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Sarah Atiama : voyage, solidarité et retour à la Réunion

Publié le 17 mai 2021

Voyager pour (se) découvrir - rentrer pour améliorer les choses : c’est le chemin suivi par Sarah, revenue sur l’île en plein Covid après une expérience de solidarité internationale à Madagascar. Aujourd’hui en poste en tant que chargée de conseil en formation professionnelle, elle livre son secret pour remettre le pied à l’étrier professionnel sur l’île : s’impliquer dans la vie associative, ce qu’elle a fait au sein de la JCE Grand Sud de la Réunion. Portrait.


Pouvez-vous vous présenter ?

Sarah Atiama, 32 ans. Actuellement, je suis en CDD au sein de l’OPCO EP, chargée de conseil en formation professionnelle auprès des entreprises de proximité. Je suis aussi bénévole au sein de la Jeune Chambre Economique du Grand Sud de la Réunion en tant que Vice-Présidente des Partenariats / Chargée des formations. J’ai grandi en région parisienne dans les Yvelines, au sein d’une charmante petite ville nommée Triel sur Seine sur la rive droite de la Seine, entourée de champs agricoles et de forêts. J’ai beaucoup déménagé dans mon enfance, tout en gardant l’objectif d’un jour étudier à Paris. Cette ville lumière me fascinait ; je souhaitais me mêler à ce monde parisien et connaître son quotidien. En 2006, j’intègre l’ESAM, une école de Management, Finance et Droit où j’effectue mes études en alternance jusqu’à obtenir un Master Responsable de Gestion tout en travaillant au sein d’ArcelorMittal ITSWE.

Et ensuite ?

Après l’obtention de mon Master 1, je suis embauchée à Paris, au siège de CITELUM (groupe EDF), le « créateur d’un monde de lumière intelligent au service contrôle de gestion ». En lien avec de nombreux pays étrangers, j’ai beaucoup appris au sein de cette entreprise internationale. Je m’y sentais bien mais l’envie d’apprendre l’anglais et de découvrir une autre culture était plus grande.


Qu’avez-vous fait ?

En 2012, j’ai quitté cet emploi stable et cette vie tranquille pour partir à l’aventure : direction l’Australie ! Après deux mois d’école d’anglais, je parcours pendant un an ce grand pays en nomade, travaillant dans la restauration, les champs viticoles, étant aussi baby sitter, mannequin publicitaire... Dans cette grande boucle de 34 000 Km, je laisse la vie m’apporter ce qu’elle a m’offrir. Je prends vite goût à cet eldorado qui me fait sortir de ma zone de confort et me pousse à me surpasser. Je découvre une vie tellement différente de celle de Paris que la passion du voyage m’envahit. J’apprends l’anglais bien plus rapidement qu’à l’école et je me rends compte que j’aime le lien social avec les étrangers, que la nature est un spectacle magnifique et qu’on peut vivre en harmonie avec elle. Bizarrement, je n’ai plus de mal à me lever le matin, alors que c’était mon pire cauchemar à Paris... Je prends goût à la vie.

Australie

C’est pourquoi je continue mon périple de voyageuse. Je veux connaître les forces et les faiblesses de ce monde, pour y apporter un jour un impact positif. Je parcours l’Asie, l’Inde, Madagascar au plus proche des habitants pour découvrir la culture de chaque pays. On m’accueille au sein des familles, on me fait visiter des petits villages, des temples, des fabriques de brioches artisanales... L’aventure est remplie de rencontres et de découvertes que jamais je ne pensais vivre un jour dans ma petite ville d’enfance.


« Voyager pour moi est la meilleure façon de se découvrir »


Et ensuite ?

Toutes les belles choses ont une fin... A mon retour à Paris, je suis réembauchée au même poste qu’avant mon départ et j’ai la chance d’être envoyée quelque mois plus tard pour l’Australie au poste de « Finance Officer », dans la ville même où j’avais étudié l’anglais. Quelle coïncidence ! Voilà, que mon rêve se réalise enfin… Malheureusement la crise économique et d’autres obstacles se mêlent à tout ça. Citelum est racheté par EDF, et l’entité en Australie ne fait pas partie de la nouvelle structure. Mon contrat s’arrête et je dois trouver un plan B.

