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Naïme Vally, webmaster de la Web radio indienne Teen Taal à Paris

Publié le 7 mars 2010

Employé dans une grande entreprise de Télécom à Paris, Naïme est, à 29 ans, l’un des cofondateurs de la webradio TeenTaal, la radio indienne/Bollywood la plus écoutée au monde depuis quelques années.

Naime Vally

D’où êtes-vous à la Réunion ?

J’ai vécu toute mon enfance à Saint Denis, Bas de la Rivière, un endroit que j’affectionne particulièrement. Même si La Réunion offre une diversité de paysages, d’endroits insolites, de montagnes, de bords de mer, Saint Denis est quand même la ville où il se passe toujours quelque chose et on ne s’ennuie jamais.

Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

J’ai quitté la Réunion d’abord pour Madagascar, pour mettre en place un projet familial : l’école de la Francophonie. J’ai également travaillé dans un groupe où j’ai pu mettre en œuvre mon expérience. J’ai ensuite poursuivi mon chemin vers la Métropole. Je pense que c’est le cas de beaucoup de jeunes qui, malgré la douceur de vivre à la Réunion, se sentent un peu à l’étroit et sont sensibles à l’appel du monde.

D’autres raisons vous ont-elles poussé à partir ?

Je suis issu d’une famille de Gujrati. Pour ceux qui connaissent bien cette communauté indienne, elle est composée de gens qui n’ont pas peur de l’aventure, qui sont souvent de grands voyageurs et des entrepreneurs. D’ailleurs, mes parents avaient quitté Madagascar dans les années 70 dans le même état d’esprit pour s’installer d’abord en Métropole puis à la Réunion.

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Plus que des objets, je dirais que c’est un état d’esprit, une philosophie. Les habitants d’une ile sont différents par certains côtés des continentaux. Il y a une telle diversité de cultures à la Réunion, avec ce mélange de la culture indienne, ces apports du continent africain, cette idée que nous faisons partie de l’Europe… Tout cela façonne notre esprit, notre vision du monde et surtout notre propre identité. Ce qui me suit donc, à part les trophées gagnés en escrime (rire), c’est la culture créole.

Quels sont vos projets ?

Dans l’immédiat, mon travail dans l’informatique au sein d’un grand groupe de Télécom me passionne. Mais, ma vraie passion reste ma mission au sein de Radio TeenTaal. Mon but est de partager mes émotions, mon amour de la culture indienne et de Bollywood à travers cette association. C’est une expérience unique. Je ne pouvais trouver une meilleure activité car elle touche à la fois mon identité, au sens du partage et elle sera peut-être un jour lucrative. Je quitterai alors mon job… mais nous n’en sommes pas encore là.

Que vous apporte cette expérience de mobilité ?

Naime Vally
"Cette photo a été prise lors de l’inauguration de la statue de l’acteur
Indien SRK. J’ai eu la chance de l’approcher et de l’interviewer grâce à Radio TeenTaal".

C’est extrêmement important. A l’heure de la mondialisation, la mobilité est un atout essentiel, vital. Encore plus pour ceux qui ont eu la chance de grandir dans un environnement multiculturel, qui ont de la famille dans chaque coin du monde, qui parlent dès l’enfance plusieurs langues, etc. la mobilité vous apprend à sans cesse vous adapter à de nouvelles situations et donc à vous remettre en cause, sans pour autant nier votre identité. C’est extrêmement enrichissant et passionnant. Evidement, ce n’est pas toujours de tout repos psychologiquement car il y a la nostalgie, la famille et des amis qui sont loin… Mais il y a plus de choses positives que négatives.

Qu’est-ce qui vous manque de la Réunion ?

Beaucoup de choses. D’abord le climat tropical, ensuite la gastronomie. Il est vrai qu’en Europe, on a l’avantage de vivre l’alternance des saisons. C’est surtout en hiver qu’on a envie de repartir sous les tropiques. A la Réunion, la gastronomie est assez variée. Ce qui manque le plus c’est l’odeur des épices, ce mélange subtil d’Asie, d’Afrique et d’Europe.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de l’île ?

