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Niel Beretta : rougail la blague sur Youtube

Publié le 27 janvier 2021

Rentré sur son île pour les fêtes il a secoué le web avec ses vidéos sur la NRL ou les Anges de la téléréalité. Ce Saint-Pierrois plus connu sous son alias Mon_Rigolo sur Youtube est « dans la vraie vie » professeur de Mécanique Auto en lycée professionnel à Paris, mais aussi comédien professionnel. Niel Beretta se livre dans cette interview fleuve pour Réunionnais du monde.


Pouvez-vous vous présenter ?

Niel Beretta, 34 ans, enseignant en Mécanique Auto en lycée Professionnel, dans l’éducation nationale. A coté de mon activité principale qui me nourrit, je suis comédien, humoriste, scénariste, web casseur les cuits… Je suis un pur produit saint-pierrois. Petit, j’habitais à Pierrefonds, quartier Bel Air, pour ensuite déménager en ville même. Mes deux parents étaient enseignants, parce que ça leur permettait de vivre une autre vie à coté, et je crois que j’ai hérité de cette façon de voir les choses. Du coup j’ai eu une super belle enfance, et l’adolescence n’en parlons pas ! Je remercierai jamais assez mes parents pour ça.

Racontez-nous votre parcours.

J’ai eu une scolarité particulière. Elle à été linéaire jusqu’en seconde, à Ambroise Vollard, en filière générale, avant d’être réorienté pour cause de "ravageage" intensif. En classe de première, j’ai débarqué en filière STI mécanique auto au lycée Stella de Saint Leu où j’ai obtenu mon bac en 2004. J’ai poursuivi sur conseil de mes enseignants vers un domaine qui ne me plaisait pas vraiment, par un BTS Assistant Technique d’ingénieur au lycée Rolland Garros. Après l’avoir eu, je me suis vraiment rendu compte que la mécanique me plaisait et me manquait. Et comme je n’avais pas encore fait assez de lycée sur l’ile, je suis monté à Georges Brassens au Moufia, où j’ai fait un BTS Maintenance et Après Vente Automobile. 


Dans quelles conditions avez-vous été amené à quitter l’île ?

En 2007 quand j’obtiens mon deuxième BTS (disons mi té fait collection), mon père me met au pied du mur. Il me dit de partir, que j’ai des choses à vivre ailleurs, pour apprendre, comprendre, et que je pourrai revenir mais qu’il faut que j’aille voir ailleurs maintenant. Alors j’ai vendu ma voiture (une 306 bien sûr) et je suis parti, non sans gros pléré dan’ bras momon… A la rentrée 2007, j’ai intégré une licence en alternance, en Organisation et Management des services de l’automobile à Paris.

Et ensuite ?

J’aime incommensurablement (oui il y a plus de trois syllabes, je me suis surpassé pour celui-là et ce sera le seul) mon cailloux. Mais cette mobilité m’a directement fait réaliser qu’en métropole c’était un autre niveau. Je suis passé d’un m’armail la case momon, à un jeune actif (puisque licence en alternance) dans une grosse concession Mercedes, dans les beaux quartiers parisiens. Je suis passé par différents postes - assistant garanties, réceptionnaire - où je côtoyais des gens dont la voiture pouvait payer deux fois ma case. Genre, un matin je suis arrivé au travail, une voiture était sous une housse en soie noir : c’était une SLR 722 (pour les gars la roue comme moi qui liront ça). Quand on m’a donné le prix, je crois que j’avais jamais entendu ça pou un l’auto.


