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Marie-Thérèse Gasp, 46 ans, ex enfant de la Creuse

Publié le 22 décembre 2009

Placée dans la Creuse à l’âge de 4 ans puis adoptée dans la Sarthe, Marie-Thérèse n’a revu sa mère que 30 ans après son départ de la Réunion, suite à de longues démarches. Ex athlète de haut niveau, elle est aujourd’hui agent d’enquête au CREDOC (Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie). Elle habite Paris depuis 5 ans.

Marie-Thérèse Gasp, enfant de la Creuse

Racontez-nous votre parcours.

Je suis née à Piton Saint Leu (la même ville que l’ex miss France Valérie Bègue !). Je fais partie des enfants réunionnais de la Creuse. Aujourd’hui, je n’ai plus besoin d’expliquer cette affaire. Il y a un bon documentaire intitulé « Arrachée à son Ile » qui a été tourné en 2002 (voir ci-dessous).

Comment cela s’est-il passé pour vous ?

Placée dans la Creuse à l’âge de quatre ans puis adoptée dans la Sarthe, j’ai de mauvais rapports avec les parents adoptifs. A 17 ans, je quitte ce ménage d’adoption et commence mes démarches vers mes origines. Que d’aventures j’ai vécu avant d’embrasser ma maman 35 ans après ma naissance ! Ensuite, je deviens un objet médiatique. Etre victime ca fait mal. Mais toutes ces aventures m’ont forgé une capacité à comprendre mon prochain.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?

Aujourd’hui, je suis maman de trois enfants, et bien sûr je traine avec un problème identitaire. Je ne me suis jamais mariée. La liberté est bien dure à vivre. Mais qui dit liberté dit légèreté. Il faut rester équilibrée mentalement et physiquement (je suis ancienne athlète de compétition) !

Quels sont vos projets ?

J’ai des projets dans l’audiovisuel et aussi des projets d’écriture : un roman et une biographie, qui m’a été demandée par la région Ouest de la France.

Que ressentez-vous aujourd’hui du fait d’être Réunionnaise ?

Avantages : notre sourire créole, notre souffrance créole et nos joies créoles. Indescriptibles en métropole et un passe partout pour le Réunionnais exilés...
Inconvénients : peu de compréhension en métropole sur le comportement créole réunionnais dans tous les domaines. Ici, j’ai fait cinq régions pendant mon parcours professionnel. J’ai particulièrement apprécié la Bretagne, le Morbihan.

Quel est votre regard sur les régions que vous avez traversées ?

J’ai plein de chose à dire sur les régions de France. Grâce à mon travail j’ai pu voir, m’installer dans beaucoup de régions : la Loire et ses châteaux, l’Alsace et ses châteaux de contes fées, la région parisienne qui cache aussi un passé très lourd, la Bretagne, ses histoires mystiques et ses druides, la côte d’Azur et la côte d’opale, en passant par le pays de Caux. Je dirais que la France est un pays merveilleux, plein de beauté et de mystères. Vu de l’oeil d’une métisse, les régions ne sont que plus belles entre souffrance et richesse, entre joie et misère.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Ici à Paris, c’est une île touristique où ne sont perçus que les mets culinaires, les paysages géographiques… le folklore quoi. La population n’est pas bien citée. Dommage, car ce sont eux qui font la Réunion en partie.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

C’est bizarre non. Je ne tiens pas de grande relation avec les Réunionnais à Paris et voire même en Province.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

C’est un désastre pour moi : l’île intense évolue et change de profil. J’espère que l’audiovisuel va s’ouvrir, que la culture va se maintenir et qu’elle deviendra beaucoup plus connue en métropole. Identité oblige... pour ne pas se perdre.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

Rester réunionnais, c’est là votre richesse. Vive le métissage !

Que pensez-vous du site www.reunionnaisdumonde.com ?

Génial, heureusement qu’il est là. Je me sens beaucoup plus près de mon île.

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Lire aussi :
Petite histoire des enfants réunionnais déplacés en métropole
Le Cercle des Amitiés Créoles de la Creuse
- Lire le témoignage d’enfants de la Creuse (interviews Réunionnais du monde)

Les enfants de la Creuse : repeupler la Creuse avec des Réunionnais enlevés à leurs familles

Résumé du documentaire « Arrachée à son île » de Patrice du Tertre, diffusé sur France 5 en 2002.

Soustraite à sa mère à l’âge de 6 semaines, Marie-Thérèse Gasp a 3 ans lorsqu’elle arrive dans la Creuse, en avril 1966, en compagnie de plusieurs dizaines d’enfants de la Réunion. Bientôt, ils seront près de 1000 déracinés, arrachés à leur ile, perdus, abandonnés de l’institution qui avait la charge de veiller sur eux, la Ddass.

Cette opération dite de "promotion sociale" a été organisée entre 1966 et 1971 par les plus hautes autorités françaises et des élus locaux afin de résoudre un double problème : l’accroissement démographique de la Réunion et la désertification de certains départements de la métropole. 35 ans après, Marie-Thérèse est à la recherche de son passé. Ce film la suit dans ses démarches.


Plus d’informations sur les enfants de la Creuse

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