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Matthieu Hoarau, porteur de projet en développement durable – Spécial retour

Publié le 10 septembre 2018

Il a travaillé sur une usine de dessalement à Bora Bora, l’Energie des Mers au Chili, a parcouru l’Europe pour DCNS, avant de prendre le poste de secrétaire général du cluster Temergie Réunion. Double diplômé ingénieur et école de commerce, Matthieu nous raconte ses voyages, son retour et sa volonté d’accompagner les projets innovants de La Réunion.


Pouvez-vous vous présenter ?

Matthieu Hoarau, 34 ans, originaire de La Possession. Ingénieur en Mécanique, j’ai également un Mastère en Innovation et Technologie de l’Ecole Supérieure de Commerce de Toulouse. Je suis actuellement en phase transitoire au poste de secrétaire général de Temergie, en création d’entreprise et en autoconstruction.

Quel a été votre parcours de mobilité ?

J’ai quitté l’île après le bac à 17 ans. Direction la Bourgogne à Nevers pendant quatre ans pour faire mes études d’ingénieur automobile dans l’école rattachée au circuit de F1 de Nevers Magnycours. Comme pour tous les Réunionnais, l’adaptation au climat a été difficile et quitter le cocon familial a été une épreuve. Mais j’avais la chance de pouvoir rentrer souvent et d’avoir des amis dans différentes villes métropolitaines.

J’ai effectué mes stages de quatrième année et ma dernière année en Erasmus en Espagne : à Valence pendant quatre mois et à Valladolid neuf mois, pour me spécialiser en tant que motoriste et envisager d’entrer dans les écuries de compétition moto. N’ayant pu avoir d’opportunités dans les écuries de courses, j’ai fait mes stages dans l’industrie automobile : dans la dépollution et le passage aux normes Euro V pour la diminution des émissions de CO2, notamment chez Renault Valladolid.

Et ensuite ?

Direction Toulouse en Ecole de Commerce pour rebondir dans le développement durable, car les énergies renouvelables avaient le vent en poupe à La Réunion. Aimant l’innovation, je me suis penché sur le dessalement de l’eau de mer afin de pouvoir avoir une longueur d’avance sur l’implantation de nouvelles technologies à La Réunion. C’est ainsi que j’ai cherché un stage partout à travers le monde pour travailler dans le dessalement. C’est une petite boite bretonne du secteur qui m’a mis en contact avec la Polynésienne des Eaux. Direction Bora Bora pour un stage de six mois à travailler sur l’implantation de centrales de dessalement, la mise en place de la maintenance sur le réseau d’assainissement et le réseau de distribution d’eau au sein de la filiale du groupe Suez Environnement.

Comment-cela s’est-il passé ?

Devant rendre une thèse professionnelle digne d’un mastère spécialisé de grande école, j’ai fait une étude technico-économique sur le couplage des énergies renouvelables et du dessalement. Je me suis passionné pour les énergies marines, et plus particulièrement l’Energie Thermique des Mers (ETM). La Polynésie devait accueillir un projet de ce type dans les années 80, suite au choc pétrolier de 1973, porté par Ifremer. Pendant mon stage, je suis entré en contact avec l’ancien chef de projet M. Michel Gauthier, qui portait avec d’autres scientifiques retraités d’EADS, ASTRIUM et du CNRS , l’association « Le club des argonautes ». Grâce à eux, j’ai pu affiner mon expertise dans les énergies marines et je les en remercie. Suite à mon stage, on m’a proposé un poste en Polynésie, mais j’ai décidé de rentrer à La Réunion, pour voir si je pouvais trouver du travail.


Comment avez-vous trouvé du travail ?

Par chance, un 20 Décembre aux actualités, des chercheurs et un médecin du CHU, passent à la télé et parlent d’ETM. Je les contacte et arrive à décrocher un entretien à l’ARER (Agence Régionale Energie de La Réunion). J’avais déjà envoyé quatre fois mon CV à cet organisme, sans aucune réponse ! Là je saute sur l’occasion, sachant qu’ils proposaient un stage sur l’ETM. J’arrive à transformer le stage en CDD au SMIC, pendant quatre mois et je réalise une étude sur le développement de l’ETM à La Réunion. Par la suite, j’arrive à consolider le poste sur l’étude de diverses énergies marines à La Réunion. L’ARER et La Région Réunion concluent alors un partenariat avec DCNS sur une étude (1 M€) de faisabilité d’un démonstrateur ETM à La Réunion.