J’étais à l’époque également à fond dans les sports de combat ; c’était la pleine époque de la naissance du MMA et du JJB en France. Du coup, j’ai pu rencontrer des idoles pour moi à l’époque, les frères Dafreville, m’entrainer avec des pointures qui combattaient déjà un peu partout sur la planète. Forcément là encore c’était un bon en avant. Et quand il a été question de me réorienter après maintes et maintes blessures, j’ai décidé de revenir à mes premiers amours qui étaient le théâtre et la comédie. Il y avait profusion d’écoles de théâtre, en fonction du style (one man show, cinéma, théâtre) et en fonction d’out poche aussi (et attention i touche carbu deux trois). À mon actif de comédien, quelques pubs pour des marques de bière et de moto, des apparitions sur quelques films (Raid Dingue), du théâtre (« Garde toi ! » de Myriam Grenet)…

Quels ont été les avantages / inconvénients du fait de venir de la Réunion dans votre parcours ?

L’avantage de venir de la Réunion, le principal pour moi, c’est notre gentillesse à nous les Réunionnais, et ce qu’on dégage je pense. Et puis, j’étais enjoué pour tout. Tout était nouveau et les gens que je rencontrais aimaient ça, j’ai vécu plein de trucs cools. Le seul inconvénient que je vois, c’est que pendant longtemps mes vacances n’étaient dédiées qu’à la Réunion. Et puis un jour je me suis rendu compte qu’il y avait d’autre pays autour de la France...

Sur scène au Barbès Comedy Club

Racontez-nous la naissance de Mon_Rigolo.

Après de longues heures d’hôpital, dû à un accident de travail en 2019, j’ai réalisé début 2020 que la comédie vibrait très fort en moi. J’ai alors décidé de finir un spectacle de stand up que j’avais commencé à ecrire pendant mes différentes convalescences, et de remonter sur scène pour tester des sketchs et jouer. Suite à ça le confinement, comme un signe de la vie, nous a tous bloqué chez nous. Et c’est à partir de là qu’est vraiment né le projet Mon_Rigolo. J’ai commencé avec une GoPro volée à un dalon créole très gentil (Cadarsi le grand). La première vidéo, c’était le jour où Sébastien Folin, un exemple de réussite, a sorti sa vidéo sur le cari z’oeufs, j’ai fait une reprise en créole. Autour de moi, ça a fait rire les gens…

Est-ce que vous vous êtes équipé en matériel ?

Au début je montais mes vidéos sur mon téléphone. Et puis un matin, j’ai vu qu’Apple offrait trois mois d’essais gratuits pour leur logiciel de montage. Et de fil en aiguille, écrire mes vidéos devenait une gymnastique quotidienne, l’envie de faire de mieux en mieux, d’avancer, d’inventer des concepts, de parler de plein de choses qui nous touchent nous les Réunionnais. Tout ça fait qu’aujourd’hui, j’ai la chance de faire cette interview pour le site Réunionnais du monde, que je suis depuis le début !

Parlez-nous d’une de vos vidéos qui a le plus « buzzé », sur la NRL.

C’est l’histoire rocambolesque de la nouvelle Route du littoral sur l’île de la Réunion, basé sur un résumé de tout ce qu’on peut trouver. En passant devant la NRL à l’arrivée de mes vacances, j’ai vu un gars se promener tout seul dessus, en chemise jaune fluo. Je me suis dit : c’est une blague ! J’ai demandé à mon père : té papa koifé ? Le chantier i reprend pas finalement ? Non, ils ont juste allongé 40 millions pour 200 m de route, mais c’est tout ! À partir de là, c’est parti en sucette dans ma tête… J’ai passé mes nuits à chercher à écrire. Ça m’a pris trois jours de travail. Au final « Baizment da cour » sur la NRL est une vidéo de 9 minutes retraçant l’historique de « l’une des routes les plus chères du monde ». On aurait pu faire toute la route pareille ! Pour ça, on aurait dû être logique. Mais tout ce qui est logique, lé pas cher et comme lé pas cher, lé pas bon ! Ici repose l’argent créole…

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Mes projets sont simples : continuer à faire mes "rougail la blague", mes fond’ker, mes "baizman da kour", par tous les moyens trouver des idées pour divertir les gens. J’aimerais beaucoup travailler avec d’autres artistes réunionnais. Je suis fondamentalement pour l’échange et l’humain. Et j’espère que si 2021 continue à nous enfermer chez nous, cela nous permettra de nous ouvrir encore plus le coeur et l’esprit !