Inde

Retour aux origines

Après des mois de réflexions, je décide de retourner à mes origines, la Réunion. Comment pouvais-je découvrir le globe terrestre sans savoir réellement d’où je venais ? En 2014, je fais mes bagages et je pars vivre sur cette île de la Réunion, avec l’idée de laisser la vie me surprendre encore une fois. La Réunion, j’y revenait tous les trois ans pendant les vacances scolaires avec mes parents. Mais j’ai appris à l’aimer à mon retour, en 2014 quand je suis revenue y vivre pendant trois ans. Puis je suis répartie, ne trouvant pas de profession en cohérence avec ce que je cherchais. Un jour, un ami créole m’a dit qu’il fallait savoir l’apprivoiser cette île pour y rester. J’aime bien cette comparaison au petit prince de Saint Exupéry.

Qu’avez-vous fait ensuite ?

Il m’a fallu un énième retour à Paris pour réaliser que j’avais fait une promesse, lors d’un périple à Madagascar : revenir dans ce pays pour travailler dans l’humanitaire. A la fin d’un CDD au sein d’un OPCO à Paris, je découvre une annonce sur reunionnaisdumonde.com en tant que Chef de projets pour France Volontaires. Me voilà après un stage à Madagascar au sein d’Aïna, Enfance & Avenir, magnifique association réunionnaise œuvrant sur Tananarive.

Nöel Aïna Enfance & Avenir

Parlez-nous de cette expérience.

Ça a été une expérience hors du commun, me transportant dans un univers incroyable et faisant vivre des émotions émanant du plus profond de l’être humain. Nataly Charbonnier, présidente de l’association ainsi qu’Antonella Avola m’ont fait confiance dès le début pour intégrer cette équipe et cet univers malgache. Ils ont été pour moi comme une famille malgache, comme Jocelyn Nasoloniaina, le DR, qui a su m’intégrer. Travailler à ses côtés et travailler comme directrice par intérim d’une association de 300 Malgaches démunis était une sacré expérience.


« Je ne serais pas arrivée là si je n’avais pas fait mon expérience au sein d’Aïna, Enfance & Avenir, dans cette belle association humanitaire »


Comment avez-vous vécu la crise Covid ?

Au début de la crise sanitaire à Madagascar, je prends la décision avec l’accord de France Volontaires et la Région Réunion, de rester à Madagascar pour aider l’association à faire face. Je ne me voyais pas partir alors que la crainte était présente dans l’esprit de tout le monde. Nous devions tout mettre en place pour limiter la propagation de l’épidémie au sein des écoles maternelles, de l’orphelinat et du “Village Aïna”, tout en permettant aux bénéficiaires d’avoir de la nourriture pour eux et leur famille et pour les plus jeunes de continuer leur éducation scolaire. Mais fin Juin 2020, je suis rapatriée sur la Réunion pour plus de sécurité. Je pars le cœur serré mais avec de beaux souvenirs en tête.


Décrivez nous votre état d’esprit à l’atterrissage à Gillot.

Lors de mon arrivée à Gillot, mon beau-père a eu la merveilleuse idée de passer par l’Est de l’île pour rejoindre ma maison familiale à St Joseph. J’ai eu l’impression de redécouvrir mon île le temps d’un trajet avec ces magnifiques paysages, ces coulées de laves historique. Arrivée chez moi, un bon cari m’attendait. J’étais de retour, le cœur rempli de joie et avec une envie de donner le meilleur à cette île au milieu de l’Océan Indien. Mais après l’expérience malgache, l’importance de ma décision était de taille : quoi faire après avoir vécu tant de choses en si peu de temp ? Mon "caillou" au milieu de l’océan indien me manquait. Bien que les opportunités de travail ne m’aient pas souri lors de mon premier retour, je décide d’y rester.

Avez-vous eu des difficultés à vous réinstaller ?

Il m’a fallu trois mois pour reprendre mes marques. J’ai pris mon temps. J’avais une grande volonté de retourner travailler tout de suite mais les offres auxquelles je postulais ne m’offraient pas d’avis favorables. Il me fallait pourtant une activité pour garder la motivation. C’est alors que je m’inscris à la JCE du Grand Sud, une association avec de belles qualités morales constituée d’une équipe où l’entraide et l’humanité sont de rigueur. Dans cet incubateur de leaders citoyens, nous travaillons main dans la main pour réaliser des projets inscrits dans les 17 objectifs de développement durable de l’ONU. La JCE m’a aussi permis de revoir les fondamentaux de la gestion de projets et de faire partie d’un groupe solidaire avec la même vision : “agir pour se former et se former pour agir”.

