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Sarahda Latchimy, étudiante à Sciences Po Paris

Publié le 7 juin 2022

Du lycée de Trois-Bassins à la grande école parisienne, où elle aide les autres étudiants ultramarins à entrer via l’association Sciences Ô, Sarahada nous raconte son parcours et ses rêves d’avenir.


Pouvez-vous vous présenter ?

Sarahda Latchimy, 22 ans, originaire de Trois-Bassins. Je viens d’un milieu ouvert et tolérant. J’ai grandi dans un environnement propice à la découverte : mes parents adorent voyager et j’ai eu la chance de découvrir de nouvelles cultures dès mon plus jeune âge grâce à leur passion. Je pense que ce goût du voyage, de la découverte et de la mobilité qui m’a été transmis par mes parents a été déterminant dans mon parcours, tant pour le choix de mes études que pour mon envie de vivre momentanément ailleurs. 

Quel a été votre parcours ?

J’ai quitté la Réunion après avoir obtenu mon baccalauréat en 2017 pour intégrer Sciences Po Paris. J’y ai fait un bachelor spécialisé en politique et gouvernement suivi d’un master de politiques publiques spécialisé en sécurité et défense. Durant ces cinq dernières années, j’ai également eu l’opportunité d’étudier une année au Trinity Collège de Dublin, en Irlande, dans le département de droit. Découvrir un nouveau pays tout en y étant scolarisée faisait partie de mes objectifs personnels depuis mon enfance, et cette année d’échange a été l’une des plus enrichissante de mon parcours scolaire. Je garde d’excellents souvenirs de ma vie irlandaise et des rencontres que j’ai pu y faire. Anecdote : j’ai pu apercevoir un autocollant d’un drapeau réunionnais sur une plage à Galway, avec écrit en dessous « In rougail saucisses we trust ». Ça m’a fait plaisir de savoir que d’autres compatriotes étaient passés par là et qu’ils faisaient voyager notre culture à l’autre bout du monde ! 

Avec l’équipe de l’association Sciences Ô

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Ayant été co-presidente de l’association des étudiants ultramarins de Sciences Po cette année (Sciences Ô), j’ai des contacts avec des Réunionnais qui étudient dans cette école. Il nous arrive de nous retrouver au cours des événements qui sont organisés par l’association ou à l’extérieur pour discuter. J’ai personnellement bénéficié de l’aide de Sciences Ô, avant de rejoindre les bancs de Sciences Po. Depuis dix ans, cette association aide les lycéens ultramarins à intégrer Sciences Po en les préparant au concours d’entrée, mais elle a aussi pour mission de promouvoir les territoires d’outremer au sein de l’école. Leur réalité est trop peu enseignée, et encore si parasitée par les clichés qui collent aux terres françaises loin de Paris, médiatisées qu’au travers des crises sociales, des catastrophes climatiques ou des vacances sur des plages paradisiaques. Au delà des étudiants de Sciences po, j’ai gardé contact avec mes amis d’enfance !

Aujourd’hui quels sont vos projets ?

Je termine actuellement mon stage de fin d’études au sein du cabinet de la direction générale des outre-mer au ministère des Outre-mer. Je serai diplômée de Sciences Po Paris d’ici quelques semaines ! A court terme, je prévois de retourner à La Réunion pour les vacances de juillet, avant d’être de retour à Paris en septembre, où je travaillerai en tant que consultante dans un cabinet de conseil. A plus long terme, j’ai quelques idées mais pas de projets réellement définis. J’irai là où le vent me porte, en saisissant les opportunités qui me seront offertes. 

