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Simon Maillot : le spatial dans le viseur

Publié le 11 janvier 2023

Etudiant à l’IPSA, le jeune tamponnais entre deux échanges internationaux poursuit de nombreux projets pour lancer une filière aérospatiale à la Réunion. L’un d’entre eux : Payankeu, un voilier solaire lancé depuis l’île, dont l’objectif est de prendre une photographie de la face cachée de la Lune.


Pouvez-vous vous présenter ?

Simon Maillot, 22 ans. Originaire du Tampon, je suis actuellement élève en dernière année (équivalent Master 2) à l’IPSA, Institut Polytechnique des sciences avancées, sur le campus de Paris où j’étudie l’ingénierie aérospatiale. Ma diplomation est normalement prévue pour décembre 2023 à la suite d’un stage de six mois que j’effectuerai à partir de février 2023 probablement à l’étranger, au Japon ou en Australie. J’habite actuellement près de Paris, mais je voyage dès que possible pour effectuer des stages de formation dans le cadre de mes études.

Délégation réunionnaise à l’IAC 2017

Comment vous est venu le virus du spatial ?

J’ai décidé de m’orienter vers le domaine aérospatial à l’issue de ma participation à l’IAC (Congrès International d’Astronautique) en 2017 en Australie. J’avais été approché par un scientifique retraité du CNES, Guy Pignolet, pour donner suite à une étude que j’avais faite alors que je n’étais encore que lycéen pour les TPE (Travaux Pratiques Encadrés) sur les processus de terraformation de Mars.

Première rencontre avec Guy Pignolet en 2017

Durant cet évènement, j’ai pu découvrir toutes les facettes de cette filière à travers les nombreuses entreprises présentes, les conférences, dont une d’Elon Musk, les technologies spatiales, sans oublier les rencontres que j’ai pu y faire. Guy Pignolet m’a suivi tout au long de ma formation et je lui en suis très redevable, on peut parler de coach ou de mentor. C’est tout cela qui m’a orienté vers le domaine spatial et a fortiori à choisir l’IPSA pour devenir ingénieur aérospatial.

Conférence d’Elon Musk à l’IAC 2017

Racontez-nous votre parcours.

Après un Bac scientifique au lycée Bois Joly Potier, j’ai quitté La Réunion pour effectuer une prépa intégrée de deux ans à l’IPSA sur le campus de Toulouse. Je me suis alors spécialisé dans le domaine véhiculaire des engins spatiaux. Ma formation recouvre des aspects très divers comme la mécanique spatiale, l’aéronautique, la mécanique des fluides, la conception et l’intégration de satellites et de lanceurs. J’ai aussi pu conduire des projets, le plus récent étant la conception et le développement d’un nettoyeur des mers, une sorte de drone sous-marin, pouvant récupérer les déchets sous l’eau.

Delft aux Pays-Bas

Avez-vous été amené à voyager ?

Mon semestre international s’est effectué aux Pays-Bas dans la petite ville de Delft entre Rotterdam et La Haye, au sein de l’université Inholland (université des sciences appliquées). Il s’agissait de ma première expérience hors de France. Cette expérience m’a notamment permis de découvrir un pays que je ne connaissais pas, de me faire des amis de différentes nationalités, de renforcer mes compétences dans la filière aéronautique et spatiale, mais aussi de parfaire ma maîtrise de l’anglais.

Pendant mon stage du Tanaka Lab à la JAXA près de Tokyo

Mon expérience professionnelle est marquée par les stages que j’ai pu faire dans le cadre de la validation de ma 2ème puis 4ème année d’étude à l’IPSA. Mon stage de 2ème année s’est déroulé au sein d’un atelier mécanicien d’hélicoptères dans l’entreprise Corail Hélicoptères à La Réunion pendant un mois et m’a permis découvrir le monde professionnel aéronautique. Mon rôle était d’assister les mécaniciens durant leurs différentes tâches techniques de maintenance et de préparation des hélicoptères pour les vols.

