Simon Laguarigue tournaient en boucle. J’ai construit avec les moyens du bord un petit kayanm et j’essayais tant bien que mal de progresser ! 

Nouvelle-Zélande

J’ai alors décidé de suivre mon intuition et de poursuivre mes études dans le domaine culturel. J’ai été prise en master Projet Culturel et Artistique à Paris 8. Cependant ma vie parisienne a été de courte durée… Le Covid et les confinements à répétition m’ont guidé tout droit vers la maison. 2020-2021 a donc été une année de retour aux sources et de cours à distance. J’ai aussi repris les cours de maloya, cette fois-ci à Saint-Joseph avec l’atelier chant/percussion de Stéphane Grondin, qui transmet sa passion de la musique et qui raconte l’histoire de cette dernière. J’ai compris que le maloya n’était pas qu’une musique, un folklore, mais qu’il a participé à la cohésion sociale de l’île. 

Et ensuite ?

En 2021, nouveau départ pour un an d’Erasmus à Stockholm ! J’ai vécu en « coliving », une belle expérience de vie où j’ai partagé mon quotidien avec une dizaine de personnes de nationalités différentes. Durant cette année, j’ai fini mon mémoire, travaillé au Lycée français de Stockolm en tant qu’animatrice, fait l’expérience du froid polaire et des nuits à rallonge... Ce que j’ai le plus apprécié dans ce pays, c’est l’harmonie et la grande sobriété qui y règne. Pendant la période de Noël, tout le monde accroche une étoile dorée devant sa fenêtre, et la ville scintille de ses bâtiments étoilés dès 2h de l’après-midi !

Suède

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Je suis en stage de fin d’études à l’Alliance Française de Dublin, en tant qu’assistante culturelle. L’Irlande est un pays très chaleureux malgré le froid, avec de la musique et des pubs à tous les coins de rue. Je n’ai pas pu encore beaucoup le visiter par manque de temps, mais j’ai le projet de le faire pendant quelques semaines avant de partir au mois de juin. Les Irlandais sont chaleureux, ouverts et simples. Ils vont essayer de créer un lien d’amitié durable ; c’est vraiment des gens à qui ont peut faire confiance !

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

En Irlande, en Suède et en Nouvelle-Zélande, peu de gens connaissent l’existence de l’île. Pour ceux qui la connaissent, c’est généralement pour son patrimoine naturel qu’elle est reconnue : le volcan, les montagnes et les bonnes vagues.

Irlande

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Difficile à dire, mais dès septembre 2023, je serai sur le marché de l’emploi. J’aimerais continuer à vivre à l’étranger, en Australie ou en Afrique du Sud pourquoi pas. Mais ce que je veux vraiment, c’est travailler dans une structure qui œuvre à la valorisation du patrimoine et qui aide à la mobilité et aux échanges culturel et sociaux entre les pays de l’Indianocéanie. C’est assez spécifique, donc j’ai encore pas mal de recherches à faire sur le sujet… Rentrer à la Réunion ? C’est une décision difficile que je ne me sens pas prendre maintenant. Si je rentre, ça sera pour le long terme, avec un projet bien défini. Pourquoi pas une bonne opportunité professionnelle dans le milieu culturel ?

D’où vous vient ce goût pour les voyages ?

J’aime le mouvement et pour moi la mobilité était une évidence. J’ai beaucoup voyagé étant jeune avec ma famille, cela a réellement construit mon identité. J’aime être déstabilisée, être dans un environnement inconnu, construire et déconstruire, vivre dans le rebondissement permanent... Etre insulaire pour moi, c’est vivre entre ancrage et déploiement. Selon moi, c’est une grande force de venir d’une île car quand tu pars une fois, tu peux aller n’importe où. Mais c’est aussi à double tranchant, car il est toujours difficile d’être loin de chez soi ; quand tu pars, c’est toujours un grand saut ! Il y aura toujours un océan entre là où tu es et chez toi. Alors que ce soit à 500 km où à 15 000, ça n’a pas grande importance. 

Nouvelle-Zélande

Quels objets de la Réunion transportez-vous ?

Je ramène toujours le safran de mon papa qui vient de la Plaine des Grègues, deux ou trois kilos de saucisses/boucané, et évidement du piment. Comme objets, toujours pour la cuisine et même si ça pèse lourd : mon pilon !

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

A l’étranger c’est plus compliqué, mais ça m’est déjà arrivé de faire des rencontres surprenants. Pas plus loin qu’il y a deux semaines, j’ai rencontré une amie de collège dans une rue passante de Dublin ! Elle aussi habite là bas depuis quelques années. Sinon tous mes plus proches amis sont réunionnais aussi, on se retrouve en métropole où en vacances à La Réunion pour les fêtes !

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

J’ai l’impression que le tourisme bat son plein depuis la fin du Covid. C’est une bonne chose, mais je pense l’aménagement et la valorisation de notre patrimoine restent encore être améliorer. J’ai l’impression que la façon de vivre à la créole devient de plus en plus marginalisée, au profit d’une société très axée sur la consommation... Quand je vois le nombre de supermarchés ça me dégoute... L’île devient de plus en plus attractive, mais sans aménagement du territoire, elle devient de plus en plus encombrée et la crise du logement s’installe... A Dublin, il y a une crise du logement depuis 10 ans et je la subis personnellement. Il y a beaucoup de précarité et les inégalités se creusent... La Réunion subit elle aussi cette crise qui devient de plus en plus pérenne et ça me fait un peu peur sur les conséquences que cela pourrait avoir notamment sur notre vivre-ensemble qui dans ces conditions est mis au défit.

En même temps je suis ravie de voir que les activités culturelles ont repris et que la Réunion est gorgée d’autant de projets et de personnes investies à faire connaître sa singularité, à enrichir notre bel imaginaire créole...


Plus de parcours de Réunionnais(es) GRANDS VOYAGEURS

Publicité