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Raphaël Maunier, le Dyonisien autodidacte de la Tech

Publié le 22 mars 2021

La start-up qu’il a créée, fusionnée puis rachetée 500 millions de dollars par l’américain F5 Networks, lui a permis de vivre sa vie de rêve, faite de voyages et de missions aux quatre coins du globe… sans le Bac qu’il a loupé trois fois ! Retour sur le parcours de ce Dyonisien, spécialiste reconnu en architecture Internet et cybersécurité.


Pouvez-vous vous présenter ?

Raphaël Maunier, 43 ans. CTO « Network Infrastructure » (directeur de la technologie) chez Volterra. Je suis co-fondateur avec Benjamin Schilz d’Acorus Networks en 2014, start-up tricolore fusionnée en 2019 avec l’américain Volterra. Un an après la fusion, Acorus Networks se retrouve dans l’ensemble que vient d’acquérir pour 500 millions de dollars F5, acteur cyber coté au Nasdaq et spécialisé dans le cloud.

Racontez-nous votre parcours.

Je suis né à Saint Denis d’une mère institutrice et d’un père cadre à la SHLMR. Mon parcours scolaire s’est fait en majorité dans le privé : Iris Hoarau – Collège Saint Michel - Lycée de Bellepierre – Levavasseur. Geek de la première heure, j’ai passé beaucoup de temps à l’adolescence à faire du développement informatique. A l’époque, c’était les balbutiements d’Internet...

Comment tout a commencé ?

En 1998, je tentais mon bac pour la troisième fois au lycée Levavasseur, après deux tentatives ratées au lycée de Bellepierre. En décembre pour les vacances, je prends un billet d’avion sur mon argent de poche pour aller voir ma copine qui elle avait eu son Bac et était en Médecine à Paris. Ayant sympathisé avec des gens en chat (IRC) à Paris, ils m’ont fait passer un entretien d’embauche pour faire hotliner chez Wanadoo (ancien nom de Orange Internet). Le but était de travailler la journée pendant que ma copine de l’époque était à la fac… Une fois embauché, j’ai fait partie des 30 premiers hotliners de Wanadoo !

Et ensuite ?

Au bout de deux semaines, j’ai appelé mon père pour lui dire : « je reste, je vais bosser, tu peux contacter l’école pour leur dire que je ne reviendrai pas ? » J’ai ensuite fait des bonds dans plusieurs boites avant de finalement atterrir chez Neo Telecoms en 2005. C’est suite à cette expérience que j’ai vraiment trouvé ce que je voulais faire : innover, bâtir de l’infrastructure et construire mon « réseau ». Ce qui nous amène jusqu’à aujourd’hui… Je suis resté basé en Ile de France mais je voyage un peu partout sur la planète. Mes principales destinations sont La Réunion et San Francisco.


Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

Je rencontre beaucoup de personnes et je vois beaucoup d’autres cultures. L’avantage de venir de la Réunion, c’est que l’on est très rapidement à l’aise lorsque l’on doit interagir avec d’autres coutumes et d’autres pratiques. On est tombé dans la potion magique quand on était petit ! L’inconvénient cependant de venir de la Réunion est la pratique d’autres langues. Nous n’avons pas vraiment l’occasion de pratiquer et cela a été compliqué au début de mes voyages.

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

La vie en région parisienne n’est pas aussi « magique » que les gens le pensent. Les gens font la tronche tout le temps, pour se voir il faut prendre rendez-vous des semaines à l’avance… Mis à part les jeunes et autres hipsters qui font la fête entre eux, les gens ne sortent pas vraiment de leurs petits cercles. C’est très impersonnel et assez triste.

...

En revanche au niveau professionnel, c’est une région où vous pouvez tout faire, tout voir, vous avez toutes les opportunités possibles. Si vous êtes ambitieux, créatifs et surtout que vous n’avez pas peur de bosser, de vous planter et de repartir, il n’y a pas de limites. Pour la partie infrastructure Internet, Paris est l’une des quatre villes les plus connectées en Europe. J’ai orienté ma carrière sur cette activité et à l’international, c’était un choix naturel... Mais il y a des régions qui deviennent aussi attractives, comme la région bordelaise ou toulousaine.

Quels sont vos projets ?

Je n’ai pas terminé ce que j’ai commencé à construire chez Acorus / Volterra et le rachat de ma société par F5 Networks ne va pas m’arrêter. Mon projet reste donc le même…


Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

Question difficile. J’ai longtemps hésité et j’y ai pensé plusieurs fois. Cependant, j’ai peur de m’ennuyer. Je ne pourrais pas faire ce que je fais aujourd’hui dans des conditions idéales. Avant le Covid, je faisais près de 30 voyages par an partout sur le globe et les infrastructures à la Réunion ne sont pas encore au niveau de celles en Europe ou aux Etats-Unis.

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Depuis que j’ai quitté la Réunion, nous avons lancé un chat avec mes amis proches. Ce chat a traversé les âges et nous nous parlons encore aujourd’hui tous les jours ! Il faut dire que nous sommes tous un peu « geeks » et nous jouons à des jeux ensemble sur Discord. J’ai eu la chance de pouvoir travailler et faire de l’ingénierie pour eux sur de l’architecture Internet notamment pour NRJ Réunion (Groupe Cirano).

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

Je me demande pourquoi continuer de subventionner des activités comme la canne à sucre qui est exportée alors que dans le même temps on importe des fruits et légumes qu’on pourrait faire pousser en local ! J’ai l’impression que les hommes politiques de la Réunion pensent plus à leur prochain mandat que vraiment à ce qui est bon pour l’avenir de l’île. La Réunion devrait plutôt miser sur sa population jeune, sa matière grise et sur le numérique. J’apprécie le travail fait par Philippe Arnaud avec Digital Réunion, mais il en faut encore plus. La crise du Covid a redistribué les cartes, et la main que la Réunion peut prendre est la meilleure : population jeune, environnement multiculturel, climat propice à la joie de vivre et à une vie saine…

J’ai essayé de monter plusieurs projets industriels à la Réunion (avant de lancer Acorus Networks) mais j’ai fini par arrêter. La plupart des partenaires que j’approchais me parlaient avant tout de chercher des subventions ou de comment communiquer auprès de son électorat…

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Le soleil, il rend les gens souriants et avenants ! Sortir en moto avec les copains et ne pas se prendre la pluie 9 fois sur 10, les pique nique le week-end au Maïdo ou au Tevelave, les fêtes tamoules où on mange des plats fabuleux, les samoussas, les letchis, l’importance de la famille, le fait de pouvoir débarquer chez n’importe qui, les repas improvisés…

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

La Réunion commence enfin à être connue... pour de bonnes et parfois de mauvaises raisons. La première : les requins. Les gens ont commencé à mettre un point sur la carte car on en parlait aux infos. La seconde : le volcan et les randonnées. Beaucoup de gens de mon âge y vont pour passer un moment en famille et au vert.

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