Les torii du sanctuaire Fushimi Inari

Et ensuite ?

Mon stage de 4ème année s’est déroulé au sein de la prestigieuse agence aérospatiale d’exploration japonaise (la JAXA), au Japon dans la ville de Sagamihara, en banlieue de Tokyo pendant trois mois. Il s’agissait de ma première réelle expérience professionnelle dans le domaine spatial. Dans ce cadre, le thème du stage était la conception de systèmes de transfert d’énergie solaire sans fil par antenne depuis l’espace pour les Satellites à Puissance Solaire (SPS), sujet d’intérêt pour l’établissement d’une nouvelle source d’énergie durable sur Terre.

Satellite à Puissance Solaire (SPS)

Mon expérience au Japon a été des plus marquantes. Je m’y suis fait des amis qui étaient dans le même laboratoire que moi ou que j’ai pu rencontrer durant mes vadrouilles. J’ai pu visiter de nombreuses villes dont Tokyo, Kyoto, Nikko, Osaka, Odawara, Shimoda. La barrière première est la langue, assez difficile à maîtriser, mais on peut s’en sortir avec quelques mots. Ce stage ayant été effectué en été, j’ai notamment pu escalader le mont Fuji jusqu’au sommet. Le Japon est un pays merveilleux du fait de ses paysages atypiques et traditionnels, sa culture (surtout pour moi qui suis un grand amateur de mangas), son mode de vie et ses spécialités culinaires. Il s’agit d’une destination à ne pas manquer si l’occasion se présente.

Montée du Mont Fuji

Quels sont vos projets ?

Après mes études, je m’efforcerai de trouver un emploi d’ingénieur en opération satellite ou portant sur les technologies spatiales solaires en Europe ou en Asie. Je me dois en effet de rembourser quelque peu mes parents pour leur investissement dans mes études ainsi que d’honorer la dette que j’ai contractée dans le cadre de mon prêt étudiant. Une fois cela fait, j’effectuerai possiblement un doctorat sur un thème que n’ai pas encore bien défini.

Présentation du voilier solaire Payenkeu lors de l’IAC 2022

Qu’est-ce qui pourrait vous convaincre de revenir habiter à la Réunion ?

Je pense que la condition première, la seule vraie condition, serait l’assurance d’avoir un emploi stable d’ingénieur dans le domaine aéronautique ou spatial. Tout en sachant que le secteur spatial se développe à La Réunion grâce à des associations qui en font la promotion comme l’U3P, RISI ou encore Pikali dont Erika Vélio, brillante réunionnaise ingénieure chez Airbus, est présidente.

Réunion de travail de l’association U3P

Je me suis progressivement engagé au sein de plusieurs associations notamment l’U3P (association pour Union pour la promotion de la propulsion photonique) où je siège au conseil d’administration en tant que vice-président du pôle technologie, ainsi que l’association RISI (Réunion Island Space Initiative), toutes deux créées par le scientifique Guy Pignolet, qui promeuvent les activités spatiales à l’île de La Réunion. L’équipe de ces associations s’attelle à développer et lancer une voile solaire nommée

Déploiement de la voile solaire Payankeu

Payankeu dont l’objectif est de prendre une photographie de la face cachée de la Lune. Membre actif de ce projet, j’exerce la fonction de coordinateur du module instrumentation qui développe actuellement un détecteur de particules de poussière cosmique utilisant la technologie laser afin d’aider le monde scientifique à déterminer les caractéristiques de ces particules qui peuvent renfermer les informations clés concernant les prémices de notre système solaire et de la vie sur Terre.

Vue d’artiste de la trajectoire du voilier solaire Payankeu

Dans le cadre du projet Payankeu, j’ai présenté avec un de mes collègues, une étude sur l’instrument que nous développons lors de l’IAC 2022, qui s’est déroulé à Paris, dans le but de promouvoir ce projet, et de mettre en avant les activités spatiales de ma terre natale, La Réunion et de discuter avec les différents acteurs présents et de trouver d’éventuels investisseurs et partenaires.