Il y aurait beaucoup de choses à dire. Il faut dire que notre économie est depuis des années sous perfusion et vit essentiellement des aides du Métropole. Pourtant, la société réunionnaise est assez dynamique grâce à la mosaïque de population et sa diversité. Même si en termes d’infrastructures, d’énormes progrès ont été faits (la route du Tamarin notamment), nous restons assez fermés au reste du monde. Et pourtant nous avons des atouts…

Quoi d’autre ?

Par rapport à l’ile voisine, Maurice, qui est très connectée avec le reste du monde et qui bénéficie de flux d’investissements de l’étranger (sans compter le dynamisme de son secteur touristique), la Réunion me paraît assez frileuse. J’ai aussi noté à quel point nous savons très peu de choses sur nos voisins. J’ai appris plus de choses sur l’Ile Maurice, l’Afrique du sud, le Mozambique en étant en Europe que lorsque j’étais à Saint Denis. La Réunion devrait nouer des partenariats privilégiés avec ses voisins, d’autant plus qu’avant le grand saut dans la mondialisation, les accords et partenariats privilégiés au niveau régional s’imposeront. Mais, ce sont les échanges entre les populations de cette région qui restent à mes yeux essentiels.

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

Comme je l’ai évoqué, le fait d’avoir vécu dans un environnement multiculturel m’a permis de m’adapter assez rapidement aux diverses situations. C’est un atout indéniable dans le parcours professionnel, même si naturellement d’autres facteurs interviennent dans la réussite d’une carrière. Quant aux inconvénients, je n’en trouve aucun. Le niveau de l’enseignement sur l’ile de la Réunion est excellent, c’est aussi un avantage non négligeable.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Oui bien sûr, il y a d’abord des amis qui ont choisi de venir en Europe. Il y a aussi des associations qui regroupent par exemple les Indiens de la Réunion. C’est d’ailleurs grâce à ces liens que nous avons pu mettre en place Radio TeenTaal. Il y a également les incontournables réseaux sociaux, tels que facebook, qui m’ont permis de retrouver des amis d’enfance.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

En métropole, quand on parle de la Réunion, les opinions sont assez extrêmes. Les uns ne voient que le soleil, la plage, le volcan, une vie tranquille. C’est vrai pour le soleil mais je ne suis pas sûr que les Réunionnais sont plus zens ou moins stressés que les gens du métropole.
D’autres pensent assistanat, chômage. Il y a sans doute une part de vérité mais aussi de la méconnaissance de la réalité réunionnaise.

Vous même, quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

Il est saisissant qu’en métropole, on se sent à la fois français et en même temps étranger. Dans beaucoup de domaines, les gens d’ici sont moins tolérants. D’autre part, il y a une sorte de malentendu entre la métropole et les Dom. Il y a toujours ce regard de condescendance à l’égard des Dom. L’avantage d’être en Europe est évidemment l’ouverture sur le monde. Nous avons accès plus facilement à des informations, des infrastructures, notamment dans le domaine de la communication.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes Réunionnais ?

D’abord de garder et préserver cet esprit de tolérance et le vivre ensemble au-delà des différences culturelles, sociales et religieuses. C’est un atout majeur et même un exemple pour la métropole. Ensuite, je ne cesserais de dire que l’éducation est le seul passeport universel qui permettra aux jeunes réunionnais de s’en sortir dans une époque certes incertaine mais passionnante de la mondialisation. Ceci passe par la volonté des jeunes réunionnais de mieux connaître et d’établir des échanges avec les jeunes de l’Océan Indien. En dernier point, l’identité et la culture créole existent. Elle ne s’oppose en rien avec les principes de la République. Cette culture créole est composée de celles des continents asiatique, africain et européen. Elle pourrait être universelle…

La Web Radio TeenTall, 100% Indian and Bollywood music live from Paris

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