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Michel Payet, 50 ans, surveillant de port à St Barthélemy aux Antilles

Publié le 16 décembre 2006

Originaire d’une famille de 10 enfants de la Petite-Île, Michel quitte l’île après la troisième pour un stage tourneur et le service militaire en métropole. A Paris, il rencontre une fille (la perle des Antilles comme il dit), qui va le convaincre de devenir le premier Réunionnais à s’installer à St Barthélemy, une petite île française des Caraïbes. Aujourd’hui, Michel est un homme heureux. Après avoir fondé une famille, à quelques mois de la retraite, il s’apprête à revenir habiter à la Réunion.

D’où êtes-vous à la Réunion ?

"Je suis originaire de Petite-Île, lieu-dit Piton Goyaves (j’y tiens !). Je suis le huitième d’une famille de 10 enfants, 7 garçons et 3 filles. Mes parents étaient de simples paysans. Dans les années 60-70, c’était dur, mais la vie était très familiale".

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

"Après la troisième, je suis parti à St Etienne (ALLEZ LES VERTS) pour faire un stage de tourneur. De 74 à 76. La France ne m’a pas réussie… Je pensais à la Réunion tout le temps, le travail ne me plaisait pas. Comble de malchance, le quartier de St Etienne où j’habitais s’appelait Le Soleil, mais la région du Forez -anciennement des mines de charbon- était noire, sale et l’hiver insupportable".

Qu’avez-vous fait ?

"J’ai tout de suite fait mon service militaire dans les parachutistes à Metz. En 77, je suis arrivé à Paris : petits boulots, restauration, grandes surface. J’habitais à Croissy sur Seine dans le 78, une banlieue chic, tout près de Paris. C’était la belle vie, les virées sur les Champs Elysées le samedi soir, les filles… Nous avions 20 ans à l’époque. Et là, je tombe sur la perle des Antilles ! Paulette de St Barth. Personne ne connaissait cet endroit à la fin des années 70. Nous sommes partis en vacances à la Réunion (elle adore), et je l’ai suivie à St Barth. J’y suis encore en 2006".

Vous avez fondé une famille.

"Ma femme est aide maternelle. Nous avons deux fils : Angelo, 24 ans, pêcheur, et Tommy, 18 ans, frigoriste. Nous avons une maison et pour le moment la vie est un long fleuve tranquille. Je travaille à la capitainerie du port de Gustavia. J’ai le grade de surveillant de port, qui consiste à attribuer les places à quai pour les voiliers et les méga yachts jusqu’à 60 mètres. Ensuite j’accueille les capitaines pour leurs formalités d’entrée et d’immigration".

Quels sont vos projets ?

"A 50 ans, c’est la retraite pour revenir à la Réunion !"

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

"Tout. La famille, les cascades, les fruits… Tout ce qui manque à St Barth, c’est à dire tout à part le dollar…"

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

"Connaître un peu plus le monde, la proximité des USA et du Canada où j’ai fait plusieurs voyages. J’ai visité aussi les petites Antilles, de Miami à Aruba et Curaçao. C’est très différent de l’océan Indien".

Michel Payet

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

"Je reste assez au courant via le Net de la vie à la Réunion, que je compare aussi avec la Guadeloupe et la Martinique au niveau du climat social, du développement, etc. Je pense sincèrement que la Réunion a une bonne longueur d’avance. Mais souvent elle passe aussi à côté de beaucoup de choses simples dans la vie de tous les jours. En se focalisant trop sur le développement excessif (tourisme, routes) et la consommation, les Réunionnais laissent à la traîne le social, l’emploi, et par exemple la prophylaxie. Pour moi l’épisode du chik est impardonnable. Rien n’a été fait depuis les années 60. Or dans les zones tropicales, les gestes simples suffisent parfois à éviter le pire. Et je ne crois pas que le fric qui a été mis dans les pubs de relance du tourisme -qui sont trop compliquées- serve à quelque chose. Il faut revoir cette copie".

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

"Je le dis aujourd’hui sans polémique. Les bamboulas, c’était tous les noirs d’outre-mer et d’ailleurs arrivés en France. Je l’ai vécu avec mes copains de la Réunion un peu partout en France. Tout le monde souffrait de cette situation… Je pense que la discrimination est encore plus forte aujourd’hui, mais pour moi cela n’a pas posé trop de problèmes. A St Barth la Réunion est très appréciée. J’étais le premier Réunionnais à s’installer ici. Aujourd’hui les gens s’informent de ce qui se passe à la Réunion et ne manquent jamais de m’en parler. Plusieurs personnes ont passé des vacances merveilleuses à la Réunion".

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

"Oui, surtout via le Net. Nous sommes six ou sept à St Barth. Rencontrer des Réunionnais me manque beaucoup. Je me sens un peu isolé à 20H d’avion de mon île, mais j’ai ma famille et surtout 2 ou 3 ti morceaux ségas que mi écoute tan zantan".

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

"St Barth dans la Caraïbes Est : 24 km carré, une immigration très contrôlée -ce qui enlève la plupart des problèmes, des gens qui travaillent tous (chômage inexistant), un niveau de vie assez élevé, un tourisme de haut de gamme… Qui font que St Barth est très agréable à vivre".

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

"Restez chez vous (rires). Non… Il faut partir se perfectionner à l’extérieur, mais toujours essayer de revenir faire partager son expérience aux autres. Sur M 6 dans Capital, ils ont dit que 25 à 30 000 métros veulent s’installer chaque année à la Réunion, qui est la première destination. S’il existe autant de chômage, comment font-ils ? Il faut faire très attention que la Réunion ne se vide au profit des nouveaux arrivants qui sont accueillis les bras ouverts, en disant que les créoles sont moins capables que les métros. Pour avoir connu un peu de tout, je ne me sens pas du tout inférieur. La Réunion appartient aux Réunionnais, mais rien ne les empêche de la partager avec tous ceux qui ont choisi de vivre et de respecter ce qu’ils ont trouvé sur place en arrivant".

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