C’est alors que vous êtes reparti...

Après 18 mois à La Réunion, j’ai décroché un poste chez DCNS à Nantes, en tant que responsable marketing. J’y reste un an et demi et rejoins ensuite Brest pour quatre ans. J’ai pu évoluer chez DCNS en tant que chef de projet et responsable commercial et j’ai sillonné la France et l’Europe (Danemark, Ecosse, Allemagne, Espagne, Angleterre, Irlande, …) pour participer au développement des énergies marines, avant d’être détaché en Amérique du Sud pour la mise en place d’un centre de Recherche en Energies Marines au Chili. J’ai décidé par la suite de rentrer à La Réunion pour prendre le poste de secrétaire général de Temergie, Cluster Energie de la Réunion. Depuis je n’ai pas trop bougé… ça me manque un peu…

Avez-vous eu des difficultés à vous réinstaller à la Réunion ?

Il m’a fallu à peu près deux ans pour trouver un poste qui me correspondait. En passant des entretiens sur d’autres postes, j’avais parfois l’impression de « faire peur » aux recruteurs. Les difficultés au retour sont réelles. Ce n’est pas parce que vous avez accumulé des expériences intéressantes ailleurs que vous ne devez pas refaire vos preuves localement.

En tant que Réunionnais expatrié de retour sur son île, avez-vous ressenti un « avantage concurrentiel » ?

Oui et non. On vous fait croire que oui mais il y a peu de solidarité entre créoles. Je pense qu’il y a du travail à La Réunion mais au vu de la forte demande, les postes sont très prisés et les salaires sont tirés vers le bas. Les évolutions ne sont pas simples car l’écosystème est petit. Mais cela ne se passe pas pareil pour tout le monde...

Que pensez-vous du marché du travail dans votre secteur ?

C’est parfois assez décevant : les « jeunes dynamiques » se font souvent étouffer par les « anciens », les patrons et patronnes étant assez fermés. Il n’est pas simple de se faire une place et de trouver un poste où l’on soit en mesure d’exprimer ses pleines capacités. Dès que vous allez faire quelque chose, que vous avez une idée, vous avez le sentiment d’être freiné… J’ai l’impression que les choses pourraient avancer beaucoup plus vite. La Réunion pourrait être une terre de développement pour La France dans de nombreux secteurs d’activités.

La DCNS a envisagé l’installation d’un prototype ETM à la Réunion.

Quels sont vos projets ?

A travers mes futurs projets d’entreprises ou les actuels, ils sont toujours d’accompagner le développement durable et des énergies renouvelables à La Réunion. J’aimerais que les Réunionnais prennent conscience de leur pouvoir face à la société de consommation

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

J’en retire des expériences de vie et de travail, d’autres manières de penser et de faire, plus ouvertes que ce que l’on peut vivre actuellement à La Réunion. L’ensemble de mes changements ont été poussés par l’envie de découvrir, la soif d’apprendre, d’affronter mes peurs et ma curiosité. Et aussi à chaque fois, il y avait aussi une raison de cœur et d’amour. Je remercie les personnes qui m’ont aidées, soutenues, et aimées, ainsi que ma famille qui m’a permis de vivre cela.

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

La Réunion garde encore de très nombreux paysages et lieux magnifiques, un mélange de cultures et d’ethnies qui n’existe nulle part ailleurs. Mais au titre des déceptions je dirais : le poids du pouvoir politique, le creusement des inégalités, les embouteillages et le manque d’alternatives de transports en communs, que l’on ne puisse plus aller à l’eau… Enfin, trop de Réunionnais se font berner par l’industrie se résignent à la société de consommation, à en voir le nombre de diabétiques et de personnes touchées par l’obésité.

Qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

Je pense que c’est la même chose partout dans le monde : avec l’arrivée du numérique et des smartphones, on observe une perte de solidarité et d’humanité dans les relations proches, telles que les relations de quartier. Je trouve qu’il n’y a moins de solidarité, de communication entre les gens, les familles et qu’il y a plus d’égoïsme, d’irrespect...

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaiteraient rentrer sur l’île ?

Faites-le, vous allez vivre une expérience riche sur laquelle une prise de recul tous les six mois vous fera du bien. Posez vous les bonnes questions. Partagez sur votre territoire les expériences et le savoir que vous avez accumulé. Investissez-vous dans le développement de La Réunion et d’une ile saine : socialement, culturellement, environnementalement…


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