Comment vous sentez-vous à Paris ?

Au-delà des clichés, Paris ouvre le champs à tous les possibles, toutes les rencontres... Cette ville m’a montré que nous sommes réellement le seul frein à la réussite de nos projets. A côté de ça, c’est une ville dure et baignée par beaucoup d’individualisme. Je pense souvent au mois d’août, à tous mes jeunes compatriotes qui débarquent en IDF pour les études… Et je pense que c’est une région à laquelle il faut réellement être préparé...

En tournage avec Justine Piluso (ancienne participante Top Chef) pour la chaîne Teva

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Tous les jours. J’ai des amis de tous horizons, mais le noyau dur reste créole. On partage les mêmes traditions, la même langue. Cela simplifie beaucoup de choses. Et depuis quelques jours, les Réunionnais font vraiment partie de mon quotidien. A ce qu’ils me disent, je réussis à les divertir, et c’est ultra gratifiant !

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

Plutôt que de long discours... J’ai exactement ce qu’il faut : Rougail La Blague #12 - Valise Marmay L’école :

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Je suis obligé de répondre à ça ? Je ne vais pas me faire des potes. Mais c’est agaçant de voir qu’on envoie les jeunes s’améliorer en Métropole, pour ne réussir que très rarement à rentrer quelques années plus tard en accédant à des postes à la hauteur de leur niveau acquis. Les constructions à outrance qui ne correspondent pas forcément aux besoins de la population. L’arrivée massive de la drogue sur l’île... On modifie chaque jour un peu plus notre ADN réunionnais. Avec une accélération notable depuis 2008 et la livraison de la route des Tamarins. Le stress est de plus en plus présent, les magasins ferment de plus en plus tard, les entreprises aussi. Bientôt, on ne fera plus la différence entre la vie active parisienne et la vie active réunionnaise. C’est en ça que tirent leur essence mes Rougails la Blague. Garder une trace de notre culture moderne. 

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

La simplicité. Tu sors de ta case, tu croises un dalon. Tu t’arrêtes à un coin de rue, et finalement ça dure une heure. Au lieu de téléphoner tu passes, et si les gens sont là c’est cool on passe un bon moment. En métropole les distances ne sont pas les mêmes. Ça modifie la spontanéité je trouve. Et les repas chez mémé aussi. Rougail La Blague #4 - Festin chez mémé :

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

Je suis déjà convaincu que je rentrerai... Le développement du septième art sur l’île, l’engouement naissant autour de mes vidéos fait vraiment pencher la balance. L’envie aussi d’être proche de mes parents. Ce n’est pas parce qu’on est en métropole que le temps s’arrête sur l’ile. Et quand on s’en rend compte, ça met des gifles. Et puis je n’arrive pas à l’expliquer, mais la Réunion cogne trop fort à l’intérieur pour que je reste éloigné. Et j’ai beaucoup de mal avec ces Réunionnais, qui pour dire qu’il ne rentreront plus jamais sur l’île se cachent derrière des raisons aussi futiles que l’absence de tel ou tel magasin sur l’îe, de tel ou tel centre d’intérêt... Rougail la blague #2 - disparition d’la culture créole

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

Excellente. Cela fait 12 ans que je vis en métropole. Je connais de moins en moins de personnes qui placent l’île aux Antilles (quelle fierté !). Je croise de plus en plus de gens qui y vont pour des vacances. La Réunion est un gage de qualité. Il y a toujours deux trois couillons qui me parlent des requins, mais cela je les envoie cordialement sucer un galet la nouvelle route du littoral. 


Voir les vidéos sur www.youtube.com/channel/UCeyhQ63paS1bix351URhJqw/videos / www.facebook.com/Nieloux


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