L’équipe 2021 de la JCE Grand Sud de la Réunion

Dans quel état avez-vous trouvé le marché du travail en rentrant ?

Le marché du travail est assez difficile à la Réunion. Il faut avoir un bon CV, de bons contacts et beaucoup de motivation. Madagascar m’a enseigné la patience et surtout de ne pas renoncer après un échec. Je souhaitais trouver un travail en accord avec mes principes et mon expérience. Je n’ai pas hésité à me rapprocher de ma conseillère pôle emploi et à envoyer des candidatures à chaque offre qui me plaisait. En Janvier 2021, l’agence d’intérim Alter Ego m’a bien conseillé et orienté dans mon poste actuel : chargée de conseil en formation professionnelle.

« Je considère qu’on a de la chance d’avoir une aussi belle île et qu’il faut prendre soin »

L’idée pour les Réunionnais « expatriés » comme moi, c’est de rentrer imprégnés de nos expériences, de celle de la France Métropolitaine, pour construire et apporter un changement positif à notre île remplie de splendeurs. Il y a tellement de choses à faire et à développer ici mais pour ça, nous avons besoin de travailler ensemble : population restée au pays et Réunionnais de retour sur l’île ont beaucoup à partager sur la conservation de notre patrimoine et ce qu’il est possible de faire pour améliorer les choses. Chaque personne est utile l’essentiel est de partir dans la même direction.


Plus généralement, qu’avez-vous trouvé de changé à votre retour à la Réunion ?

J’avais l’habitude de venir en vacances à la Réunion durant mon enfance. A l’époque, j’avais une vision de métropolitaine. Maintenant je me sens un peu plus créole. Je trouve que la Réunion évolue dans le bon sens. Il y a beaucoup moins de chiens errants sur notre île, les structures se sont développées tout en gardant les charmes qu’elles dégagent, les sentiers de randonnés sont beaucoup plus praticables qu’avant et le développement durable est présent. Il reste néanmoins beaucoup de choses à faire, il y a de plus en plus de voitures et les déchets s’accumulent.

Quels sont les points de satisfaction / déception de votre retour ?

Aucune déception, j’ai la chance d’avoir ma famille créole ici, et d’avoir rencontré des volontaires réunionnais à Madagascar qui ont eu le même parcours que moi. Même si mon expérience de voyage m’a beaucoup apporté, revenir ici m’a rempli de joie et le meilleur est à venir. La Réunion porte bien son nom : la mixité, les différentes cultures et la population vivent en harmonie, la convivialité est une force ici. C’est rare de trouver ça sur un autre territoire.

Madagascar

Avec le recul, tirez-vous un bilan positif de votre expérience de mobilité ?

Je ne le répéterais jamais assez : voyager ouvre l’esprit, permet de grandir et de voir comment ça se passe ailleurs. Le voyage a complétement changé mon regard sur le monde. Mon expérience personnelle m’a démontré que je souhaite être active pour un monde meilleur et avoir un impact positif sur le long terme. D’abord je souhaite être utile pour la Réunion. J’aime le contact social et je suis convaincue que de belles choses peuvent être réalisées ici dans l’éducation de qualité, la consommation et la production responsables, l’égalité entre les sexes, la préservation de l’environnement...

Quels conseils donneriez-vous aux Réunionnais qui comme vous souhaiteraient rentrer sur l’île ?

Le conseil que je peux donner est de se renseigner sur le marché du travail ici. La concurrence est de taille. Rapprochez-vous des associations, l’accueil y est bienveillant et permet de faire grandir votre réseau et de vous faire connaître. Il y a beaucoup à faire ici, il faut juste se renseigner ce qui est possible de faire.


Voir : LES OFFRES DE MISSION FRANCE VOLONTAIRE DANS L’OCEAN INDIEN

Basé sur l’île, France Volontaires propose toute l’année des missions indemnisées de 12 à 24 mois en Afrique Australe et dans l’Océan Indien. Plus de 50 Volontaires de Solidarité Internationale originaires de La Réunion sont en permanence en mission dans des pays de la zone, en appui à des structures locales œuvrant pour la coopération régionale. Sur quels postes, dans quels pays et comment postuler ? Cliquez ici pour en savoir plus : De la Réunion, France Volontaires recrute toute l’année pour l’océan Indien

D’autres infos et portraits de Volontaires réunionnais dans l’océan Indien / La page Facebook

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