Délégation réunionnaise à l’IAC 2022

Quel est votre regard sur la situation socio-économique de la Réunion ?

La Réunion mise énormément sur ses exportations et c’est bien normal puisqu’elle regorge de produits uniques comme la vanille ou le café Bourbon dont les Japonais raffolent. Je trouve que l’île se développe dans de nombreux secteurs, en particulier dans les nouvelles technologies avec l’émergence de start-up et entreprises. Cependant, le développement de l’offre dans le secteur de l’ingénierie autre que celui du bâtiment reste limité. J’espère fortement qu’un changement s’opère de ce point de vue-là dans les années à venir. Le domaine du transport reste également très limité, le moyen de transport majoritaire à La Réunion restant la voiture. En ce sens, je pense que le projet tram-train tel que l’avait proposé et défendu Paul Vergès de son vivant était une bonne idée pour avoir une mobilité durable sur l’île.

Quel est votre regard sur la région où vous vivez et ses habitants ?

En Europe, l’ambiance varie selon les endroits mis reste souvent moins chaleureuse qu’à La Réunion. Mais je m’épanouis grandement des richesses culturelles, culinaires ou architecturales que contiennent les villages, villes et régions. Je suis en particulier fasciné par la richesse architecturale des grandes cathédrales en Europe.

Quartier de Shibuya à Tokyo

Que vous apporte l’expérience de la mobilité ?

La mobilité dans le cadre des études est importante si on en a la possibilité. Elle permet de s’ouvrir au monde, de découvrir de nouveaux horizons, de s’épanouir. Il s’agit d’apprendre à se débrouiller seul et d’être plus indépendant. La Réunion n’est cependant pas à oublier et l’on se doit de se revendiquer Réunionnais aux yeux du monde, de faire connaître cette petite île au milieu de l’Océan Indien et aux mille richesses. L’éloignement est le problème majeur, je pense, pour tout étudiant en mobilité, en particulier le fait de ne pas voir ses proches pendant plusieurs mois, voire années dans le pire des cas. Dans mon cas, je ne serais pas arrivé là sans ma famille et mes amis qui m’apportent un soutien indéfectible depuis toujours et également sans mon envie de faire rayonner La Réunion à l’international.

Quelle est l’image de la Réunion là où vous vivez ?

La Réunion est vue comme une île du bout du monde aux paysages atypiques paradisiaques. Elle est surtout connue à l’étranger pour son volcan très actif, le Piton de la Fournaise.

Abords des abysses de Kanmangafuchi à Nikko

Quels objets avez-vous apportés dans vos valises ?

J’ai rapporté dans mes valises quelques objets très typiques de La Réunion : le fameux drapeau de La Réunion, un bertel, un chapeau, les savates pigeon. Ils me suivent toujours aujourd’hui et sont exposés dans mon appartement. Je n’hésite jamais à ramener 1 kg de saucisses fumées de mes visites de ressourcement dans l’île afin de cuisiner le fameux rougail saucisses.

Une du Journal de l’île de la Réunion

Avez-vous des contacts avec des Réunionnais ?

Mis à part la famille et les amis, je rencontre quelques Réunionnais qui sont à l’IPSA, mais aussi lors d’évènements comme les concerts de Maloya lorsqu’il y en a en France ou encore dans le cadre de mes projets scientifiques comme le projet « Payankeu » qui mobilise un bon nombre de Réunionnais.

Qu’est-ce qui vous manque de votre île ?

En premier lieu la famille et les amis, mais aussi les paysages, la mer et la montagne, les randonnées, les concerts de Maloya (étant un grand fan de musique traditionnelle réunionnaise ancienne ou contemporaine avec des artistes comme Alain Peters, Danyel Waro, Ziskakan, Maxime Laope, Luc Donat, Grèn Sémé…), sans oublier les spécialités culinaires : rougail saucisses, rougail tomates, samoussas, riz cantonnais, carry poulet, pain bouchon, etc.

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