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

J’estime qu’il est important de revenir sur son territoire d’origine et d’œuvrer en faveur de son développement. J’aimerais à terme pouvoir m’installer à La Réunion pour y vivre définitivement et apporter à mon île ce que j’ai reçu durant toutes ces années. Donc dans dix ans, je me vois bien retrouver ma famille et m’installer là-bas. Enfin, si j’y trouve un emploi qui correspond à ma formation…

Avec Marie Christine Ponamalé, fondatrice du site d’information outremers360, une autre réunionnaise croisée par hasard dans les rues de Madrid

Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

Outre l’ouverture culturelle, l’expérience de la mobilité permet selon moi de développer des compétences qui affirment davantage notre personnalité. Elle permet d’être plus autonome et plus tenace face aux aléas du quotidien, mais aussi de se découvrir soi-même au travers des expériences que nous n’aurions pu faire en restant dans notre territoire d’origine. Le seul inconvénient de la mobilité pour moi serait l’éloignement. Il est parfois compliqué de rester éloignée de sa famille et de ses proches pendant des moments importants. Cela a d’ailleurs été exacerbé durant la période Covid, avec les confinements. Je ne serais pas arrivée là si je n’avais pas eu le soutien de mes parents et de ma marraine. La mobilité comporte des hauts et des bas, ce n’est pas toujours évident d’être loin des siens, mais ils ont toujours su m’apporter le soutien moral dont j’avais besoin. Je profite de cet article sur Réunionnais du monde pour les remercier une fois de plus. 

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

Au-delà de ma famille, ce qui me manque le plus c’est de pouvoir aller chez mes grands parents maternels. J’y passais beaucoup de temps jusqu’à mon départ, et c’est d’ailleurs une des premières choses que je fais de retour à La Réunion ! L’océan me manque aussi beaucoup, c’est un point commun avec mes amis ultramarins. Il m’arrive parfois de me promener au bord de la Seine pour retrouver l’apaisement que me procure l’océan, mais l’effet n’est malheureusement pas le même… Enfin, la dernière chose qui me manque est bien évidemment le carry massalé de ma maman (surtout en hiver !). 

Quels objets de la Réunion avez-vous apporté dans vos valises ?

J’ai rapporté plusieurs objets dont le cuiseur à riz et mon pot de piment la pâte ! Mon père tenait absolument à ce que j’en ai un en arrivant en Hexagone. Ces objets me suivent encore aujourd’hui, et à vrai dire ils sont plutôt pratiques lorsque je me sens nostalgique ! 

En Irlande

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

A Paris, l’image de la Réunion est positive, je dirais même que c’est l’un des territoires ultramarins les plus connus par les Hexagonaux. Mais cette image reste encore essez stéréotypée. La Réunion est connue pour ses « paysages de carte postale », sa nourriture, et ses attaques de requins, mais beaucoup ignorent son histoire et ses singularités. Quoiqu’il en soit, le multiculturalisme existant sur notre île a toujours été une source de fascination pour les gens qui n’y vivent pas. Plus globalement, les gens sont globalement ouverts et bienveillants quant aux questions ultramarines mais des raccourcis et des amalgames sont souvent faits, notamment sur des sujets liés aux enjeux sécuritaires (immigration, crises sociales ...). Bref, les raccourcis sont tenaces mais ça change. Notre jeunesse est justement une belle ambassadrice de ce qu’il s’y passe de positif et de ce que beaucoup ont envie d’y réaliser quand ils rentreront chez eux.

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

La Réunion est un territoire complexe avec des spécificités socio-économiques qui sont les résultantes de son histoire. L’île possède un indice de Gini qui reste très élevé, reflétant les inégalités et les difficultés sociales présentent sur ce territoire (près de 37% de pauvreté en 2019). Aujourd’hui, le taux de chômage à la Réunion avoisine les 20%, une grande partie de ce taux est dû à la saturation du marché de l’emploi. On entend souvent dire que les offres disponibles sur place sont incompatibles avec les demandes des locaux, d’où leur départ vers l’hexagone. Une des solutions à ce problème est selon moi la mise en place d’une stratégie pour renforcer la cohésion du territoire réunionnais dans son bassin régional, qui permettrait à des jeunes diplômés de prétendre à un retour sur leur territoire natal. Ouvrir l’économie régionale en créant de nouvelles coopérations serait à mon sens un moyen de rendre le marché de l’emploi plus attractif et de pallier la fuite des cerveaux tout en diminuant le taux de chômage localement. 


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